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Lancia Fulvia coupé : la fin d'un monde

Nicolas Fourny - 2 août 2024

« Il existe alors en Europe une clientèle susceptible d’accepter un tarif élevé en échange d’une authentique joie de conduire, dont le nom de Lancia est d’autant plus synonyme que l’auto va connaître une carrière exceptionnelle en rallye »

Jusqu’à ce que feu Sergio Marchionne fasse en sorte d’achever littéralement la marque à la suite d’une invraisemblable série d’erreurs stratégiques dont les origines remontent à la fin des années 1980, il s’est trouvé quelques amateurs candides (dont l’auteur de ces lignes) pour espérer un sursaut, puis une résurrection de Lancia. Et, au Salon de Francfort 2003, la présentation d’un concept car sans lendemain et baptisé Fulvia, pourtant très abouti et aisément industrialisable, aura incarné l’une des ultimes désillusions quant à l’avenir d’une firme alors déjà proche de la mort clinique… Directement inspiré du coupé dont nous retraçons aujourd’hui le glorieux parcours, ce brillant exemple d’un retro design maîtrisé et prometteur témoigna de la trace indélébile que son aînée a laissé dans les mémoires, et pas seulement parce qu’elle aura été la dernière « vraie » Lancia !

V4 ou VR4 ?

Avouons-le, les choses n’avaient pas forcément bien commencé pour la famille Fulvia, d’un point de vue esthétique tout du moins. Comme presque toujours, c’est la berline qui fut chargée d’ouvrir les hostilités et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’une fiche technique aussi brillante et fertile en innovations aurait mérité une carrosserie plus affriolante que cette brique aux traits abrupts et aux volumes maladroitement définis, qui faisaient vaguement songer à une Simca 1000 sous anabolisants. Apparue il y a exactement soixante ans, l’auto recelait néanmoins un grand nombre de caractéristiques susceptibles de réjouir les amateurs d’ingénierie disruptive. Reprenant le principe de la traction avant déjà vu sur la Flavia commercialisée depuis 1961, le modèle se singularisait de surcroît par un moteur dont l’architecture ne connaissait aucun équivalent à l’époque. Ce quatre-cylindres en V « étroit » — non, Volkswagen n’est pas l’inventeur de cette formule, on ne l’écrira jamais assez —, entièrement inédit, présentait en effet une particularité déroutante, avec un angle d’ouverture de seulement 12 degrés entre les deux bancs de cylindres, ce qui permettait de coiffer l’ensemble d’une seule culasse. Aussi atypique que brillant, ce groupe allait connaître de multiples évolutions jusqu’au mitan des années 1970, non sans avoir amplement contribué au palmarès de Lancia en rallye…

De la Berlina à la HF

Bien sûr, il fallait beaucoup d’imagination pour envisager de telles péripéties en considérant le typage de la toute première Fulvia, dont les 1091 cm3 n’exhalaient que 70 ch dans le meilleur des cas. Toutefois, on peut considérer le problème sous un autre angle : dans l’absolu, un tel rendement n’était pas si courant en ce temps-là (à titre d’exemple, deux ans plus tard Peugeot allait dévoiler un autre moteur inédit sous le capot de sa 204, sans parvenir à dépasser 53 ch pour une cylindrée de 1130 cm3) et, du reste, la suite des événements démontra tout le potentiel d’une mécanique sans cesse remise sur le métier par les motoristes maison, jusqu’à atteindre les 160 ch en course. Cela dit, partir d’une berline aux apparences inoffensives pour aboutir à une machine de course ne constitue pas une aventure anodine et, aussi bien dans la perspective de la compétition que du développement du catalogue de la firme, le renfort d’une carrosserie plus suggestive allait être le bienvenu, en dépit d’une situation financière déjà délicate pour Lancia, passée sous le contrôle de l’entrepreneur Carlo Pesenti en 1956. C’est d’ailleurs ce contexte particulier qui explique la façon dont la version coupé de la Fulvia a été conçue, entièrement en interne et, contrairement aux habitudes de la maison, sans le concours du moindre carrossier…

Miracle à Turin

Les responsables du projet peuvent donc éprouver une fierté légitime au moment de présenter l’auto au Salon de Genève 1965. Sous la férule de Piero Castagnero, les stylistes turinois sont parvenus à dessiner une carrosserie tout à la fois délicate, élégante et râblée, semblant n’avoir aucune parenté avec la berline dont le coupé est pourtant très étroitement dérivé, même si aucune pièce de tôlerie n’est commune aux deux variantes. Aux antipodes des balourdises de la berline, la Fulvia récréative séduit immédiatement par une physionomie digne de son blason et sur les flancs de laquelle on n’aurait pas été surpris de trouver la signature de Bertone ou de Pininfarina. D’une longueur totale de seulement 3,97 mètres, le coupé profite d’ouvrants réalisés en alliage de magnésium et d’aluminium ainsi que d’un empattement raccourci de quinze centimètres par rapport à la berline. Bien entendu, ce n’est pas une bonne nouvelle pour les éventuels passagers arrière — les deux places postérieures n’étant pas particulièrement logeables — mais, comme on s’en doute, l’essentiel est ailleurs : il existe alors en Europe une clientèle susceptible d’accepter un tarif élevé en échange d’une authentique joie de conduire, dont le nom de Lancia est d’autant plus synonyme que l’auto va connaître une carrière exceptionnelle en rallye !

Orgueil et préjugés

En matière de pilotage, le débat est éternel entre les partisans de la propulsion et les thuriféraires de la traction. Les adeptes du contrebraquage fustigent à loisir les tendances sous-vireuses des tractions et, six décennies plus tard, la controverse dure encore entre les amoureux de la Fulvia et les partisans des coupés Alfa Bertone contemporains, sans que les lauriers glanés en course par la petite Lancia ne découragent les contempteurs de la formule. Rappelons en effet qu’aux mains de Sandro Munari, René Trautmann ou Harry Källström, la Fulvia 1.6 HF (deux lettres promises à une brillante postérité…) aura — entre autres — remporté le championnat du monde des rallyes en 1972, au nez et à la barbe des Porsche et des Ford ! Cependant, à ce moment-là il y avait déjà trois ans qu’à la demande du gouvernement italien Fiat avait racheté la totalité des actions de Lancia, évitant la faillite du constructeur mais engageant celle-ci sur la voie d’une rationalisation préjudiciable à son identité. De la sorte, construit jusqu’en 1976 à plus de 160 000 exemplaires, le coupé Fulvia incarna, dans ses dernières années, l’héritage technique des Lancia de jadis, alors qu’autour de lui essaimait une gamme Beta exclusivement animée par des moteurs Fiat… La vénération dont l’auto fait de nos jours l’objet (et pas seulement dans sa version Zagato) n’y est sans doute pas étrangère !





Texte : Nicolas Fourny

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