Facel Vega Facel III : une Facellia à la mode suédoise !
Il y des hasards qui vous mettent parfois en présence d’une superbe voiture. Un dîner organisé par ma mère avec ses « vieux » copains, une discussion avec l’un d’eux qui s’oriente naturellement vers l’automobile, et c’est ainsi que le lendemain, je me retrouve assis dans une Facel Vega Facel III, rien que cela. Elie de M avait pourtant commencé tranquillement, en me disant qu’il avait « quelques automobiles intéressantes », une Citroën 15-6 par exemple. Intéressé, je pousse la discussion plus loin, et il admet alors posséder une DS21 Pallas. Voilà qui m’intrigue ! La suivante s’avère une Panhard PL17 (lire aussi : Panhard PL17). Ce n’est qu’à la fin de l’apéro que j’apprends qu’il est en possession d’une Facel 3 à moteur Volvo entièrement restaurée.
Difficile de parler de la Facel 3 sans parler de la Facellia. A la fin des années 50, la marque de Dreux créée par Jean Daninos en 1954 a encore le vent en poupe, avec deux modèles de standing, le coupé HK500 et la berline Excellence (lire aussi : Facel Vega Excellence). Les cadences de production sont cependant à la hauteur du luxe et de la puissance de ces voitures motorisées par des V8 Chrysler de 360 ch : lentes. Daninos sent qu’il existe un marché pour des véhicules plus petits et plus accessibles et lance l’étude d’un petit modèle doté d’un 4 cylindres dès 1958. Mais si l’Etat « tolérait » la présence de moteurs américains sur des voitures de très petite série, il en devenait tout autre avec un véhicule destiné à être produit à 2500 exemplaires par an. De Gaulle arrive au pouvoir la même année, avec une « certaine idée de la France ». Ces moteurs Chrysler « bouffent » de devises et il ne les voit pas d’un très bon œil, à tel point qu’il refusera toujours de rouler en Facel Vega.
La Facellia existe en cabriolet, Coach ou Coupé 2+2Pour motoriser sa petite Facellia (en coach 4 places, coupé 2+2 et cabriolet), il est imposé à Daninos de trouver un moteur français. Il essuiera pourtant refus sur refus, chez tous les constructeurs nationaux. Pourtant, l’administration refusera tout net qu’il se fournisse à l’étranger. C’est finalement chez Pont-à-Mousson qu’il trouvera son bonheur (enfin c’est ce qu’il croit). Le 1,6 litres de 115 chevaux (puis 126 chevaux pour la F2) s’avère relativement « nerveux » mais effroyablement peu fiable. Lancée en 1960, elle rencontre tout d’abord un certain succès. Mais les ventes ralentissent vite, et les finances sont exsangues, au point d’accueillir un nouvel actionnaire, MobilOil, en 1961 et un nouveau directeur. La société reconnaît les difficultés par un communiqué maladroit les soucis mécaniques de la Facellia, provoquant un nombre important de retours à l’usine. La situation impose de passer par une liquidation.
La Facel III récupère des feux avant qui lui donnent un air de Mercedes SLPour sortir de la crise, Daninos, qui reste directeur technique de la marque, obtient l’autorisation (enfin) d’utiliser un moteur étranger qui permettrait d’effacer le souvenir du Pont-à-Mousson. C’est chez Volvo qu’il trouvera son bonheur, en l’occurrence un 4 cylindres de type B18B d’1,8 litres de cylindrée et 108 ch que l’on retrouve aussi sur le fameux coupé Volvo P1800 (lire aussi : Volvo P1800). La Facellia cède la place fin 1963 à la Facel III après 1045 exemplaires.
La Facel III a un coffre plus bombé qu’une Facellia, et des feux arrière rondsAvec la Facel III, dotée d’une boîte de vitesse d’origine Volvo elle aussi, Daninos pense pouvoir reprendre la main. Elle compense la puissance moindre du moteur par un overdrive salvateur. La Facel III n’est plus disponible qu’en coach et cabriolet : adieu donc le coupé 2+2 avec son faux hard top. La voiture reçoit un petit restyling qui la rend toujours plus désirable (avec notamment ses feux arrière ronds), et les ventes reprennent plutôt bien, en France du moins. Mais l’image de marque de Facel Vega a été passablement écornée. Le liquidateur judiciaire confie Facel Vega en location-gérance à la Société aéronautique SFERMA, dont le patron Paul Badré est un amateur d’automobile et un amoureux de la marque. Le sourire semble donc revenir en cette année 1964, d’autant qu’un nouveau projet, intermédiaire entre le haut de gamme Facel II à moteur V8 (qui avait remplacé les HK500 en 1960, lire aussi : Facel II) et la Facel III à 4 cylindres se concrétise alors : la Facel VI, doté du 6 cylindres 3 litres de l’Austin Healy 3000.
Malgré tout, l’Etat Français semble garder une secrète rancoeur envers Facel Vega. En septembre 1964, il décide de ne pas reconduire le contrat de location-gérance à la SFERMA. C’est le coup de grâce pour la firme qui n’a désormais plus les moyens de continuer, malgré les débuts encourageant de la Facel VI. La belle aventure se termine de façon incompréhensible. La Facel III aura été produite à 625 exemplaires (dont 192 cabriolets), tandis que la Facel VI n’aura été produite qu’à 44 exemplaires (dont certains ne seront vendus qu’en 1965 et 1966.
Si Elie de M est devenu le propriétaire d’une Facel III, c’est un peu par hasard. C’est au bord d’une route qu’il repère un jour une voiture recouvertes de ronces et d’orties. Décelant qu’une perle s’y trouve, il demande des informations à la ferme d’à côté. On lui donne le nom du propriétaire, qui avait cru pouvoir la restaurer puis avait abandonné le projet pharaonique. Il finit donc par racheter ce qui ressemblait à une épave mais qui, une fois restaurée, se présente comme neuve à mes yeux. Malheureusement, en vacances avec mes enfants, je suis parti sans aucun matériel photo digne de ce nom, et l’objectif de mon portable a subi les outrages du temps. Je réserve donc mon reportage photo pour plus tard, mais je vous garantie que cette petite Facel III a non seulement fière allure, avec sa peinture grise et son intérieur en cuir rouge, mais elle fait aussi tout à fait dans le coup, même si Madame de M me confie préférer le confort de la DS ! Nul n’est prophète en son pays !
Pour en savoir plus : https://www.facel-vega.com/ et https://www.facel-vega.asso.fr/