SPORTS CARS
ALLEMANDE
PORSCHE

Porsche 911 « 997 » : pourquoi elle est la meilleure des 911

Par Nicolas Fourny - 24/11/2022

De temps à autre, voyez-vous, il y a des sujets à propos desquels il est inévitable de prendre position, de s’extraire du consensus, de cesser de ménager la chèvre et le chou et de trancher dans le vif. Bien sûr, certains débats ne seront jamais clos, tels que ceux qui enflamment les antispécistes et les amateurs de viande rouge, les pisse-froid de la sécurité routière et les partisans de la vitesse libre ou encore les adorateurs du Renault Kangoo et ceux du Citroën Berlingo. Et puis, offrant aux bretteurs de la dialectique automobile un sujet aussi inépuisable que passionnant, il y a cette question cardinale qui, j’en suis sûr, sera encore d’actualité dans cinquante ans d’ici : quelle est la meilleure génération de la 911 ? Les lignes qui suivent s’efforcent — mais sans se faire d’illusions — de clore cette controverse une fois pour toutes !

Toujours plus (ou pas)

Avez-vous déjà pris le volant d’une automobile en éprouvant la sensation que tout est bien ? Que le constructeur est parvenu à un équilibre tel qu’il ne pourra jamais s’approcher davantage de la perfection ? Comprenez-moi bien, il ne s’agit pas là de contester la notion même de progrès ; oui, on pourra toujours concevoir des moteurs plus puissants, des châssis plus efficients et suivre sans coup férir le rythme de l’évolution ingénieriale, qu’elle concerne la mécanique proprement dite, les liaisons au sol, les assistances à la conduite ou l’infotainment. Néanmoins, la Porsche 911 ne se résume pas à une addition de composants ou à l’aridité d’une fiche technique. Son mythe — et, pour une fois, ce terme n’est pas galvaudé — découle avant tout d’une quête incessante d’équilibre entre l’esthétique et la performance ; c’est de cet équilibre que dépend la joie que l’auto vous procure. Cela n’a pas forcément abouti à des réussites incontestables et, jadis, il y eut des 911 dévolues à la promenade plus qu’à la vitesse (on pense par exemple à la 911 T de 1968, dont les 110 chevaux n’affolaient guère le chronomètre) et d’autres, au contraire, que leur bestialité rendait difficilement contrôlables une fois atteintes certaines limites. Tout le monde n’a pas le talent d’un Jacky Ickx ou d’un Walter Röhrl et, jusqu’à l’irruption du PSM, il fallait beaucoup de métier pour parvenir à tirer la quintessence d’une machine dont le déséquilibre structurel constitue l’un des charmes majeurs — sauf, bien entendu, si vous n’avez jamais rien conduit d’autre que des tractions à la neutralité bienveillante et au sous-virage rassurant.

Après quoi, vers la fin de l’autre siècle, la plus célèbre des Porsche est entrée avec fracas dans la modernité. Avec fracas parce que, comme chacun sait, quand le passé ressemble autant à une légende, certaines ruptures s’avèrent nécessairement transgressives. Le passage au refroidissement liquide — même si le sujet avait été magistralement défriché dès 1987 par la 959 — tout comme le renouvellement complet du design ont, de la sorte, littéralement traumatisé des amateurs dont l’hystérie approcha celle des admiratrices de Rudolf Valentino à l’annonce de sa mort. Cependant, si la 996 représente un tournant majeur dans l’histoire du modèle, c’est moins en raison de l’abandon des moteurs « à air » que du glissement philosophique qu’elle a incarné, s’éloignant des rivages d’une sportivité devenue trop exigeante à vivre pour l’utilisateur moyen au profit d’un grand tourisme plus ou moins assumé lorsque l’on décrypte la communication de la firme, mais pleinement tangible quand on prend le temps de partager la vie de la voiture, pour cent kilomètres ou pour dix ans.

Une 996, en mieux

Pour autant, et en dépit d’indéniables qualités de fond, la 996 ne m’a jamais entièrement convaincu. Son regard semble s’être noyé dans une semblance organique à force de réfuter la simplicité circulaire de ses devancières et son mobilier manque de cachet — afin d’anticiper les réactions des grincheux de tous horizons, je revendique sans équivoque l’entière subjectivité de ces propos ; on aura compris qu‘en 2004, l’apparition de la 997 a attisé mon enthousiasme au-delà du raisonnable.

Il n’a échappé à personne que celle-ci n’était, en somme, qu’une évolution approfondie de la 996. Le concept de nouveau modèle peut recouvrir des réalités très différentes et certains manufacturiers sont devenus maîtres dans l’art de faire passer des restylages pour des créations originales mais, dès qu’il s’agit de Porsche, on peut être sûr que la métamorphose ne se bornera pas au dessin d’une jante, à la modification des graphismes de l’instrumentation ou à un renouvellement du nuancier. De fait, à certains égards, la 997 pourrait faire passer son prédécesseur pour un talentueux brouillon ; si l’on tient à s’exprimer de façon schématique, il est permis de considérer que, de la 996, elle n’a conservé que le meilleur — et rectifié tout le reste.

En premier lieu, la physionomie extérieure de l’auto a bienheureusement changé. Le nouveau dessin des optiques et des clignotants avant renvoie sans ambiguïté aux 911 Classic (c’est-à-dire aux modèles d’avant la série G) et la vidéo promotionnelle diffusée par Porsche au moment du lancement de la voiture s’exprime très clairement à ce sujet : après des chamboulements diversement appréciés durant sept millésimes, il est temps de reconstruire une légitimité stylistique et la course à la contemporanéité laisse la place à une nostalgie soigneusement calibrée. En comparaison, la poupe n’a bougé que marginalement mais il a suffi aux feux arrière de retrouver des angles vifs pour lui conférer le caractère qui lui manquait.

Si vous disposez une 996 et une 997 côte à côte, la modernité de cette dernière ne fait aucun doute, alors même qu’elle affecte de puiser son inspiration dans des clins d’œil vintage. Les 911 d’avant 1974 ont, par le passé, subi bien des outrages : ne valant plus que ce que l’on voulait bien en donner, transformées à outrance, vulgairement actualisées par toute une tribu de philistins socialement complexés, affublées d’ailerons et de pare-chocs à soufflets scandaleusement apocryphes, ces autos ont souvent vécu un douloureux purgatoire. Les survivantes — je veux dire celles qui ont échappé au pire — ont commencé à en sortir au début des années 2000 et, quatre ans plus tard, les citations auxquelles se prête la 997 ne doivent rien au hasard. Il est désormais question de clore définitivement les débats stériles qui ont jalonné le parcours de la 996 — cette machine hérétique est-elle vraiment digne de son ascendance ? — en rattachant sans ambages la 911 d’aujourd’hui aux prémices de l’aventure.

Le retour de la 911 S

Quand vous prenez place à l’intérieur, la démonstration se poursuit avec une planche de bord entièrement nouvelle, dont la parenté avec le vocabulaire utilisé des décennies durant par les 911 pré-Wiedeking ne fait aucun doute. Les galbes quelque peu maniérés de la 996 ont disparu ; leur succèdent des lignes nettes, des angles droits et, au passage, une qualité de finition plus satisfaisante. L’équipement bénéficie des avancées du moment mais ce n’est évidemment pas l’aspect le plus déterminant de l’auto. Les responsables du projet ont en effet profité du changement de génération pour réintroduire une variante « S » dont les caractéristiques ne se restreignent plus à des aménagements esthétiques et à des mises au point des trains roulants. La 997 est dorénavant disponible en deux cylindrées et, si le 3,6 litres d’entrée de gamme ne progresse que symboliquement par rapport à la 996, le 3,8 litres « S », quant à lui, apporte des avantages déterminants. Plus puissant de 30 chevaux, il en propose 355 au total et délivre des performances encore plus réjouissantes — c’est, de mon point de vue, la version à rechercher en priorité de nos jours : aussi discrète qu’une Carrera de base, elle n’offre naturellement pas les prestations d’une 992 mais, en définitive, est-ce réellement ce qui importe ? En valeur absolue et quinze ans après, les ressources d’une 997 « S » demeurent impressionnantes. Oubliez la phraséologie communément attachée aux comparaisons frustes : dans cette définition, la voiture a atteint un tel niveau qu’aucune autre sportive, ni même aucune 911 plus récente, ne saurait la surpasser, encore moins l’humilier, pour reprendre une formulation à la mode chez les godasses de plomb. Le pack « Sport Chrono Plus » propose, certes, des fonctionnalités amusantes pour ceux qui emmènent régulièrement leur auto sur la piste mais, au vrai, c’est plus un accessoire joliment décoratif qu’autre chose. Le temps n’est plus où Jean-Louis Trintignant pouvait calculer sa moyenne entre Deauville et Paris sans se soucier de limiter sa vitesse et l’immense majorité du parc des 997 s’exprime très majoritairement sur route ouverte, là où le fait d’avoir gagné deux ou trois secondes sur la Nordschleife n’a guère de sens.

Une phase 1, sinon rien

Dans le même esprit que la 996, la 997 a connu moult déclinaisons de motorisations, de transmissions, de carrosseries — avec, en particulier, la réapparition du Speedster — et il est tout bonnement impossible que vous ne trouviez pas votre bonheur dans le foisonnement d’une gamme dont la complexité requiert un examen attentif au moment du choix. À mon sens, pour ce qui concerne les modèles les plus courants, la phase 2 présentée à la fin de 2008 n’apporte pas grand-chose de plus : les niveaux de puissance progressent encore pour atteindre respectivement 345 et 385 chevaux, tandis que la boîte robotisée à double embrayage PDK (pour Porsche Doppelkupplungsgetriebe) remplace la Tiptronic traditionnelle, mais ces améliorations se paient au prix de regrettables amendements : les clignotants avant perdent un peu de leur grâce initiale, tandis que les feux arrière semblent avoir été récupérés sur les étagères d’un accessoiriste douteux. C’est malheureusement dans cette livrée qu’a été éditée la très désirable Sport Classic, produite à seulement 250 unités en 2009 et qui a exalté plus encore la connexion de la 997 à l’histoire dont elle est issue. Son aileron en forme de queue de canard évoque celui de la Carrera RS de 1973 alors que ses jantes rappellent le design des Fuchs en vigueur dans les années 1970 et 1980, ce qui n’est pas incompatible avec les avantages de la technique contemporaine : son six-cylindres à plat est poussé à 408 chevaux, les freins sont en carbone céramique et le différentiel à glissement limité est fourni d’office.

Une 997 GT3 (en haut) et une GT3 RS (en bas)

Dans la famille des flat-six atmosphériques, les GT3 et GT3 RS sont à privilégier si vous fréquentez régulièrement les circuits ou si vous appréciez les variantes « extrêmes », mais elles requièrent une enveloppe budgétaire d’une tout autre ampleur que les Carrera. Notez qu’à l’été 2011, soit au crépuscule de la carrière de la 997, Porsche construisit 600 exemplaires de la GT3 RS 4.0, dont le moteur, toujours à aspiration naturelle, atteignait le chiffre magique de 500 chevaux — une version fréquemment proposée au-delà des 300 000 euros sur le marché allemand. Comme il se doit, la 997 a aussi existé en version Turbo et Turbo S (de 480 à 530 chevaux selon les millésimes), de même qu’en GT2 puis GT2 RS, dont les 620 chevaux continuent d’ensoleiller le quotidien d’une poignée d’amateurs.

Une 997 Turbo (en haut) et une 997 GT2 (en bas)

Il faudrait être fou pour dépenser plus 

Révélée à la fin de 2011, la 991 a, comme c’est l’usage, progressivement remplacé la 997. Celle-ci, fabriquée à plus de 218 000 exemplaires (soit 25 % de plus que la 996), est donc très présente sur le marché et, on l’a vu, propose un remarquable compromis entre un style reconnecté à certains de ses fondamentaux et une partition technique qui a permis à l’auto de se maintenir au sommet. Le rapport entre sa cote et le plaisir qu’elle est susceptible de vous prodiguer est à peu près indépassable et il est probable qu’elle vieillira mieux que ses successeurs, dont l’empâtement (excessif) comme l’empattement (rallongé) ont abouti à des carrosseries sensiblement plus massives. C’est donc, plus que jamais, le moment d’acheter ; compte tenu de l’âge de la voiture, le réseau Porsche ne propose pas l’offre la plus significative mais, si vous disposez de 50 à 60 000 euros, vous pourrez y dénicher de belles Carrera ou Carrera 4S en phase 1, de même que chez les spécialistes indépendants. Oui, c’est plus cher qu’une 996 mais l’auto est aussi meilleure à tous points de vue. Et même, tout bien considéré, la meilleure de toutes…

Carjager vous recommande

undefined
Porsche 987 Cayman R : la quintessence du plaisir de conduite 
Vous rêvez d’une Porsche 987 Cayman R ? Votre rêve pourrait bien devenir réalité ! Découvrez tous les détails de cette magnifique auto proposée aux enchères sur CarJager.
03/10/2024
Lire la suite
undefined
VW-Porsche 914 : un Boxster avant l'heure
« En Europe, personne n’a jamais vraiment compris si la 914 était une super-Volkswagen ou une sous-Porsche »
Nicolas Fourny - 01/10/2024
Lire la suite
undefined
Ma première Porsche 911 : les conseils de CarJager
« La 996 saura vous accompagner en douceur dans vos premiers kilomètres de porschiste, sans pour autant perdre une once de son caractère »
Nicolas Fourny - 06/08/2024
Lire la suite

Vendre avec CarJager ?