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Peugeot 205 cabriolet : c'est l'été toute l'année

Par Nicolas Fourny - 14/09/2023

« Élégante, frimeuse, chic et tellement moins austère qu’une Golf ou qu’une Kadett, la 205 cabriolet a visé juste, sachant ajuster le tir au fil du temps, tantôt vers le haut avec une version Roland-Garros, tantôt vers le bas avec une CJ adroitement positionnée »

Depuis l’après-guerre et jusqu’à la déplorable 308 CC, une longue tradition de cabriolets a marqué l’histoire de Peugeot, qui a malheureusement abandonné ce type de carrosserie depuis déjà plusieurs années. Désormais, ce n’est plus chez les concessionnaires mais dans les allées du musée de la marque, à Sochaux, ou dans les rassemblements d’automobiles anciennes que les amateurs doivent se rendre pour admirer des modèles qui, pour certains d’entre eux, ont incarné, dans une sorte de perfection formelle, l’élégance à la française (et souvent franco-turinoise…) avant de devenir d’authentiques objets de collection – on pense notamment aux 404 ou aux 504, dont la cote s’est récemment envolée. La 205 ainsi gréée, pour sa part, relève toutefois d’une tout autre grammaire, élaborée autour d’un design plus fonctionnel, plus prosaïque ; les années 60 et 70 étaient bel et bien mortes et le modèle s’est résolument inscrit dans son époque, tout en contribuant à la popularité de la petite Lionne qui, quarante ans après sa naissance, ne se dément toujours pas !

La fin d’une époque

La décennie 1970 a bien failli avoir définitivement la peau des cabriolets, que des rumeurs insistantes annonçaient comme purement et simplement condamnés par les nouvelles normes sécuritaires en préparation outre-Atlantique. Moyennant quoi, plusieurs firmes – et non des moindres : on pense par exemple à Jaguar, à Ferrari ou à Porsche – abandonnèrent momentanément les carrosseries ouvertes, se bornant dans le meilleur des cas à fabriquer des découvrables du genre targa. Tel ne fut pas le cas de Peugeot qui, contre vents et marées, et avec une persévérance qui mérite d’être saluée, poursuivit quatorze ans durant l’assemblage d’une 504 décapotable dont les ventes devinrent pourtant rapidement symboliques. Fort logiquement, à l’abandon de celle-ci en 1983, la firme franc-comtoise, tout occupée au renouvellement d’une gamme dont la sénescence devenait préoccupante et au rétablissement de sa situation financière, relégua les cabriolets dans l’arrière-cour de son plan produit. Néanmoins, le Lion n’avait pas totalement jeté le gant et, dans la coulisse, des réflexions finirent par s’engager quant au développement d’une variante décapotable du nouveau fer de lance de la marque – nous avons nommé la 205 ! Dessinée par Gérard Godfroy sous l’ombrageuse férule de Gérard Welter (emblématique patron du style Peugeot auquel on attribue trop souvent la paternité exclusive de la voiture), celle-ci s’apparentait pour l’essentiel à la très opportune actualisation esthétique d’une base technique issue de la 104, excellente auto mais dont les qualités se trouvèrent malheureusement dissimulées sous une carrosserie aussi excitante qu’un bol d’eau tiède, d’où une carrière commerciale en demi-teinte.

 

La 205 sur tous les fronts

Or, présentée officiellement en février 1983, la 205 apparaît très vite comme l’antithèse de sa devancière. Très joliment dessinée, pimpante et aguicheuse, l’auto remporte immédiatement un grand succès, faisant vieillir d’un coup une concurrence qui, en comparaison, semble terriblement datée, qu’il s’agisse de l’antédiluvienne R5, de l’atypique Citroën Visa ou de la très luthérienne VW Polo. Ce n’est pourtant qu’un début car, contrairement à la 104, la nouvelle Peugeot ne va pas tarder à multiplier les versions, dans des typages très diversifiés que son aînée n’avait jamais pu se permettre de proposer en raison d’un train avant trop restrictif en termes de potentiel mécanique. De la sorte, strictement cantonnée aux groupes « X » – caractérisés par une lubrification commune moteur/boîte – et victime par surcroît d’un marketing frileux, la 104 n’aura jamais connu ni la boîte automatique, ni le Diesel, ni les GTi, ni même les séries spéciales valorisantes du type Lacoste ou Roland-Garros. Peugeot avait indéniablement changé d’époque même si, initialement, la gamme 205 ne devait comporter que les carrosseries usuelles chez les citadines, c’est-à-dire un coach trois portes et une berline cinq portes qui, comme on s’en doute, vont représenter la part la plus significative des ventes. Pour autant, l’expérience du cabriolet Samba a laissé des traces chez les dirigeants du groupe PSA, en dépit du relatif insuccès de la voiture, littéralement scarifiée par la brève et désastreuse aventure Talbot. Car, popularisée par la Golf apparue en 1979, la formule du petit cabriolet urbain et accessible, dérivé d’une citadine ou d’une compacte de grande diffusion, ne laisse alors indifférent aucun constructeur européen…

Le fantôme de la Samba

C’est ainsi qu’au printemps de 1983, Pininfarina se voit missionné par Peugeot pour l’étude d’un cabriolet 205. Vieux complice du Lion depuis trois décennies, le carrossier italien a une revanche à prendre ; en 1979, aucune de ses propositions n’a été retenue pour le projet M24, ni pour l’extérieur, ni pour l’intérieur du futur modèle. Traditionnellement mis en concurrence avec les Turinois pour chaque projet, les stylistes de la Garenne-Colombes ont, pour une fois, remporté la partie. Mais pour l’étude du cabriolet à venir, la sous-traitance s’impose. En l’espèce, les équipes de Pininfarina vont largement s’inspirer du travail qu’elles avaient réalisé pour aboutir à la Samba décapotable ; les profils des deux autos, dans leurs versions définitives, sont d’ailleurs étrangement superposables… À l’évidence, la démarche est similaire : sur la base du coach trois portes, le travail consiste, une fois la toiture supprimée, à préserver la rigidité de la caisse par des renforts intégrés aux longerons et aux montants du pare-brise, sans oublier, bien entendu, la greffe de l’indispensable arceau, vilipendé par les puristes qui seront nombreux à regretter les lignes pures et dépourvues d’aspérités de la 504. De l’avis quasi-général, ledit arceau s’avère à peu près incontournable lorsque l’on conçoit un cabriolet issu d’une petite voiture – ce qui n’empêchera pas le carrossier espagnol Emelba de concevoir un cabriolet 205 privé d’arceau ; et, des années plus tard, Rover ou Fiat n’hésiteront pas à fabriquer en série de petites décapotables ainsi gréées.

Premier flirt avec le premium

Mais, comme toujours, le marché se fout éperdument de l’avis des esthètes et la 205 décapotable, dont la commercialisation effective démarre en mars 1986, juste à temps pour l’arrivée du printemps, va elle aussi remporter les suffrages d’une clientèle préalablement convaincue par la physionomie avantageuse des versions fermées. Force est de constater que, malgré la présence de l’arceau, celle-ci n’a pas été dégradée ; le nouveau cabriolet Peugeot est avant tout une 205 – c’est-à-dire une machine séduisante, aux volumes équilibrés, suggérant le dynamisme et même une certaine joie de vivre. Par contraste avec une Supercinq qui peine à se défaire de sa réputation de déplaçoir destiné aux masses laborieuses, Peugeot veille très attentivement à préserver l’image de la 205, voulue légèrement plus élitaire et dont les tarifs sont, à tous les niveaux de la gamme, systématiquement un peu plus élevés que ceux de la Renault (qui, quant à elle, n’aura jamais droit à une version cabriolet « usine »). Très habilement, les deux premiers cabriolets commercialisés par le Lion (et en partie construits chez Pininfarina, qui appose sa griffe sur les ailes arrière) dérivent donc des versions les plus coûteuses de la gamme : la CT (1360 cm3, 80 ch) est ainsi apparentée à la XT identiquement motorisée, tandis que la CTi (1580 cm3, 115 ch) reprend le moteur de la moins puissante des deux GTi disponibles à ce moment-là. Les prix sont à l’avenant : la CT coûte 33 % plus cher que la XT, la CTi est tarifée 25 % de plus que la GTi 115 ch… Cependant il n’y aura jamais de CTi animée par le moteur 130 ch de la plus puissante des 205 GTi ; il faut dire que le train avant de l’engin a déjà fort à faire avec quinze chevaux de moins !

Sportifs s’abstenir

Car les trains roulants de la CTi ne sont pas tout à fait ceux de la GTi 115 ch. En se contentant d’un examen superficiel, on pourrait aisément s’y tromper car l’accastillage des deux voitures est rigoureusement le même, jusqu’à l’instrumentation à six cadrans, apanage des 205 sportives – Rallye exceptée. Las ! De sport, il ne saurait être question au volant du plus puissant des deux cabriolets. Affublée du même train avant que la CT et non pas de l’unité triangulée des GTi, la voiture pèche par une motricité perfectible, à quoi s’ajoute un déficit de rigidité très perceptible sur les revêtements dégradés – l’arceau ne compense pas tout… Mais au fond, qu’importe ! Un cabriolet, c’est fait avant tout pour la balade, la conduite décontractée, les kilomètres ensoleillés, l’hédonisme souriant. Les chronos sont secondaires et, du reste, les conducteurs sportifs ne sont pas véritablement concernés par la proposition. Élégante, frimeuse, chic et tellement moins austère qu’une Golf ou qu’une Kadett, la 205 cabriolet a visé juste, sachant ajuster le tir au fil du temps, tantôt vers le haut avec une version Roland-Garros (sans doute la plus désirable aujourd’hui), tantôt vers le bas avec une CJ adroitement positionnée. C’est certainement ce qui lui a permis de durer et de faire la jonction, en 1994, avec une 306 qui, quant à elle, est revenue aux codes traditionnels du cabriolet tricorps. En comparaison, la 205 semblait tout à coup horriblement datée, avec son arceau so eighties, son moignon de coffre et ses plastiques bas de gamme. Près de trente ans après l’arrêt de sa production, les choses ont évidemment beaucoup changé et les collectionneurs sont désormais à l’affût, d’autant que les beaux exemplaires sont devenus rares (l’auto a longtemps servi de souffre-douleur aux amateurs de tuning). Tout à fait entre nous, si le modèle vous plaît, ne tardez pas trop…

 





Texte : Nicolas Fourny

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