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Mercedes 600 (W100) : la voiture des stars et des dictateurs !

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 01/08/2022

Au milieu des années 50, la seconde guerre mondiale paraît déjà bien loin pour Mercedes-Benz qui s’est engagé avec succès dans de nouveaux modèles, modernes et bien finis, comme les modèles type « Ponton ». Elle a même repris pied dans le luxe avec la Classe S W128 puis à partir de 1959 la W111. Mais cela ne suffit pas à la vénérable marque Souabe qui souhaite dès 1955 lancer un modèle hors norme, moderne, fiable et puissant, pour couronner sa gamme renaissante. L’idée générale, c’est de retrouver le prestige d’antan des « grossen » Mercedes. Surtout, la marque a compris qu’un marché était à prendre : celui de la voiture de « représentation », voiture d’état, limousines et même landaulets (un type de véhicule courant avant-guerre mais disparu ou presque après 1945). Les marques prestigieuses du monde entier soit souffrent, soit fonctionnent sur des plate-formes anciennes, comme Rolls Royce dont la Silver Cloud I, sortie en 1955, est encore fabriquée avec un châssis séparé !

Le prototype de la 600 !

L’idée de Mercedes sera donc de proposer à une riche clientèle de peoples, de milliardaires, de chefs d’états plus ou moins démocratiques, d’administrations ou de grands hôtels une voiture disposant de toutes les avancées technologiques du moment : le must de l’automobile de l’époque, et, à défaut d’être rentable, un superbe moyen de se faire de la publicité. Les qualités et la désirabilité de la nouvelle voiture devront pouvoir rejaillir sur l’ensemble de la gamme Mercedes et conforter la marque dans son statut qu’on appelle pas encore « premium ».

La 600 W100 Châssis court 4 portes La 600 W100 Châssis long Pullman 4 portes La 600 W100 Pullman Landaulet

La fameuse 600, type W100, ne sortira qu’en septembre 1964, mais impressionnera tout le monde par sa technologie, sa puissance, sa ligne (dessinée par Friedrich Geiger et notre Paul Bracq national), sa modernité et son culot : oser proposer deux châssis (court ou long), à 4 ou 6 portes, ainsi qu’une version Landaulet, c’était croire en son marché pourtant restreint ! Surtout aux prix proposés : 56 500 Deutchmarks (DM) pour une version courte 4 portes, et 63 500 DM pour une version Pullman (4 portes châssis long), croyez-moi c’était une somme extraordinaire à l’époque ! Sans compter les options particulières, parfois fantasques, mais toujours hors de prix.

Le design, dérivé des W111/112, est un chef d’oeuvre de classe et de légèreté si l’on tient compte de la taille de l’engin. Il est même tellement réussi qu’il restera inchangé jusqu’en 1981, date de la fin de fabrication. Il y aura bien une tentative de « mise à jour » reprenant le design de la W116, mais la faiblesse des ventes à la fin de sa vie ne justifiaient plus d’investissements importants. Une variante coupé sera envisagée en 1965, sans pour autant aller plus loin qu’un unique prototype.

L’unique prototype d’une version Coupé de la 600

Côté moteur, on trouve sous le capot un V8 de 6,3 litres de cylindrée, de 250 ch, permettant d’atteindre les 200 km/h dans un confort inouï ! Il inaugure chez Mercedes l’injection, et une partie de sa puissance est absorbée par le bon fonctionnement de tous les systèmes de confort de la voiture. L’hydraulique est mise à contribution pour l’ouverture des portes/vitres et toits ouvrants, ainsi que pour le réglage des sièges. La suspension est, elle, pneumatique (développée par Bosch et qui n’était donc pas un brevet Citroën, contrairement à la Rolls Royce Silver Shadow qui sort en 1965), assurant un confort royal en toute circonstance (grâce au contrôle, depuis le volant, de la hauteur d’assiette et du réglage des amortisseurs)! Les freins sont à disques sur les 4 roues, des disques spécialement réalisés pour s’adapter à la taille particulière des pneus de la 600 (pneus spécifiques eux aussi, développés par Fulda et Continental) !

Les 600 sont en partie construites à la main dans l’usine Mercedes de Sindelfingen, tout comme une partie des composants spécifiques qui l’équipent. Particularité des 600 : aucune ne se ressemble tout à fait, chaque modèle recevant au fur et à mesure du temps des légère modifications techniques et bien entendu des options spécifiques à leur futurs propriétaires. Entre 1964 et 1981, la voiture évoluera à chaque modèle, ce qui explique que ces modèles sont parfois un casse-tête à chaque rénovation. Sa complexité requiert d’ailleurs les meilleurs spécialistes, ce qui en fait une voiture, aujourd’hui comme hier, chère et difficile à entretenir.

La 600, dès sa sortie, est proposée en châssis court 4 portes, châssis long 4 portes Pullman, châssis long 6 portes, et châssis long Landaulet. Un unique exemplaire de Landaulet « châssis court » sera réalisé pour le compte d’un riche banquier allemand et gentleman driver reconnu, le comte Von Berckeim, en 1967. En 1965, une version spécifique dite « papamobile » sera prêtée au Vatican et son Pape Paul VI. Elle servira d’autres souverains pontifes avant de rejoindre sa mère patrie et le musée Mercedes. Sa particularité ? Ce Landaulet disposait d’un « trône » face à la route, en face de deux petits strapontins.

La Papamobile (en haut) et son trône (en bas)

En 1965, la reine Elisabeth II d’Angleterre, accompagnée de Kurt Kiesinger (qui n’était pas encore chancelier), eut la joie de goûter au plaisir de rouler en 600 Landaulet pour une visite d’état au Bade-Wurtemberg, et put sans doute comparer avec ses Rolls personnelles ! Le nombre de stars et de chef d’état ayant rouler en 600 est d’ailleurs impressionnant : John Lennon, Coco Chanel, Rika Zarai (oui oui!), Hugh Heffner, Aristote Onassis, Fidel Castro, le Maréchal Tito, Kim Il Sung (et ses descendants), Jean Bedel Bokassa, l’empereur Hiro Hito, tout ce que la péninsule arabique compte de Sultans, cheiks, rois ou princes.. la liste est tellement longue que je raccourcis volontairement. Une chose est sûre : cette voiture était fédératrice, et arrivait même à se vendre dans les endroits les plus improbables (Corée du Nord, Yougoslavie etc.).

La Reine d’Angleterre en 600 Landaulet en 1965

Parlons chiffres de production maintenant. En tout, 2677 exemplaires seront produits de 1964 à 1981 : la majeure partie de ce chiffre sera fabriqué entre 64 et 74, la crise pétrolière de 73 ralentissant ensuite la demande pour ce type de voiture. Sur ce chiffre, 2190 furent des 4 portes châssis court, 304 des Pullman 4 portes, 124 des Pullman 6 portes, et 59 des Landaulets ! Le premier marché de la « Super Mercedes » (son petit surnom) sera bien entendu les USA, avec 743 exemplaires, puis l’Allemagne, avec 536 ex. L’Asie absorba 473 ex, tandis que l’Afrique importait 182 modèles. La France quant à elle immatricula 151 voitures, plus que la Grande Bretagne (126) sans doute fidèle à Rolls ou Bentley ! Sur l’ensemble de ces voitures, 44 modèles furent blindés.

Pour rentabiliser le moteur V8 M100, Mercedes décidera de l’installer aussi sur des voitures moins grandes : la 300 SEL 6.3 (W108), puis en 1975, la 450 SEL (W116) dans une version re-visitée (6.9 litres et 286 ch). Lorsque arriva la fin de vie du modèle en 1981, Mercedes ne lui donna pas de descendante directe. Il faudra attendre la W140 (lire aussi : Mercedes Classe S W140) et sa version longue Pullman pour pouvoir parler d’un successeur (et encore). Certains penchent plus sûrement pour les Maybach (parues en 2002) comme réelle descendance. C’est dire si la 600 W100 était irremplaçable.

Aujourd’hui, elles sont encore courantes, et pourtant rares en même temps. Difficiles et chères à entretenir, il faut disposer d’un solide portefeuille à l’achat comme à la restauration et à l’entretien pour espérer rouler dans un tel mythe. Avec seulement 151 exemplaires vendus en France, il vous faudra sans doute élargir vos recherches à toute l’Europe. Dans tous les cas, la 600 est devenue un mythe, voiture typique du « dictateur africain » mais aussi voiture de star. Chaque voiture, par ses propriétaires successifs forcément riches et souvent célèbres, risque en tout cas de vous apporter, en plus du plaisir mécanique, tout un pan d’histoire, ce qui en fera sans nul doute une voiture doublement intéressante !

Pour en savoir plus sur la 600, je vous conseille cet excellent site : Univers Mercedes, historique de la 600 W100

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