Opel Ascona Sprint/Calibre/i200 : le sprint final
Quand on parle Opel, à quelques rares exceptions, l’image qui nous vient à l’esprit est celle d’une voiture ultra conformiste, voire terne. L’Ascona C en est un exemple flagrant, elle a traversé les années 80 incognito et est partie comme elle est venue. Cependant, cette voiture, ce sont mes premiers souvenirs de vacances, un périple de 600km, le bout du monde pour mes yeux d’enfant, jusqu’au fin fond de la Charente, le tout dans une voiture grise à l’intérieur ocre (dieu qu’il était moche cet intérieur). C’est certainement pour cela que je me suis mis en quête d’une Ascona pour me lancer dans l’univers de la voiture à l’ancienne (carburation, aucune assistance, bref de quoi apprendre, à tous les niveaux), un chantier qui dure depuis maintenant huit ans, faute de temps et de disponibilité de pièces.
Avant de se laisser aller à la pure nostalgie, un peu d’histoire. Lors de son lancement en 1981 l’Ascona offre une gamme simple de berlines à traction avant en 2 (la dernière voiture de grande série avec ce type de carrosserie, ce qui m’a fait craquer pour ce modèle, ma mère, elle, était plus pragmatique, je ne risquais pas d’ouvrir la porte arrière), 4 ou 5 portes, complétée plus tard par un break et un cabriolet (fabriqués à la commande par Hammond et Tiede à partir d’une berline 2 portes) et des motorisations allant de 1,3 à 2 litres au fil des années, bref rien de folichon, surtout succédant à l’Ascona A puis B, propulsions, dont les versions 400 ont écumé les spéciales de rallye ! Ajoutez à cela un désamour grandissant du public pour les berlines de milieu de gamme en faveur de berlines plus compactes et plus économes en carburant, comme la Kaddett qui remplacera l’Ascona B sur les spéciales et la messe est dite Elle passera une carrière quasiment inaperçue, notamment en France. Sa remplaçante, la Vectra, sera d’ailleurs présentée en 1987 soit six ans seulement (à l’époque c’est assez court) après ses débuts.
Il faut également admettre que son look de parpaing à peine chanfreiné est peu flatteur, ce qui n’a certainement pas favorisé sa survie au fil des années ni l’engouement d’éventuels amateurs. Et même si tous les anciens propriétaires avec qui j’ai pu parler en rassemblement étaient unanimes sur le fait que c’était une bonne voiture, ils concèdent qu’elle n’avait rien qui la démarquait de ses concurrentes. Pourtant, au cours de mes recherches pour rénover la mienne, je suis tombé sur une version qui aurait sa place dans un cabinet de curiosités : l’Ascona Sprint.
Proposée entre 1987 et 1988, elle est basée sur l’Ascona 2.0 GT, qui offrait déjà une finition particulière, sièges semi-baquet Recaro, becquet mousse (on est dans les années 80, ne l’oublions pas), spoiler avant et phares longue portée (bas de caisse et jupe arrière apparaitront sur les dernières versions, en compagnie d’un bouclier remanié). Mais la Sprint (ou i200 en Suisse car le nom avait déjà été pris pour une autre série, ou Calibre pour les Vauxhall Cavalier, nom de l’Ascona au Royaume-Uni), va beaucoup plus loin, peut-être même trop loin…. En plus de sa suspension abaissée de 25mm, de ses jantes alliages et pot d’échappement spécifiques, elle se voit affublée d’un kit carrosserie Irmscher comprenant un bouclier (une muraille ?) intégrant la calandre, des panneaux additionnels pour les portes, ajustant la ligne pour les bas de caisses, un aileron ainsi qu’un bouclier arrière. Vous reprendrez un peu de béton sur votre parpaing ?
Pour moi qui ai toujours un côté sentimental envers des voitures mal aimées, cette voiture est le condensé de tout ce que j’apprécie dans l’histoire de l’automobile : une voiture à la carrière trop discrète malgré ses qualités, au design franchement daté, prise d’un coup de folie avant de disparaitre. Et coup de folie, c’est le mot, les volumes de production sont restés confidentiels : 500 Calibre, 879 « i200 » et 1399 Sprint auraient été produites. Si l’on prend en compte la faible survie jusqu’à nos jours de l’Ascona, ces modèles sont quasiment introuvables et ont souvent fait la joie des tuners, notamment en Angleterre, ou la Cavalier a été un succès commercial, mais le parfait exemple de la voiture jetable (sur plus de 800000 Cavalier produites en Angleterre, seules 1289 avaient survécu en 2009, qui a dit que c’était un problème des années 2000 ?), impossible donc de donner un nombre de Sprint encore existantes.
Quand on dit Youngtimer, on pense toujours aux mythiques Golf, 205, R5 et d’autres encore, mais il ne faut pas oublier qu’il n’y a pas eu que les GTi ou les sportives, il y a de petites perles (ou dans ce cas, une grosse brique) qui peuvent attirer votre attention, et vous permettre de rouler décalé, au sein de ceux qui roulent autrement. Et si vous voulez un dernier argument pour aimer cette voiture, James May s’en sert pour un essai comparatif mémorable face à une Sierre XR4i 4×4, à partir de là, il ne peut que s’agir d’une voiture pour homme de goût !
Aujourd’hui en trouver une tient assez de la gageure, car l’Ascona était on ne peut plus sensible à la corrosion, et les panneaux plastiques de l’Ascona Sprint n’arrangeaient rien. Mais elle reste néanmoins un plaisir (coupable, Votre Honneur) abordable, car loin des projecteurs. En revanche il faut se lever tôt pour espérer en voir une en vente ! Aujourd’hui il ne resterait qu’une quarantaine d’entre elles en Angleterre, où la Cavalier est un « must » des années 80, alors ailleurs…
Texte: Pierre Sumy