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Peugeot 106 S16 : la bombe anti-mythe !

Par Nicolas Fourny - 28/07/2022

En septembre prochain, la 106 fêtera ses trente ans. Eh oui, déjà ! L’une des plus petites Peugeot de l’histoire fait partie de ces autos n’ayant pas véritablement marqué la mémoire collective, en dépit d’un réel succès commercial. Définie sur la base d’une stratégie bancale, elle a dû affronter deux obstacles redoutables : assumer — partiellement — la succession d’un mythe et affronter la tornade Twingo. La 205 n’était pas plus irremplaçable qu’une autre, mais Peugeot, tétanisé par l’enjeu, n’a pas su trancher et a ainsi condamné la 106 à exister dans l’ombre d’une légende devenue encombrante. Pour les versions sportives, ce n’est guère mieux : authentique, pure et dure, caractérielle, la Rallye phagocyte l’attention des collectionneurs, rejetant dans l’ombre autant les XSi de la première génération que les S16 de la seconde époque du modèle. Vous l’avez compris, c’est à cette dernière que nous allons nous intéresser aujourd’hui…

Les cimetières sont remplis de bagnoles irremplaçables

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la plateforme et la structure de l’AX auront bien vécu. Commercialisée à l’automne de 1986, la petite Citroën a, par la suite, enfanté le duo 106/Saxo, dont les derniers avatars sont tombés de chaîne en 2003 ! 1986, c’est aussi l’année où Peugeot commence à s’interroger sérieusement quant à la succession d’une 205 encore jeune, mais dont le cycle de vie prévisionnel, à l’époque, ne semble pas pouvoir dépasser le début des années 1990. La firme de Sochaux s’oriente alors vers un choix inattendu : le remplacement de l’icône sera bicéphale, le poids de l’héritage étant sans doute trop lourd pour pouvoir être supporté par un seul modèle. De la sorte, le bas de la gamme 205 se verra progressivement supplanté par une voiture légèrement plus petite, tandis qu’un modèle plus volumineux remplacera à la fois les versions hautes du « sacré numéro » et la disgracieuse 309, à tout jamais vouée à rester, dans les mémoires, comme un accident de l’histoire.

Ainsi, la 106 de 1991 puis la 306 de 1993 vont-elles prendre la suite d’une 205 qui hantera tout de même le catalogue Peugeot jusqu’en 1998, au moment de la commercialisation de la 206. On l’a vu, la plus petite des deux repose donc sur la base de l’AX — une auto dont l’extrême légèreté constitue à la fois une vertu et un handicap. Très économique en carburant et plus agréable à conduire que la moyenne (avec un moteur de 55 chevaux, une AX 11 se montrait déjà plutôt vive), l’auto péchait, en contrepartie, par une finition dramatique et une insonorisation rendant totalement superflue l’utilisation d’un autoradio au-dessus de 100 km/h. Chez Peugeot, les responsables du projet S10, qui va aboutir à la future 106, sont conscients des insuffisances de la Citroën, mais aussi des qualités de fond sur lesquelles ils vont pouvoir s’appuyer pour livrer leur propre interprétation.

Au Royaume Uni, la S16 s’appelle… GTI

Une AX embourgeoisée (mais pas que)

Plus coûteuse que la plupart de ses rivales et joyeusement sous-équipée dans la grande tradition Peugeot de l’époque, la 106 ne renverse pas la table lors de son apparition. Le climat général post-guerre du Golfe est plutôt morose, la récession frappe à la porte et la Renault Clio est une redoutable concurrente pour la petite Lionne, qui ne se cantonne pas aux déprimantes XN de base mais a su développer une gamme complète, couronnée par une XSi dont le 1360 cm3, poussé à 100 chevaux, envoie la 205 GTi 1.6 vers une retraite bien méritée. Aussi habitable que son aînée et redoutablement efficace à condition de maîtriser l’art délicat du survirage, la XSi en assure la succession avec brio mais a soigneusement évité de reprendre les trois lettres magiques qui, pour des motifs mystérieux dont la clé réside sans doute dans le jus de crâne d’un marketeur dont l’histoire n’a pas retenu le nom, vont peu à peu devenir taboues chez Peugeot, sauf à l’exportation. Mais les années 1980 sont bel et bien mortes et la clientèle commence à se détourner des petites sportives bruyantes, inconfortables et au volant desquelles il est difficile d’être considéré comme autre chose qu’un excité à la godasse de plomb. La 106 a bien reçu le message et la XSi est souvent achetée par des conducteurs séduits par son côté « sportivo-chic ». À son volant, on peut circuler à Saint-Germain-des-Prés sans passer pour un plouc avant d’aller arsouiller de façon très convaincante sur les routes volontiers traîtresses de la vallée de Chevreuse. Au vrai, rares sont ceux qui exploitent véritablement son potentiel, d’autant que bon nombre de philistins ricanent bêtement en glosant sur la puissance de l’engin, soi-disant trop limitée (mais très suffisante pour se casser la figure en entrant trop vite dans une courbe quand on ne maîtrise pas le mode d’emploi). Après une dernière évolution réalésée à 1587 cm3 et 105 chevaux, Peugeot aurait pu en rester là, d’autant que la 206 se profilait déjà à l’horizon. Et pourtant…

Un moteur qui se TU à la tâche

En avril 1996, deux mois après la sortie de la Citroën Saxo, Peugeot présente la 106 phase 2. Contrairement aux usages de la maison, le restylage est conséquent et transfigure littéralement le modèle, dont la longueur progresse de dix centimètres, rejoignant pratiquement celle de la 205. La proue abandonne les rigidités de la phase 1, sa fausse calandre et son regard encore ancré dans les années 1980, au profit d’une paire de phares aguicheurs cernant le tout nouveau lion de Sochaux, réactualisé à l’automne précédent pour le lancement de la 406. L’arrière, quant à lui, accueille des feux « rubis » de plus grandes dimensions et l’ensemble de ces modifications renforce le charisme du modèle qui, de surcroît, s’enrichit d’une version inédite : la S16 ! Prenant la suite de la XSi, cette variante aurait mérité une dénomination moins anonyme — c’est du moins la première réflexion qui vient à l’esprit en prenant connaissance de sa fiche technique. Car le TU5J4 n’amuse pas le terrain. Par rapport aux dernières XSi, il gagne une culasse à quatre soupapes par cylindre et les données chiffrées sont à l’avenant : avec 120 chevaux à 6600 tours/minute, les chronos se rapprochent de ceux de la 205 GTi 1.9 (le 0 à 100 en huit secondes et demie !) mais, par rapport à celle-ci, la machine se montre plus civilisée, plus silencieuse, plus facile à vivre au quotidien, sans parler d’une qualité de finition plus acceptable.

Il reste à supporter une position de conduite invraisemblable et difficilement supportable pour tout individu mesurant plus de 1,40 mètre : comme dans les autres 106, on a l’impression d’avoir affaire à un volant réglable en hauteur et bloqué au cran le plus bas. Sauf qu’en fait, il n’est bien entendu pas réglable du tout et vous permet de conduire « à la Gaston Lagaffe », c’est-à-dire avec vos genoux. C’est d’autant plus dommage que la commande de boîte se manie d’une chiquenaude du poignet, que l’instrumentation n’est pas indigente, que le moteur exsude une joie de vivre communicative et qu’aujourd’hui encore, l’efficacité d’une S16 bien réglée et chaussée correctement n’a guère d’équivalent. À vide, la bestiole n’atteint même pas la tonne et serait donc strictement non homologable aujourd’hui car, pour respecter les normes de crash-test, les contraintes environnementales et les exigences du marketing, Peugeot serait contraint d’y ajouter au moins 300 kilos de trucs totalement inutiles pour les gens qui aiment conduire. Si c’est votre cas, je vous conseille de ne pas attendre trop longtemps : bien plus abordable que la 205, la S16 vaut cependant bien mieux qu’un lot de consolation et le jour où les passionnés s’en apercevront, il sera peut-être trop tard !

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