Peugeot 106 Electrique : trop tôt pour séduire !
Je vous l’accorde, le titre est un peu trompeur, car si je vais bel et bien vous parler de la Peugeot 106 Electrique, je vous parlerais aussi de ses sœurs Citroën AX et Saxo, qui partagent avec la petite sochalienne la même technologie (groupe PSA oblige). Peugeot s’était déjà intéressé à l’électrique durant l’occupation, à la recherche d’une alternative au pétrole en pénurie (lire aussi : Peugeot VLV sur News d’Anciennes), mais c’est un peu sous la pression d’un gouvernement français soucieux de développer la filière de l’auto électrique dans les années 80 (les guerres au Moyen Orient en cours ou à venir menaçant d’un nouveau crach pétrolier, et le souvenir de celui de 1979 restant dans les mémoires) que le groupe PSA remit le couvert.
C’est évidemment sur le marché des utilitaires, potentiellement plus intéressant, que PSA va se faire la main, en proposant dès 1989 une version électrique du J5. Pour cette camionnette écologique, PSA va se tourner vers un producteur de moteurs électriques poitevin, Leroy-Sommer : le début d’une longue collaboration. Les batteries sont de type « plomb-cadmium », et la bête pèse ses 2390 kg pour 80 km/h en vitesse maxi, et une autonomie de 70 km. Avec un prix HT de 150 000 francs à l’époque (presque le double du prix de la version diesel), il était évident que le J5 Electrique serait réservé à de puissantes entreprises : une seule (et pour cause) se portera acquéreur de ces J5 : EDF, avec 50 exemplaires achetés en 1990, et 250 en 1991.
Fort de cette première expérience, PSA décide (un peu encouragé, comme toujours) de s’orienter vers les véhicules particuliers. En 1993, un partenariat est signé avec la ville de La Rochelle, qui veut être à la pointe du transport écologique, pour tester « grandeur nature » l’utilisation de véhicules électriques. 30 particuliers auront le droit pendant deux ans de bénéficier de 106 Electrique afin de « valider le concept ». Les utilisateurs sont enthousiastes, et la décision de produire en série des Citroën AX et Peugeot 106 à destination des particuliers comme des entreprises et administrations (en VP ou VU 2 places donc).
La motorisation provient toujours de chez Leroy-Sommer (situé à Poitiers), tandis que la production se fera chez Heuliez (situé à Cerizay). Après sa phase de test à La Rochelle, on peut dire que les véhicules électriques PSA sont très picto-charentais. Ce n’est pas à un hasard si la région Poitou-Charentes s’est muée en chantre du véhicule électrique. Et si Heuliez a tenté de transformer l’essai en produisant la Mia ! La Rochelle passera commande en 1999 de 50 véhicules électriques (25 Peugeot 106 et 25 Citroën Saxo) pour une première offre de « libre-service » gérée par la municipalité, avec bornes de recharge : Autolib n’a rien inventé !
Que ce soit la 106, l’AX ou la Saxo qui la remplace très rapidement sur les chaînes, toutes ont à peu près les mêmes performances et caractéristiques. Le moteur électrique développe la puissance faramineuse de 27 chevaux !!! Attention, il y a un piège : les voitures disposent certes d’une « prise » de recharge située sur l’aile avant, mais aussi d’une trappe à essence à l’arrière. Il faut dire que les AX/Saxo/106 ne sont pas 100% électriques : elles disposent d’un petit moteur thermique diesel et d’un réservoir de 8 litres pour… faire fonctionner le chauffage !
Le poids des batteries fait que la 106 dépasse la tonne, tout comme la Saxo. Autant dire qu’avec les 27 ch, la vitesse de pointe de 90 km/h (et ce malgré la linéarité du moteur électrique) n’est pas atteinte facilement, mais cela reste largement suffisant pour une utilisation urbaine. L’autonomie du véhicule (environ 80 km) limite aussi l’utilisation à la ville et sa banlieue. On est encore loin des ambitions de Tesla et des autonomies d’aujourd’hui.
Côté tarif, ce n’est pas la joie. En 1998, une Peugeot 106 Electrique coûte 91 900 F, soit 50 % de plus qu’une 106 Thermique de même gamme. Et cela ne comprend pas les batteries, qui sont louées pour un coût de 800 F par mois, et obligent à un contrat d’entretien ! Certes, il y eut bien une prime de 15 000 F, mais limitée aux 3000 premiers véhicules, entre septembre 98 et décembre 99. Au delà, c’est plein pot qu’il fallait payer pour s’offrir ce joujou électrique. A ces tarifs, avec ces limitations (usage urbain), ces performances médiocres, et sans véritable incitation, il était difficile de casser la baraque ! Surtout que le réseau ne se pressait pas pour vendre ces véhicules qu’ils ne maîtrisaient pas (il fallait une habilitation « électricité » pour intervenir), alors que les prix du pétrole finalement bas en cette fin des années 90 n’incitaient pas vraiment à passer à l’électrique. La production s’arrêtera fin 2001.
Cet échec relatif du trio AX/Saxo/106 à la sauce Volta en fait aujourd’hui des collectors en puissance. La plus rare du trio, c’est assurément l’AX, produite seulement un an et demi, avec 690 exemplaires, suivie par la 106, avec 2270 exemplaires, et enfin la Saxo, la plus diffusée avec 3540 exemplaires (source : http://leroux.andre.free.fr/h3elect.htm) : au total, 6500 véhicules, contre un objectif initial de 40 000 exemplaires par an à terme. Vous comprenez maintenant pourquoi, lorsqu’il s’est agit de proposer un véhicule tout électrique dans ses gammes, PSA s’est orienté vers un partenariat avec Mitsubishi pour ses C-Zéro et iOn.