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Peugeot 504 Ti : sage comme son image

Nicolas Fourny - 23 juil. 2024

« Développant 104 ch, la 504 Injection n’est plus qu’à quelques encablures d’une DS 21 à carburateur et peut à présent dépasser les 170 km/h »

C’est un fait : lorsque l’on évoque la berline 504 – en dépit d’un impressionnant palmarès en course, notamment sur les pistes africaines –, ce ne sont pas la performance, les qualités routières ou le plaisir de conduire qui viennent spontanément à l’esprit. Dure au mal et capable d’enchaîner les tours de compteur comme qui rigole, la vaillante sochalienne est généralement associée à des valeurs laborieuses telles que l’économie d’usage, l’habitabilité, la fiabilité ou la robustesse. Quoi de plus logique, au fond, pour une paisible familiale ? Pourtant, Peugeot ne s’est pas contenté de satisfaire les chauffeurs de taxi et les représentants de commerce. Dès son lancement, prenant la suite de la 404 semblablement gréée, la gamme 504 a ainsi comporté une version à injection d’essence – dispositif certes incontournable de nos jours mais fort rare à ce niveau de gamme il y a un demi-siècle. À l’époque, conduire une berline « à injection » recelait un délicieux parfum d’élitisme technique qui vous plaçait légèrement au-dessus du tout-venant, mais sans ostentation ; une approche typique de la marque, en somme…

Ayez soif de modération

Depuis l’après-guerre et tout au long des Trente Glorieuses, Peugeot a méticuleusement accompagné la lente progression sociale de sa clientèle en développant, à un rythme tranquille, sa gamme vers le haut. Sans jamais se risquer – jusqu’en 1965 tout du moins – à des hardiesses techniques mal maîtrisées et potentiellement préjudiciables à l’image de sérieux traditionnellement attachée aux voitures du Lion, la firme franc-comtoise a, de la sorte, successivement lancé les 7 CV 203, 8 CV 403 puis 9 CV 404, chacune accomplissant un saut vers la catégorie fiscale supérieure, gagnant en puissance et en confort, le tout s’accompagnant de carrosseries de plus en plus volumineuses. Bien sûr, au mitan des sixties, le lancement de la 204 (première traction de la marque) a ouvert de nouvelles et prometteuses perspectives sur le marché naissant des voitures compactes mais, pour Peugeot, il demeure essentiel de perpétuer le schéma technique qui a bâti sa réputation ; c’est pourquoi, à l’automne de 1968, le lancement de la 504 s’inscrit dans une continuité rassurante pour la clientèle du constructeur, peu encline à adopter la forme bicorps de la Renault 16 ni l’avant-gardisme de la Citroën DS

L’œuvre de Dieu, la part du Lion

Toutefois, apparaissant huit ans après la 404, la nouvelle venue revendique une rupture esthétique complète par rapport à son aînée, même si le dessin de sa carrosserie provient une fois encore de Turin. Systématiquement mis en concurrence avec le studio de design de la firme, animé par Paul Bouvot, Pininfarina remporte donc la compétition, à l’exception cependant de la proue de l’auto – peu inspirée, il faut bien le dire, sur le projet italien, et avantageusement remplacée par les fameux « yeux de Sophia Loren » dus à l’inspiration de Bouvot lui-même et dont la philosophie perdurera de longues années durant chez Peugeot. Pour autant, la berline 504 ne se départ pas du classicisme cher à la marque, même si l’arête brisée qui caractérise la poupe de la voiture fera couler beaucoup d’encre à ses débuts avant d’entrer dans les mœurs… Pour leur part, les liaisons au sol de la 504 constituent un indéniable progrès par rapport à sa devancière ; si elle demeure fidèle à la propulsion, l’auto bénéficie en effet d’une suspension à quatre roues indépendantes tout à fait inédite qui, si elle n’égale pas l’hydropneumatique Citroën en matière de tenue de route, confère à la nouvelle Peugeot un comportement général rassurant ainsi qu’un confort postural d’excellente facture.

 

Premiers pas d’une provinciale timide

Très habitable, plus fiable que la moyenne et facile à maîtriser tant que la route est sèche, la 504 est par surcroît vendue à un tarif étudié et ne tarde pas, commercialement parlant, à tailler des croupières à une DS tout juste restylée mais qui approche de ses quinze ans. Saluée pour ses qualités conceptuelles et son homogénéité générale par la presse spécialisée, la 504 doit néanmoins affronter les critiques des plus exigeants pour ce qui concerne la mièvrerie de ses motorisations. Basé sur le groupe 404 ayant subi un allongement de la course, l’austère quatre-cylindres 1796 cm3 qui anime la voiture ne fait pas dans la gaudriole avec son arbre à cames latéral et les 97 ch péniblement exhalés par la variante à injection Kugelfischer proposée dès l’abord. Dans ces conditions, la berline Peugeot peut certes tenir tête à une ID 19 mais, en l’état, ses prestations lui interdisent d’engager la conversation avec une DS 21 – sans parler des Alfa Romeo 1750 ou des Mercedes 220, il est vrai sensiblement plus onéreuses. Il reste à la 504, familiale accomplie, une marche à franchir pour pouvoir prétendre au rang de « grande routière » et séduire une clientèle aux yeux de laquelle l’agrément de conduite compte au moins autant que la capacité d’emport…

La classe « 2 litres »

Contrairement à ses habitudes, le Lion ne va pas tergiverser longtemps et, dès l’été 1970, le 1,8 litre originel se voit purement et simplement remplacé par un 2 litres – d’une cylindrée exacte de 1971 cm3 –, lequel n’est somme toute que l’évolution ultime du quatre-cylindres maison. Le renforcement des capacités thoraciques du moteur porte cependant ses fruits et les progrès s’avèrent significatifs en termes de performances chiffrées. Développant désormais 104 ch à 5200 tours/minute, la 504 Injection (c’est fièrement écrit en toutes lettres sur le panneau arrière) n’est plus qu’à quelques encablures d’une DS 21 à carburateur et peut à présent dépasser les 170 km/h. Mais Peugeot ne poussera pas la plaisanterie plus loin ; parvenu en bout de développement, le groupe n’évoluera plus jusqu’à sa disparition en 1979, la 505 préférant s’en remettre, pour ses versions de pointe, au moteur moderne tout alu et à arbre à cames en tête conçu en coopération avec Renault. Seule la nouvelle appellation commerciale « Ti » (pour Tourisme Injection), apparue pour le millésime 1973, et une légère augmentation de puissance, portée à 106 ch pour le millésime 1977, marqueront la carrière de l’auto jusqu’à l’arrêt de sa fabrication.

La force (trop) tranquille

Arrivée à maturité (en particulier à partir du moment où Sochaux se décidera à l’équiper de l’indispensable direction assistée), la Ti va quiètement traverser la décennie 70, laissant le soin à la 604, présentée en 1975 et animée par le V6 PRV qu’elle partage avec le coupé et le cabriolet 504, le soin d’achever la montée en gamme du Lion – et c’est là que les choses se gâtent, mais il s’agit d’une autre histoire… La berline 504, quant à elle, a connu un succès durable dans lequel les versions à injection auront joué un rôle non négligeable. Elle n’aura pas connu le V6, sauf pour un modèle unique destiné à la famille Peugeot, ni le turbo auquel la 505 aura droit (son constructeur ayant enfin décidé de « sortir ses griffes »), ni de break Ti, variante à la connotation encore trop utilitariste pour mériter une mécanique de cet acabit. À l’heure actuelle – coupés et cabriolets mis à part, bien entendu – la berline à injection demeure la plus désirable des 504, même si bon nombre d’amateurs, effrayés par le coût de la remise en état du système d’injection, préfèrent s’en tenir à une GL à carburateur, moins véloce mais aussi moins capricieuse. Il n’empêche qu’y compris dans la circulation de 2023, une Ti sait tenir son rang et réaliser des moyennes tout à fait respectables. Raisonnable à tous égards, son 2 litres n’a sans doute pas la pétulance ni la joie de vivre d’un moteur transalpin, mais c’est à des allures tout à fait contemporaines qu’il vous emmènera au bout du monde !

1971 cm3Cylindrée
106 chPuissance
173 km/hVmax



Texte : Nicolas Fourny

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