Citroën 2CV Sahara/4×4: le mythe a un prix
Les bides d’un jour font les collectors de toujours. Avec 693 exemplaires vendus en 6 années de production (de 1960 à 1966), on ne peut pas dire que la 2CV Sahara (puis devenue 4×4 tout court à partir de 1962 et des accords d’Evian) ait été un succès en son temps. Mais que dire aujourd’hui quand les ventes aux enchères s’envolent (172 800 euros pour un exemplaire vendu par Artcurial au dernier Rétromobile) ? La preuve donc qu’un échec n’empêche pas de devenir culte… Au contraire.
D’où vient cette Sahara ? D’un concessionnaire facétieux persuadé (à raison) que la deuche avait des capacités insoupçonnées, pour peu qu’on y mette les moyens. La tentative d’une 2CV avec deux moteurs entraînant chacun un train (pour un total de 2x13ch, soit la mirifique puissance de 26 ch) séduisit Citroën qui voyait en elle un engin capable de remplacer les Jeep dans les lointaines contrées du Sud Sahara (oui, là où on faisait des essais atomiques, et où l’on produisait du pétrole), d’où son nom, mais aussi en Afrique Noire, et partout où il fallait allier agilité, légèreté, et motricité !
Si l’intention était louable, la réalité du marché fit que la 2CV Sahara ne se vendra jamais au delà d’un cercle restreint d’amateurs ou d’entreprises spécialisées, d’où sa faible diffusion. Il est vrai qu’avec un prix représentant le double de celui d’une 2CV6, deux moteurs (donc deux fois plus d’emmerdes potentielles), deux réservoirs (dont l’un sous le siège passager), un arrière modifié (et donc pas de coffre, vous l’aurez compris), le tout pour une efficacité certes intéressante mais pas meilleure qu’une Hotchkiss/Jeep autrement plus économique (à l’achat comme à l’entretien), l’affaire était pliée !
Bizarrement, la production au compte goutte, et dans plusieurs usines Citroën au gré des commandes aléatoires, durera près de 7 ans, le temps d’en produire moins de 100 par année. Incroyable qu’une telle production ait pu durer aussi longtemps : les joies des 30 glorieuses et de l’argent facile… Petit à petit cependant, Citroën comprendra que pour séduire les colonies, puis les ex-colonies, et enfin les « pays émergents », une FAF serait sans doute plus adaptée (lire aussi : Citroën La Dalat).
En 1966, les dernières 2CV 4×4 (puisque depuis la fin de l’Algérie Française, le nom de Sahara n’était plus en odeur de sainteté) sortirent de chaînes. La Méhari reprendra le flambeau en 1968 (lire aussi : Citroën Mehari), même s’il faudra attendre 1979 pour une version 4×4 au destin commercial aussi limité que sa sœur Sahara (mais multipliant le score par deux ou presque, avec 1213 exemplaires).
Aujourd’hui en revanche, les 2CV Sahara (avant 1962) et 4×4 (après 1962) sont ultra prisées : les prix varient selon l’état entre 100 et 180 000 euros. Incroyable pour une petite deuche et ses deux moteurs (et son châssis revisité pour l’occasion, sans compter les petites distinctions par rapport aux versions traction et avec un seul moteur).
Voilà comment, avec un échec, on créé un mythe, bien malgré Citroën qui aurait sans doute préféré en vendre un peu plus ! L’époque permettait un four sans trop de soucis, et il faudra attendre les investissements hasardeux dans les moteurs rotatifs pour vraiment prendre le bouillon (lire aussi : Citroën M35 et Citroën GS Birotor), sans compter les affaires Maserati (lire aussi : Maserati Quattroporte II et Maserati Khamsin) et SM (lire aussi : Citroën SM).
Je reste cependant étonné des tarifs d’un tel véhicule, fut-il aussi rare, comme si les collectionneurs avaient perdu tout sens commun : cela reste une 2CV, certes avec 2 moteurs, et une efficacité redoutable (notamment grâce à la légèreté de l’enfin, 735 kg), mais de là à lâcher autant d’euros, autant s’acheter une version 4×4 réalisée par Voisin !
Vu le tarif, en voilà une qui ne risque pas de passer dans une « caisse de lecteur », dommage, et si vraiment vous voulez une Citroën à 4 roues motrices, collector de surcroît, autant vous rabattre sur un C15 version Dangel (lire aussi : Citroën C15).