Fiat Ritmo : espèce en voie de disparition
Après s’être mis tardivement à la modernité avec sa 128, Fiat se retrouve à nouveau distancé par la concurrence à coup de hayons et de pare-chocs en plastique. Turin met alors le paquet en concevant une berline bicorps moderne munie d’une esthétique des plus singulières. Pourvue de nombreuses qualités, la Fiat Ritmo se distingua également par une piètre finition et une carrosserie biodégradable…
Succéder à un succès
En 1969, Fiat entre enfin dans la modernité avec sa 128 à traction avant, récompensée l’année suivante par le très convoité titre de Voiture Européenne de l’Année. Malgré cela, les années à venir annoncent l’avènement du hayon arrière tandis que les boucliers en polyester apparus sur la Renault 5 promettent de faire rapidement école. Fiat veut alors frapper un grand coup pour pouvoir se distinguer notablement dans la catégorie très disputée des voitures moyennes. Courant 1972, le projet 138 est alors lancé et devra présenter une habitabilité ultra-optimisée dans des dimensions réduites, notamment une longueur ne devant pas dépasser les quatre mètres. Concernant le style, la future Fiat devra être immédiatement reconnaissable sur le marché. Le design est confié au centre de style Fiat, sous la direction de Gianpaolo Boano, et les premiers prototypes se verront même barrer la route pour arborer des lignes beaucoup trop décalées. Une petite révolution accompagnera la nouvelle venue : l’attribution d’un patronyme en toutes lettres envoyant au rebut les éternelles appellations à trois chiffres. C’est le nom de Ritmo qui est alors choisi pour la future Fiat tandis qu’elle s’appellera Strada sur les marchés anglo-saxons. De ce choix naquit une légende racontant que ce changement de dénomination viendrait du fait que Ritmo, ou l’évocation d’une idée de rythme, se référerait, dans la langue de Shakespeare, au cycle menstruel féminin. Toutefois, l’insipide réalité joue plus en faveur d’une sonorité plus flatteuse et d’une prononciation facilitée.
D’improbables courbes
La nouvelle Fiat Ritmo apparaît au salon de Turin au printemps 1978. Alors que les lignes taillées à la serpe sont LA tendance de cette fin des années 1970, la nouvelle Ritmo présente un surprenant mélange de rondeurs et de lignes tendues. Les optiques circulaires, appartenant au passé, font un retour inattendu et les palettes en demi-cercle servant de poignées de portière sont carrément inédites. Elle est également la première voiture italienne de série à recevoir des pare-chocs en polyester intégrés au dessin de la carrosserie. Englobant la moitié des phares et intégrant les feux arrière, leur forme est pour le moins surprenante à cette époque. Ajoutons à cela des jantes en tôle à l’allure tout aussi déroutante et reconnaissons que l’objectif de Fiat d’en faire un modèle immédiatement reconnaissable est magistralement atteint. Quant à cette volonté d’optimiser l’espace intérieur, la réussite est également de mise. Pour une longueur de 3,94 mètres, l’habitacle se montre remarquablement spacieux. Malgré cela et la présence d’un grand hayon, la capacité du coffre fait à peine mieux que la Fiat 127. En bonne voiture de grande diffusion, la Fiat Ritmo est disponible en 3 et 5 portes, deux niveaux de finition (L et CL) et quatre motorisations essence de 60 à 75 chevaux. Malgré son audace, la Fiat Ritmo ne se retrouve que seconde au palmarès de la Voiture Européenne de l’Année 1979, devancée par une Simca Horizon plus habitable et, surtout, mieux finie.
Dès 1979, des améliorations successives seront apportées à la Ritmo tel le lancement de la série spéciale Targa Oro, richement dotée et à la finition améliorée. Cette même année, la Fiat Ritmo, reconvertie en Fiat Strada, pose ses roues sur le sol américain. Comme sur toutes les voitures européennes de l’époque, la mise aux normes de sécurité locales provoque la greffe maladroite de gros boucliers à absorption de choc dénaturant le design initial. La carrière de la Ritmo aux États-Unis restera plutôt discrète et le modèle s’éclipsera trois ans plus tard. Il semble toutefois que son passage sur ce territoire laissât quelques traces car, lors d’une visite à Rome en 2014, le président Barack Obama aurait confié en avoir possédé une dans sa jeunesse.
Pour la nouvelle décennie, quelques points sont revus et corrigés. Une nouvelle version à moteur diesel apparaît munie d’un bloc moteur de 1714 cm3 développant 55 chevaux. Outre son sigle spécifique, elle est extérieurement reconnaissable par ses ouïes de refroidissement supplémentaires sur la face avant. Sur toute la gamme, les panneaux intérieurs, critiqués à leur sortie, sont remplacés par des modèles mieux conçus. Esthétiquement, le faux déflecteur des versions 5 portes disparaît, les rétroviseurs extérieurs trapézoïdaux sont remplacés par des modèles articulés, l’essuie-glace arrière est désormais positionné à la verticale et muni d’un balai allongé. Enfin, un insigne Fiat circulaire sur fond rouge apparaît sur la face avant. En 1981, les versions Targa Oro sont remplacées par les versions Super 75 et Super 85, cette dernière recevant une nouvelle mécanique de 1 498 cm3 de 85 chevaux.
Un sobre renouveau
Comme tout design osé, l’esthétique de la Fiat Ritmo ne laissait personne indifférent. Pour un constructeur très généraliste comme Fiat, il était temps de revenir à une esthétique plus consensuelle. Ainsi, à l’automne 1982, la Fiat Ritmo se pare de nouvelles lignes habilement élaborées autour de la caisse originale, à peine modifiée. Les pare-chocs hyper-enveloppants sont redessinés et perdent en superficie, la face avant s’incline dans le sens opposé et, sauf pour la version de base, se munit de quatre projecteurs. Les feux arrière s’élargissent et la nouvelle calandre se pare des cinq barres obliques constituant le nouveau logo Fiat. D’autres changements importants interviennent au niveau de la suspension et dans l’habitacle où le dessin du tableau de bord et des sièges a été revu. En 1983, une nouvelle version ES (Energy Saving) fait son apparition. Misant sur une économie maximale de carburant, elle reçoit un petit aileron arrière, des cadres anti-turbulences autour des vitres ainsi qu’un système « Cut-off » ultra-moderne coupant l’alimentation de carburant à l’arrêt. Un dernier restylage intervient en 1985 et se caractérise par quelques ajustements mécaniques, la disparition des fameuses poignées de portière circulaires au profit de modèles rectangulaires. Un nouveau panneau en plastique prend place entre les feux arrière, faisant migrer la plaque minéralogique sur le pare-choc. Ainsi revue, la Ritmo poursuit sa carrière jusqu’en 1988 avant d’être remplacée par la Fiat Tipo.
Testostérone et cheveux au vent
Dès le salon de Francfort 1979, un prototype définitif de cabriolet Ritmo conçu par Bertone était présenté. Il fallut toutefois attendre l’édition 1981 du même événement pour voir apparaître la version définitive. À l’instar des cabriolets déjà existants chez les concurrents, la Ritmo Bertone Cabrio adopte un disgracieux, mais indispensable, arceau de sécurité. Disponible dans son unique motorisation de 85 chevaux, elle peine toutefois à s’imposer du fait d’un tarif assez ambitieux et d’un maniement compliqué de sa capote. Fabriquée dans les ateliers Bertone, sa commercialisation par Fiat est stoppée en 1985. Le fameux carrossier, soucieux de poursuivre ses activités de constructeur, décide de continuer à la produire sous son propre sigle et lui attribue le patronyme de Bertone Supercabrio. Ce modèle verra même ensuite sa puissance passer à 100 chevaux et perdurera tant bien que mal jusqu’à l’arrêt de production de la Ritmo berline.
En réaction, toujours tardive, à la mode des GTI, Fiat présente la nouvelle Ritmo 105 TC au printemps 1981. Elle reçoit le 1585 cm3 de la Fiat 131 Mirafiori à double arbre à cames en tête dont la puissance a été portée de 97 à 105 chevaux. Exclusivement proposée en 3 portes, elle arbore une présentation résolument sportive comprenant notamment spoiler avant, phares additionnels ainsi qu’un original béquet placé au bas de la lunette arrière et qui en épouse la forme. La mayonnaise prend immédiatement et ce ne sont pas moins de 8 000 exemplaires qui sont produits au cours des sept premiers mois de sa commercialisation. Ce succès ouvrit la voie, début 1982, à une version encore plus turbulente, préparée par les soins d’Abarth : la Fiat Ritmo Abarth 125 TC. Le moteur affiche désormais 1995 cm3 de cylindrée, 125 chevaux et une préparation sportive digne des équipes du grand Sorcier de Turin permettant d’atteindre les 190 km/h dans des conditions de confort dignes d’une GT qui se respecte. L’apogée arrive début 1983 lorsque la Ritmo Abarth restylée adopte une puissance de 130 chevaux pour atteindre les 200 km/h en vitesse de pointe. Cette mouture ne possède alors aucun équivalent dans la concurrence et clôt en beauté de belles années de collaboration entre Fiat et Abarth sur les modèles de grande série avant qu’elle ne sombre dans vingt années de léthargie.
La Fiat Ritmon 105 TC (en haut) et 125 TC (en bas) La 130 TC signée AbarthMenacée d’extinction !
Le succès de la Fiat Ritmo est indéniable puisque plus de deux millions d’exemplaires ont été assemblés. À l’exception des modèles Twin-cam sportifs et des rares cabriolets, elle reste plutôt oubliée du monde de la collection. Mis à part un moteur à toute épreuve, la finition désastreuse et la fâcheuse tendance de la carrosserie à se transformer en dentelle ont en effet causé la disparition prématurée de nombreux exemplaires. Les primes à la casse initiées dans les années 1990 se sont ensuite chargées de donner le coup de grâce. Heureux donc celui qui parviendra à dénicher l’un des premiers exemplaires en parfait état et savourer son design, aujourd’hui hyper-attachant, sa couleur acidulée et qui saura lui pardonner ses petits défauts.