Citroën Méhari 4×4 : la fausse bonne idée
Ah la Méhari, devenue l’idole des stations balnéaires après avoir été la bonne à tout faire d’ostréiculteurs, d’agriculteurs ou de commerçants. La nostalgie l’a placée sur un pied d’estale alors qu’en 30 années de fabrication (1968-1987), seuls 144 953 exemplaires tomberont des chaînes (soit une moyenne annuelle de moins de 5 000 véhicules). Certes, le petit véhicule étrange élaboré sur une base de 2CV par le comte Roland de la Poype avec sa carrosserie en polychlorure de vinyle (PCV) a une bouille craquante aujourd’hui, mais elle n’a jamais approché de près les scores de vente de sa soeur carrossée. Alors que dire de l’éphémère version 4×4, qui s’arrache aujourd’hui à prix d’or alors qu’à l’époque, elle fut un flop retentissant ?
Dès 1975, Renault proposait une option 4×4 réalisée par Sinpar sur ses Rodéo 4 et 6 fabriquées par Teilhol. L’idée semblait bonne afin d’offrir encore plus de capacités sur les chemins boueux et Citroën ne pouvait être en reste, commençant à réfléchir de son côté à une déclinaison tout-terrain de sa petite Méhari, elle qui semblait déjà si à l’aise hors des sentiers battus dans sa version standard.
La Méhari 4×4 se distingue par sa roue de secours placée sur le capot avant, et son sigle à l’arrièreAu Vietnam, on fabriquait une sorte de Méhari locale sur base 2CV depuis 1970, La Dalat, qu’un concessionnaire proposait avec une transmission intégrale de son cru : remarquée par les équipes de vente de Citroën, celle-ci donne des idées tout autant que la concurrence de Renault : pourquoi pas nous ? Certes, la tentative d’une 2CV 4×4 s’était avérée un échec (693 exemplaires en 6 années de production au début des années 60) mais avec un produit adapté comme la Méhari, cela pouvait marcher.
Et la Méhari devint tout-terrain
Il faudra pourtant attendre 1979 pour voir la Méhari 4×4 apparaître au catalogue de la marque aux chevrons : 4 roues indépendantes, transmission intégrale, train arrière enclenchable, boîte de réduction, la Méhari 4×4 a tout – a priori – du parfait tout-terrain. Pourtant, elle n’est pas exempte de défauts : malgré son poids plume (580 kg), elle n’offre que 29 chevaux, comme une 2CV de base, tout juste suffisant pour affronter les pentes malgré la boîte de réduction. Le 602 cc est non seulement peu puissant, mais peu coupleux.
Autre défaut, son empattement un peu long qui limite son efficacité, tandis que la rigidité de l’ensemble laisse à désirer, du moins dans des conditions “tout-terrain”. Tout cela ne serait pas très grave s’il n’y avait pas un élément rédhibitoire : son prix, équivalent à deux Méhari neuves !
Un échec commercial
Une Lada Niva, certes moins sexy et connotée en cette période de guerre froide, était bien plus efficace et bien moins chère, surtout dans des zones de montagne où la clientèle, friande de transmission intégrale, cherche aussi un peu de chaleur que la bâche de la Méhari ne permet pas de garantir.
Vous l’aurez compris, la Méhari 4×4 sera un échec commercial flagrant : avec seulement 1 213 véhicules vendus entre fin 1979 et 1983 (et dont un certain nombre achetés par l’administration française), il valait mieux arrêter les frais. C’était deux fois mieux que la 2CV, mais pas suffisant pour s’obstiner, d’autant que la Méhari arrivait en fin de carrière.
Paradoxalement, cette rareté fait aujourd’hui toute sa valeur dans le monde de la collection. Comme à l’époque, une 4×4 s’échange aujourd’hui pour deux fois le prix d’une Méhari traction : lors de la vente Artcurial organisée lors de Rétromobile 2019, un exemplaire entièrement restauré est parti pour 38 144 euros (frais inclus).