Dacia 1410 Sport: la classe à Bucarest
Les ingénieurs de chez Dacia ont toujours été de sacrés créatifs, réussissant des variations sur un même thème les plus extraordinaires (ou les plus kitsch) qui soient. Après une première mise en bouche avec la Dacia 1100 (lire aussi : Dacia 1100), première Dacia jamais produite, c’est la 1300 qui fait son show en Roumanie à partir de 1969. Il s’agit de la version des Carpates de la vénérable Renault 12. Mais ne nous moquons pas trop vite car à l’époque, la Dacia 1300 n’était absolument pas ridicule : rappelez-vous qu’elle est sortie en même temps que la R12 en France. C’était donc une voiture moderne dans les années 70, nettement plus que ses concurrentes de l’Est, permettant à la Roumanie d’exporter notamment vers la Yougoslavie (qui sera l’un des principaux marchés d’export) ou la Bulgarie, mais aussi vers les pays non communistes du sud de l’Europe, la Grèce ou la Turquie (et même en Belgique).
Bref, je vous parlerai plus en détail de la grande histoire de la 1300, qui prendra le patronyme de 1310 en 1979 à la suite d’un premier restylage. Parlons-en de cette année 1979: à l’usine de Pitesti, on phosphore pour s’affranchir de Renault (avec lesquels les liens sont désormais rompus) et offrir des dérivés à la 1310. Déjà depuis 1975, Dacia produit la 1302, dérivé pick-up de son best-seller, mais les ingénieurs veulent aller plus loin (et peut-être se faire plaisir?). Ils présentent en 1979 le prototype appelé Brasovia, une proposition d’un coupé deux portes sur la base de la 1310. Contre toute attente, le feu vert sera donné pour une mise en production rapide, après quelques changements cosmétiques (notamment à l’arrière). Nicolae Ceaucescu était comme vous le savez un peu siphonné niveau ciboulot. Il a des rêves de grandeurs mégalos pour sa Roumanie, et ne voit pas de contradiction à offrir une version coupé deux portes plus sportive et plus luxueuse (enfin c’est un bien grand mot) dans un monde communiste arrangé à sa sauce.
La Brasovia est donc validé par le Conducatore lui-même. Elle ne sortira qu’à partir de 1981 sous le nom de 1410 Sport. Si la Brasovia avait un arrière incliné façon R15/R17, la 1410 Sport est une vraie deux portes avec un vrai coffre. Pour cette déclinaison, l’économie est tout de même de rigueur, à tel point que sa vitre arrière n’est autre qu’un pare-brise avant sur les premières versions. Ne cherchez donc pas le dégivrage arrière, vous risqueriez de vous arrachez les cheveux ! Sous le capot, le cleon fonte est de service, dans sa version 1,3 litres et 54 ch mais aussi (et surtout) 1,4 litres et 65 chevaux. Bon ok, ces chiffres ne font pas frémir, mais la 1410 ne pèse que 900 kg. Elle reçoit bien entendu le restylage avant de 1979, ces doubles phares entourés de plastique noir si seyant !
Jusqu’en 1985, la 1410 est directement dérivée de la 1310, et en récupère donc les portes dites « courtes ». En 1986, pour la deuxième série, la 1410 Sport recevra des portes spécifiques, dites « longues », facilitant l’accès aux places arrières et affinant la ligne générale du coupé. Il restera en production jusqu’en 1992, mais vraiment pour la forme. Au total, il ne sera produit qu’à 5140 exemplaires, autant dire peanuts même à l’échelle Dacia.
Voilà dans quel état sont souvent les 1410 Sport aujourd’huiEn 1987, il servira de base à un étonnant prototype, le MD87. Proposé par l’ingénieur Nicolae Comescu, il porte le nom de sa femme Monica et de son fils Dragos (M et D) accolé à l’année. Il s’agit d’une version remaniée de la 1410 Sport, disposant d’un moteur central arrière et d’un design spécifique et plus agressif. Il ne sera malheureusement jamais produit en série. De toute façon, Dacia n’a plus beaucoup d’argent dans les caisses, et la « révolution » se profile, aboutissant à la chute de Ceaucescu en novembre 1989. Désormais, Dacia vivotera jusqu’à son rachat par Renault.
La Dacia MD87 à moteur central arrière !Trouver une 1410 Sport aujourd’hui n’est pas aisé. Déjà rare en son temps, elle a subi soit la pauvreté des années 90 en Roumanie, provoquant l’abandon pur et simple par manque de moyens et d’entretien. Les rares exemplaires qui ont survécu à cette période sont aujourd’hui prisés des tuners aisés de la nouvelle Roumanie des années 2000. Il sera donc très compliqué d’en trouver des « full stock ». Pourtant, un français a réussi à en trouver une en (relativement) bon état et l’a ramené en France (un seul exemplaire donc dans l’hexagone). Mais si vous avez l’occasion de passer par la Roumanie, ouvrez bien les yeux, vous pourriez tomber sur une excellente occasion de rouler décalé !