Ford RS200 : quatuor pour un concert raté
Ah la Ford RS200… Cette bête de course, uniquement conçue dans le but d’aller chercher des noises aux Audi Quattro (lire aussi : Audi Sport Quattro), Peugeot 205 T16 (lire aussi : Peugeot 205 T16 Série 200), fera aussi malgré elle la une des journaux suite à 2 accidents mortels qui scelleront le sort du Groupe B à la fin de la saison 1986. Ford, comme Citroën (lire aussi : Citroën BX 4TC) ou Rover (lire aussi : MG Metro 6R4), arrivera en retard face à ses concurrents, et n’aura pas l’occasion de démontrer le potentiel de sa voiture. Dommage !
Mais je vais un peu vite. Il est vrai qu’on a tout dit sur cette RS200, qu’on présente souvent comme la fossoyeuse du Groupe B. Certes, les accidents mortels du Rallye du Portugal, ou de celui d’Hessen en Allemagne, impliquèrent une RS200, mais était-ce vraiment la voiture qui était en jeu ? Cela aurait pu arriver avec bien d’autres voitures, mais j’avoue ne pas être assez spécialiste pour parler de cette période sportive. En revanche, je m’en vais vous parler de la production de cette étonnante petite voiture qui, contrairement aux autres concurrents du plateau, ne faisait référence à aucun modèle de série de la gamme Ford.
Au début, Ford va étudier une version « Groupe B » de la Ford Escort (Mk3) avant de faire machine arrière pour se concentrer sur une toute nouvelle voiture. La RS200 (le chiffre correspond non pas à la puissance, mais au nombre d’exemplaires prévus) sera une œuvre pour quatuor, avec dans l’orchestre Ford (of course), Ghia (pour le design), Tickford (pour le développement, mais aussi l’aménagement des versions « civiles ») et Reliant (développement aussi, mais surtout production).
L’intérieur des versions civiles, réalisé chez Tickford, est moins minimaliste que celui des versions coursesRien n’est anodin dans le choix des partenaires. Pour Ghia, cela coule de source puisqu’il s’agit d’une filiale « design » depuis 1973 et le rachat des Ghia et Vignale à De Tomaso (lire aussi : Quand Ford et Ferrari bataillaient pour Le Mans). Pour Tickford, les liens avec Ford ont été lié dès 1981 pour lancer une version spéciale de la Capri dans une version de grand luxe (lire aussi : Tickford Capri Turbo). Enfin, Reliant sera choisi pour son sérieux reconnu, mais aussi pour sa maîtrise de la fabrication des carrosserie en fibre de verre (lire aussi : Reliant Scimitar).
Après la production de 6 prototypes en 1984, la voiture est présentée au Salon de Turin de la même année, en novembre. Elle est équipée d’un 4 cylindres dérivé du bloc « Kent » de 1803 cm3, à 16 soupapes et Turbo Garrett… pour offrir 250 ch en version civile « classique ». Pour les modèles de compétition, les puissances seront supérieures, selon les kits, avec 380 et 450 ch. Nous verrons plus tard que les puissances ont beaucoup varié en fonction des modèles. Toutes sont en tout cas équipées d’une transmission intégrale, le tout pour un poids de 1180 kg (pour la version civile).
Il semblerait qu’un exemplaire fut livré à la Police anglaise (information à prendre au conditionnel)Parlons des choses qui fâchent : combien de RS200 furent réellement produites et vendues ? Selon la FIA (qui a validé l’homologation de la RS200), 200 véhicules furent produits. En fait, c’est un poil plus compliqué que cela. Il semblerait que 200 châssis, et l’équivalent en pièces détachées, furent produits. En réalité, toutes ne furent pas totalement assemblées. Ce qui est sûr, c’est que 29 exemplaires furent des versions « Rallye », et 20 exemplaires furent fabriqués en version « Evolution » (avec des freins et suspensions revus, mais surtout un moteur de 2.1 litres développant 350 ch). 4 exemplaires supplémentaires (appelés « Evolution 2 ») recevront un kit portant la puissance à 450 ch.
Une RS200 Evolution, sans bandes bleuesAu total, 52 exemplaires furent vendus en 1985, 7 en 1986, 41 en 1987, 36 en 1988 et 18 en 1989, soit un total de 154 exemplaires vendus, sans compter les 6 prototypes. Il manque 46 exemplaires, qui serviront a priori de banque d’organes et de pièces détachées. Sur les 154 exemplaires, si l’on considère que 53 furent des Rallye cars ou Evolution, cela nous fait donc 101 véhicules « civils » passés chez Tickford pour y recevoir quelques éléments de confort.
Après ces calculs d’apothicaire, ce qui est sûr c’est qu’aujourd’hui, une RS200 ça coûte un bras : voiture hyper rare, à l’histoire controversée, au look atypique et unique (aucune Ford ne lui ressemble), autant de caractéristiques pour faire exploser les enchères. Cela dit, sa ligne ramassée, son ramage blanc (seule couleur disponible, hors Evolution – qui avait droit à un stripping bleu – et Rallye cars), son moteur parfois surpuissant (surtout en version Evolution), font d’elle une bestiole bien désirable… Bien entendu, n’ayant pas le pognon, je laisse ce plaisir à d’autres, mais ça m’empêche pas d’en rêver !