FASA-Renault : le second constructeur espagnol
L’histoire automobile est parfois étonnante, car si Renault est aussi présent en Espagne aujourd’hui, c’est grâce à un colonel (puis général) d’artillerie de l’armée espagnole, Manuel Gimenez Alfaro y Alaminos. A l’origine, notre officier n’a rien à voir avec l’automobile, mais il est artilleur, c’est à dire ingénieur. Il sera d’ailleurs l’un des fondateurs, à la fin de la guerre civile, du Corps des Ignénieurs de l’Armement et de la Construction. Il sera d’ailleurs professeur à l’Ecole Polytechnique militaire, s’intéressant aux problèmes… d’automobiles. Nous y voilà.
Le sujet le passionne au point de vouloir développer l’industrie automobile en Espagne. Alors que la Seat sera supportée par l’Etat et son bras industriel, l’INI, Alfaro va devoir, lui, porter un projet totalement privé : construire des Renault 4CV dans la péninsule. C’est le 12 février 1951 qu’Alfaro va signer (à titre personnel) avec le PDG de Renault, Pierre Lefaucheux, l’accord de fabrication de modèles Renault en Espagne. Reste alors à convaincre d’autres entrepreneurs de s’embarquer dans l’aventure avec lui. Alfero va choisir Valladolid, un bassin industriel adapté à la construction automobile, déposer son dossier, démarcher des industriels locaux, puis créer le 29 décembre 1951 la FASA (Fabricaciones de Automoviles Sociedad Anonima). Il devra alors démissionner de l’armée pour mener à bien son projet.
Les premières 4CV défilent dans Valladolid en 1953Bien que la FASA soit une entreprise totalement privée, il est toujours bon d’avoir de bonnes relations avec le pouvoir en place. Alfaro va donc offrir le poste de Président de la société au propre frère du Général Franco, Nicolas Franco, se réservant celui d’Administrateur. L’usine est construite durant l’année 1952, et les premières 4CV (ou 4/4) sortent enfin en 1953. Les 12 premiers modèles paraderont dans les rues de Valladolid. Moteurs et boîtes proviennent alors de France, et si la FASA est le constructeur, c’est la filiale de Renault, Société Anonyme Espagnole des Automobiles Renault (SAEAR) qui se charge de la distribution et de l’après-vente. La petite 4CV, parfaitement adaptée au marché, petite voiture populaire bon marché, va connaître un grand succès en Espagne.
De nouveaux actionnaires vont entrer au capital de la FASA : en 1954, le Groupe Fiero, puis en 1955, le groupe Santander. C’est sans doute pour cette raison que Manuel Gimenez Alfaro quitte ses fonction en 1956 pour rejoindre à nouveau l’armée, où il atteindra le grade de général. En 1957, la FASA lance la Dauphine, et cette fois-ci, elle est presque totalement espagnole, des moteurs à la boîte de vitesse, en passant par la carrosserie. D’ailleurs, les boîtes de vitesses sont fabriquées à Séville par ISA, dont FASA prendra 20 % du capital.
L’A108 Cabriolet (en haut-1963-1967) et l’A110 (en bas 1967-1978) seront aussi produite chez FASA1963 est une grande année pour la FASA : elle a vendu près de 25 000 Dauphine, et lance en Espagne la Renault 4 mais aussi l’Alpine A108 (lire aussi : Les cousines étrangères de la Berlinette). Renault commence à s’intéresser de plus près à ce partenaire espagnol, et finira par en prendre le contrôle (49,5 %) en 1965. L’entreprise devient FASA-Renault, fusionne avec la SAEAR, et rachète l’usine de boîte de vitesse ISA à Séville. Un bureau d’étude va même être créer pour réfléchir à des modèles adaptés au marché espagnole.
Les Renault 8 et 10 sont aussitôt lancées en Espagne, l’Alpine A110 en 1967 (elle sera fabriquée jusqu’en mai 1978, à 1904 exemplaires) puis la 6 en 1969. Cette année-là, FASA-Renault fabrique presque 100 000 exemplaires. En 1970, la Renault 12 remplace les 8/10, et la 5 arrive en 1972. La période est faste, et la filiale de Renault se tire la bourre avec Seat, qui lance cette année là une concurrente directe : la 127. En 1972, c’est aussi l’inauguration d’une nouvelle usine à Valladolid, et le lancement du projet d’une 3ème usine à Palencia, à 45 km de là.
En 1974, un incendie (volontaire semble-t-il) fera 10 morts à ValladolidPour mieux contrer la Seat 127, et séduire une population adepte des carrosseries tricorps, le bureau d’étude de Valladolid va concevoir une version 4 portes de la Renault 5, appelée Renault Siete puis Renault 7 (ce qui revient un peu au même hein!). Cette voiture sera strictement réservée au marché espagnol (lire aussi : Renault Siete), et sera représentative, pour beaucoup de français partant se dorer la pilule, de l’automobile ibérique. D’ailleurs, pour beaucoup d’espagnols, FASA-Renault est une marque nationale au même titre que Seat.
En 1975, un drame se joue à Valladolid : les grandes grèves de 1974 avaient déjà paralysé l’usine, mais cette fois-ci, c’est un incendie, qui semble volontaire, qui interrompra la production, avec 10 morts à la clé, tout de même. Le projet d’usine à Palencia est stoppé, pour n’être repris qu’en 1976. En 1977, Renault monte à 62 % du capital, et met le turbo sur Palencia, qui ouvre enfin en 1978. Dès lors, l’intégration au groupe Renault va être de plus en plus forte… FASA-Renault, qui jusqu’ici ne produisait que pour le marché espagnol, va devenir une des pièces maîtresses du dispositif industriel de Renault, notamment après 1986 et l’adhésion de l’Espagne à la CEE. La Renault 7 disparaît en 1984, tandis que les 9 et 11 sont fabriquées à partir de 1982, la Supercinq en 1984, la 21 en 1986, la 19 en 1989 et la Clio en 1990.
L’usine de Valladolid aujourd’hui (en haut) et de Palencia (en bas)En 1987, l’usine « historique » de Valladolid appelée « Montage 1 » est fermée au profit de la deuxième usine, « Montage 2 » dont les capacités sont doublées. Dès lors, FASA-Renault, avec l’usine Montage 2 de Valladolid et l’usine de Palencia, va produire des Clio mais aussi des Mégane, pour atteindre un record en 2000, avec 536 000 véhicules produits. Un chiffre qui ne sera plus jamais atteint. Cette année-là, FASA-Renault, désormais totalement intégrée au groupe, prend le nom de Renault Espagne. Les usines Renault produisent aujourd’hui, notamment, le Kadjar (à Palencia) et le Captur (à Valladolid). Le succès de ces deux modèles permettent de croire à un avenir plutôt radieux pour l’ex-FASA.
Images: Renault et DR