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Borgward 230 : l'aventure mexicaine

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 11/09/2015

Mon intérêt pour Borgward, célèbre marque allemande aujourd’hui disparue, est revenu en deux temps cet été. Une vieille amie de ma mère, en villégiature dans la maison familiale, s’est tout d’abord piquée de me raconter les souvenirs d’automobiles de son père : deux modèles restaient vivaces à ses yeux, la Renault Colorale Prairie (lire aussi : Renault Colorale), et la Borgward P100 dont elle gardait un souvenir ému ! Quelques jours après, j’apprenais la « renaissance » de la marque allemande disparue depuis 1961 et sa retentissante faillite.

(Image: André Leroux / Carcatalog)(Image: André Leroux / Carcatalog)

Disparue en 1961 la marque Borgward ? En fait pas tout à fait, et c’est l’histoire que je vais vous raconter aujourd’hui. Sans vous raconter toute l’histoire de la marque Borgward (je m’en garde un peu pour plus tard hein?), sachez tout de même qu’elle est issue de la marque Hansa Lloyd, créée en 1914 de la fusion de deux petits constructeurs, Hansa et Lloyd (logique non?). Carl Borgward prend le contrôle de cette firme déclinante en 1929 et la fusionne en 1930 avec la marque Goliath. Les années 30 voient la production de véhicules Goliath, et Hansa, puis Hansa-Borgward, tandis que la guerre oblige la marque à produire des camions pour l’armée allemande.

La destruction des usines par les bombardements alliés l’oblige à repartir d’une page blanche, et il relance la marque Goliath sur le créneau des petites cylindrées et la marque Borgward sur le créneau du haut de gamme, en concurrence avec une firme comme… Mercedes. A côté de cela, l’expérience camion de la seconde guerre mondiale a porté ses fruits, et Borgward continue à proposer des poids lourds.

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Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Pas tout à fait. On pourrait comparer Borgward sur certains points (pas tous) avec Panhard en France: gros, mais pas trop ; différent, mais pas trop ; entreprise familiale sans capitaux permettant de surmonter les crises ! Si Borgward est une marque reconnue, elle reste très fragile, et finira par faire faillite en 1961. Beaucoup de théories existent sur cette « chute » de Borgward, et je me garde le droit de vous en parler plus en détail dans un prochain article, sans doute après le salon de Francfort et la présentation de la nouvelle Borgward. Bref, passons, la trésorerie est exsangue en ce début des années 60, tandis que les créanciers (téléguidés?) tournent tels des vautours autour de Carl Borgward et de ses usines, et lorsque sort la P100 à moteur 2,3 litres, les dés (pipés?) sont déjà jetés.

Le pauvre Carl ne se remettra jamais de la faillite de sa société en 1961, et quittera ce monde en 1963. La P100, n’aura pas eu le temps, malgré sa ligne statutaire et son moteur 6 cylindres de 2,3 litres et d’environ 100 chevaux. Seuls 2267 exemplaires de ce dernier modèle seront fabriqués à Stuttgart (le fief aussi de Mercedes, le concurrent d’alors), entre 1960 et 1961. La P100 restera-t-elle la dernière Borgward ? Produite, en Allemagne sûrement, mais ailleurs ?

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En Amérique Latine, allez savoir pourquoi, les marques allemandes ont toujours eu du succès. Prestige des modèles, certes, présence d’immigrés pas tous recommandables, connivence entre certaines dictatures militaires et l’ancien régime nazi ? Ou tout simplement occupation du terrain dès le lendemain de la guerre au Brésil ou en Argentine par les marques allemandes désireuses de conquérir de nouveaux marchés (VW au Brésil notamment, mais aussi au Mexique, lire aussi : VW Fusca). Installée dès les années 50 de façon industrielles (VW ou DKW entre autres), les entreprises allemandes ne rencontreront de concurrence européenne ou américaine qu’à partir des années 60. Bref, dès la fin des années 50, Borgward est présente en Argentine, en fabriquant localement.

Lorsque la faillite de Borgward survient en 1961, l’ensemble sera mis aux enchères afin de rembourser les créanciers. Preuve que Borgward pouvait survivre, il resta près de 4 millions et demi de marks après liquidation. Peu importe, des investissurs mexicains eurent l’idée (saugrenue?) de racheter plans et outillage de la P100 2.3 litres lors de la vente aux enchères pour 12 millions de dollars, avec l’idée de faire perdurer la marque au Mexique, et persuadés qu’une clientèle sensible aux qualités allemandes, aisée, et patriote malgré tout, apprécierait d’acheter des Borgward made in Mexico! Aussitôt dit aussitôt fait ? Pas vraiment.

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L’échec de la Borgward 230, nouveau nom de la P100 au Mexique, sera retentissant : les investisseurs, enthousiastes, réunis sous le nom de FANASA, eurent à subir les pires difficultés pour faire venir d’Europe tout l’outillage nécessaire, sans compter les nouvelles lois mexicaines taxant lourdement les importations de matériels ou de pièces détachées. En outre, il fallut trouver une usine, et tenter de faire bonne figure en s’alliant avec un magnat des poids lourds mexicain, Gregorio Ramirez, qui devint le nouveau président de la firme.

Une Borgward 230 devant l'usine FANASA !Une Borgward 230 devant l’usine FANASA !

Ce n’est qu’en 1967 (quand même) que les premières Borgward 230 sortirent des chaînes de la FANASA. Autant dire que les modèles, sortis en 1960 et conçus dans les années 50, commençaient déjà à dater, tandis que le souvenir du prestige de la marque Borgward s’était déjà évanoui. Dans les années 60, l’industrie automobile américaine s’introduisait à coup de boutoir et d’usines gigantesques, et il devenait difficile aux « nouvelles » Borgward 230 de rivaliser avec les Cadillac ou les Buick de l’Oncle Sam. L’aventure s’arrêtera d’elle même en 1970, après 2267 exemplaires fabriqués, presque autant qu’en Europe.

Le renouveau de Borgward, présenté la semaine prochaine au salon de Francfort (image: Autobild.de)Le renouveau de Borgward, présenté la semaine prochaine au salon de Francfort (image: Autobild.de)

Si le snobisme vous pousse à chercher LE modèle qui vous distinguera de la plèbe des collectionneurs, c’est une 230 qu’il vous fauda chercher, et forcémment au Mexique, même si d’autres ne vous ont pas attendu pour les importer en Allemagne, ou vous en trouverez quelques exemplaires..  A bon entendeur !

En savoir plus sur l’histoire de Borgward en attendant l’article de BR, l’excellent site d’André Leroux dont proviennent certaines images de cet article : http://carcatalog2.free.fr/sito143.htm

Image du nouveau Borgward : Autobild !

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Dans les années 50, la construction automobile allemande n’a pas encore pris l’ascendant qu’on connaît aujourd’hui. Si Mercedes a d’ores et déjà retrouvé le rang qui était le sien avant-guerre, BMW n’a pas encore l’aura qu’on lui connaît aujourd’hui. Quand à Audi, il faudra attendre la fin des années 60 pour la voir renaître de ses cendres. En revanche, Opel fait figure de valeur sûre avec sa berline Kapitän. Au milieu de ces constructeurs survit encore une marque relativement prestigieuse : Borgward.
PAUL CLÉMENT-COLLIN - 07/04/2016
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