CLASSICS
De TOMASO
ITALIENNE

De Tomaso Vallelunga : les débuts d'un tycoon de l'automobile

Par - 29/11/2018

Dans l’imaginaire collectif, une De Tomaso c’est plus un gros bourdon à moteur V8 qu’une sauterelle légère. Pourtant, les débuts de la marque fondée par l’italo-argentin Alejandro de Tomaso ressemblèrent plus à ceux de Lotus, privilégiant la légèreté et l’agilité à la puissance pure. Ainsi naquit la De Tomaso Vallelunga, petit coupé élégant qui permit à l’ancien pilote devenu industriel de se lancer dans l’automobile. Qui aurait pu dire alors que De Tomaso mettrait la main sur la prestigieuse marque Maserati un peu plus de dix ans plus tard. Retour sur les débuts de la marque dans les années 60.

Le prototype de la Vallelunga présenté en 1963 était une barchetta

Rien ne prédestinait Alejandro de Tomaso à devenir un pilote automobile et encore moins un constructeur. Né en Argentine en 1928, mais d’origine italienne (son grand-père émigra au 19ème siècle), Alejandro faisait partie de la bonne société de Buenos Aires. Son père fut ministre de l’Agriculture du pays avant la guerre, étoile montante de la politique locale au début des années 30 avant de mourir prématurément en 1933. Sa mère descendait d’une lignée d’aristocrates espagnols installés en Argentine depuis le 16ème siècle et disposait d’une solide fortune. Orphelin à 5 ans, élevé par sa mère, peu intéressé par les études, il préféra quitter l’école à 15 ans pour travailler dans les ranchs familiaux.

Cependant, le travail au grand air ne le satisfaisait pas totalement. Il aimait l’action et la politique. Opposé à Peron, il revint à Buenos Aires en 1945 et s’impliqua dans la création du quotidien Clarin (le clairon en espagnol, devenu aujourd’hui l’un des premiers groupes de presse argentins) aux côtés de Roberto Noble, un vieil ami politique de son père. La fibre entrepreneuriale était déjà bien présente, mais ses prises de positions anti-Peron l’obligèrent à s’exiler hors de la capitale. Il tenta bien un come-back en 1955 pour tenter un coup d’état, sans succès. Cette fois-ci l’exil fut plus lointain : direction l’Italie et un changement radical de vie.

Alejandro avait occasionnellement participé à quelques courses automobiles en Argentine, par jeu et de façon opportuniste : cette très légère expérience lui permit en tout cas de trouver un emploi chez OSCA comme pilote essayeur. C’est à cette époque que de Tomaso rencontra sa femme, Elizabeth Haskell, descendante de l’un des fondateurs de la General Motors et elle-même passionnée par la course automobile qu’elle pratiquait déjà sur MG ou Siata. Au volant de la Maserati 150S de sa fiancée, de Tomaso finissait 4ème des 1 000 km de Buenos Aires pour un retour gagnant au pays (contre la promesse de cesser toute activité politique).

Une nouvelle carrière s’offrait donc à Alejandro : pilote automobile (aidé par sa propre fortune familiale et celle de sa femme, épousée en 1956). Après plusieurs participations à des courses au volant d’OSCA, il décida de se lancer dans la conception de ses propres automobiles de course en 1958, encouragée par Elizabeth devenue Isabella pour s’italianiser. Il commença alors à produire une Formule 2, puis des Formules Juniors pour ensuite envisager la Formule 1, rien que cela. En ce début des années 60, Alejandro cumulait les projets : moteurs de F2, monoplace destinée à Indianapolis, etc. Entrepreneur, il décidait alors de se lancer dans la production d’une voiture de sport destinée au grand public. Présentée à Turin en 1963, dessinée par la Carrozeria Fissore, celle-ci prenait la forme d’une barquette, mais le projet se transforma finalement en 1964 en un élégant coupé en aluminium, cachant dans ses entrailles un moteur en position centrale arrière.

La voiture se voulait faite pour le sport et utilisait la technique du châssis-poutre, tandis que les suspensions s’inspiraient de celles d’une Formule 3. Trois prototypes furent construits par Fissore cette année-là, en aluminium, mais rapidement, Alejandro de Tomaso préféra privilégier la fibre de verre, moins coûteuse, et confia la fabrication en série à un autre carrossier, Ghia. Ironie de l’histoire, De Tomaso rachètera Ghia en 1967 (avant de revendre à Ford en 1970).

Pour motoriser ce nouveau coupé, de Tomaso allait choisir la division européenne de Ford. Vue la légèreté de l’engin (726 kg), un petit 4 cylindres suffisait largement. La Vallelunga (le nom d’un circuit situé au nord de Rome) se retrouva donc équipée du fameux 1 500 Kent issu de la Cortina développant 104 chevaux. L’importateur anglais suggéra ensuite de greffer en option l’évolution 1 600 développée par Lotus sur cette même base et motorisant l’Elan. De Tomaso accepta et quelques exemplaires furent donc équipés du moteur Ford/Lotus de 135 chevaux. On piocha chez Volkswagen une boîte de vitesses de Coccinelle retouchée ensuite chez De Tomaso pour proposer 5 vitesses non synchronisées.

Malgré les qualités évidentes de la voiture, elle ne fut pourtant jamais un succès commercial. En réalité, elle coûtait très chère. Ensuite, elle connaissait des problèmes de rigidité, mais aussi de finition. Seuls 50 exemplaires en fibre furent fabriqués. En comptant les 3 prototypes en aluminium et les 5 versions « courses », ce total atteignait 58 exemplaires. La production stoppa en 1967 mais l’expérience n’avait pas été vaine pour Alejandro de Tomaso. D’une certaine manière, la Vallelunga n’était pour lui qu’un galop d’essai.

En effet, les choses avaient entre temps bien changé. Après avoir tenté de racheter Ferrari, Henry Ford, vexé, décidait de se lancer au Mans avec la GT40 et de soutenir un autre constructeur italien de voitures de sport, de Tomaso, d’abord comme fournisseur des moteurs V8 de la Mangusta à partir de 1967 puis comme actionnaire principal à partir de 1969 (lire aussi : la bataille Ford/Ferrari). Ford avait aussi financé les rachats de Ghia puis de Vignale par De Tomaso. L’union des deux constructeurs finira par se consumer en 1974 : Ford céda alors ses parts et récupéra les deux carrossiers designer. En 1975, Alejandro  s’octroyait Maserati, puis Innocenti en 1976.

La Vallelunga est donc la première véritable de Tomaso de route, la première d’une lignée qui durera jusqu’à la fin de la Guara en 2004. Méconnue sauf des spécialistes, elle est particulièrement atypique comparée à ses descendantes équipées de V8 puissants comme la Pantera. Relativement élégante, elle propose des solutions techniques intéressantes. Revers de la médaille : sa faible production en fait une voiture rare. Chère à l’époque, elle l’est tout autant aujourd’hui avec une cote (LVA) à 240 000 euros. A Rétromobile, en 2018, un exemplaire équipé d’un moteur Lotus fut même vendue aux enchères à 292 040 euros (frais et taxes inclus) par Artcurial.

Photos : DR, Artcurial


CARACTERISTIQUES TECHNIQUES DE TOMASO VALLELUNGA

Motorisation

Moteur 4 cylindres Ford « Kent » 8 soupapes, central arrière
Cylindrée 1 498 cc
Alimentation 2 Carburateurs Weber DCOE40
Puissance 104 ch à 6 200 trs/min
Couple 139 Nm à 3 600 trs/min

Transmission

Roues motrices arrière
Boîte de vitesses BVM à 5 rapports

Dimensions

Longueur 3 840 mm
Largeur 1 600 mm
Hauteur 1 080 mm
Poids à vide 726 kg

Performances

Vitesse maxi 183 km/h
Production totale 58 exemplaires (1964-1967)

Tarif

Cote moyenne (LVA) 2018 240 000 euros

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PAUL CLÉMENT-COLLIN - 25/03/2020
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PAUL CLÉMENT-COLLIN - 29/11/2015
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