Peugeot 205 Multi et F : les raretés de l'utilitaire
Il y a des destins que l’on ne peut pas éviter : il était écrit que la Citroën Visa végéterait sur le marché des véhicules particuliers, tandis que sa version utilitaire C15 (lire aussi : Citroën C15) s’offrirait une carrière à rallonge. De même, il était évident que la Peugeot 205 écraserait la concurrence, alors que ses versions utilitaires, la 205 Multi puis 205 F, ne feraient que de la figuration. On ne peut pas être bon partout !
Une ascension fulgurante
Peugeot envisagea un temps d’offrir une version Peugeot du C15, sans suite
Aujourd’hui, il est acté que Citroën comme Peugeot disposent dans leurs gammes d’un petit utilitaire : Berlingo pour les chevrons, Partner pour le Lion (qui se nomme aujourd’hui Rifter pour sa version pour particuliers), deux véhicules que nous allons essayer en juin prochain. Mais au début des années 80, l’heure est encore à la spécialisation, et c’est à Citroën que revient l’honneur d’offrir au monde des professionnels son increvable C15 à partir de 1984 après une longue genèse. Après avoir un temps étudié une version Peugeot (lire aussi : la genèse du C15), il fut décidé de laisser à Citroën l’exclusivité de ce modèle avec le succès que l’on connaît aujourd’hui.
De toute façon, Peugeot était concentré sur le lancement crucial de la Peugeot 205, arme de la dernière chance, et semblait tout à fait disposé à laisser le champs libre à sa marque sœur. La 205 n’en délaisse pas pour autant le marché des professionnels : en 1985 apparaissent les versions 3 portes de la petite berline, et accessoirement ses versions commerciales XA et XAD. Des versions qui vont devenir les donneuses d’un utilitaire 205 de plus grande capacité, la 205 Multi.
La Peugeot 205 Multi est originale
L’idée de la Peugeot 205 Multi est originale : offrir une plus grande capacité de chargement que les 205 3 portes commerciales, sans concurrencer le C15 de plus grande taille, et pour un coût relativement peu élevé. Deux carrossiers vont se partager le marché, Gruau et Durisotti, mais c’est ce dernier, sur son site, qui revendique la paternité de l’automobile Multi (voir le site de Durisotti), précisant qu’il doit « malheureusement accepter de partager la fabrication de son modèle avec un autre carrossier ».
Ce qui est sûr, c’est qu’en travaillant avec des carrossiers, Peugeot savait qu’il s’agissait d’un petit marché. Je soupçonne d’ailleurs le Lion d’avoir accepté le lancement de cette carrosserie pour soutenir des entreprises travaillant pour lui de longue date. Durisotti, par exemple, s’occupait de transformer les utilitaires J5 ou C25 pour toutes sortes d’activité, et notamment les J5 de la Police Nationale.
1985 : le modèle Multi
C’est donc le 10 septembre 1985 qu’est lancée la commercialisation des Multi dans les usines Gruau d’un côté et Durisotti de l’autre. Les modifications sont simples et ingénieuses : on découpe au milieu du toit, on rajoute un peu de polyester pour augmenter le volume utile par le haut, et on lui offre un hayon vitré. Grâce à cela, on pouvait conserver les feux arrières et le pare-choc d’origine, et les transformations se limitaient à un peu de disqueuse, de soudure (notamment de l’arceau) et de travail du polyester. Les voitures étaient prélevées sur les chaînes de Peugeot puis modifier à Laval (Gruau) ou Sallaumines (Durisotti).
Si l’essentiel des Multi s’équipent soit d’un moteur essence XW7 (1124 cm3, 50 chevaux) ou Diesel XUD7 (1760 cm3, 60 chevaux), les choses vont changer en 1989 : le Multi reçoit un nouvel ensemble en polyester, redessiné pour partir du haut du pare-brise de la 205, devenant alors « Multi Evolution ». A cette occasion, il devient possible non seulement de partir de n’importe quelle base 3 portes (hormis la GTI) : mieux, on peut même demander la transformation sur la base d’une automobile d’occasion.
La 205 F, voiture favorite
Produite de 1985 à 1992, la 205 Multi est plutôt rare : Gruau en assemblera 2500 exemplaires, tandis que Durisotti en revendique 6000, soit un total de 8500 exemplaires ! En 1993, devançant la politique du duo Partner/Berlingo, Peugeot va demander à Durisotti d’assembler une 205 calquée sur la Citroën C15 (dont elle reprend les portes arrières), appelée 205 F. Cette fois-ci, le travail est plus important, partant d’une base de 5 portes rallongée. La méthode appliquée est la même que celle du C15 : l’avant reste « commun » avec le modèle donneur, mais l’arrière devient spécifique avec un vrai espace de chargement. Lancée en mai 1993, après seulement 2 mois d’études, elle sera commercialisée jusqu’en mai 1996, avant d’être remplacée par le Partner fabriqué, lui, par Peugeot sur une base spécifique partagée avec le Citroën Berlingo.
Il faut croire que la 205 F répondait à une réelle demande de « Peugeotistes » convaincus, qui désiraient « leur » utilitaire 205, et non un C15 : en 4 ans, il s’en vendra plus que de Multi en 8 ans, avec 13 957 exemplaires.
Avec un peu plus de 22 000 exemplaires Multi et F confondus, les versions « camionnettes » de Peugeot n’arrivent pas à la cheville des presque 1,2 millions de C15 fabriqués. Cela en fait de véritables collectors, surtout dans l’originale version Multi, la version F étant d’une affligeant banalité. S’offrir une rareté pour des clopinettes, ça n’a pas de prix !
Texte : CLÉMENT-COLLIN