Partager cet article
BMW M5 E34 Cabriolet : « dans le doute, abstiens-toi »
PAUL CLÉMENT-COLLIN - 13 sept. 20221er mars 1989, à Munich. La voiture est là, belle à mourir, puissamment campée sur ses jantes, musculeuse certes mais rendue féminine grâce à l’ablation de son toit. Dans l’atelier, les ouvriers et ingénieurs sont fiers de leur création qui devrait, selon toute vraisemblance, passer en production après le salon de Genève, qui ouvre ses portes dans 9 jours exactement. Tous admirent leur œuvre : la BMW M5 E34 Cabriolet.
La décision est presque prise : la M5 Cabriolet rentrera bien en production, et avec elle ses sœurs « normales », histoire de décliner la gamme E34 déjà disponible en berline (lire aussi : BMW Série 5 E34) et dont la version touring complètera la gamme en 1992. Pour annoncer l’événement, la direction leur a donc demander ce prototype, évidemment dans sa déclinaison la plus désirable, siglée du M de Motorsport, et dotée du L6 de 3,6 litres et 315 chevaux.
Pour répondre à la commande, les hommes de béhème sont donc partis sur la base d’une E34 M5, avec le même châssis et donc le même empattement, pour conserver l’évident avantage de 4 vraies places. Il a donc fallu travailler dur sur la carrosserie pour la transformer en cabriolet. Si la face avant ne change pas, il en va tout autrement de l’arrière.
Les portes avant ont été considérablement agrandies par rapport à la berline, tandis qu’à l’arrière, les ouvrants disparaissent. Pour la capote en toile, elle reproduit assez fidèlement la pente de la vitre arrière de l’E34 traditionnelle, tout en rendant cette version « « convertible » particulièrement désirable : on croirait que la série 5 est faite pour cette déclinaison ! Bien entendu, tout a été rigidifié pour éviter toute torsion d’une part, et pour se passer d’un disgracieux arceau !
Au service de communication de la marque, on prend les choses au sérieux : sur le stand BMW en préparation, on a pris soin de réserver une place de choix pour cette M5 Cabriolet. C’est prévu : elle doit être le clou du spectacle à Genève. Le public va enfin découvrir la belle, et bien entendu s’enflammer pour la nouvelle création de la marque à l’hélice.
Pourtant, dans les bureaux de la direction, on s’inquiète ! On se demande même si c’est une bonne idée finalement. L’E30 Cabriolet se vend encore bien (même si la version M3 est anecdotique, lire aussi: BMW M3 E30 Cabriolet), et dans les cartons se prépare l’E36, sa remplaçante, qui doit elle aussi se décliner en cabriolet 4 places (lire aussi: BMW M3 E36). Et si, en présentant l’E34 Cabriolet, on était pas en train de se tirer une balle dans le pied ?
Les heures passent, et le doute se transforme en certitude : l’E34 Cabriolet pourrait bien phagocyter les ventes d’E30 puis d’E36. Est-il vraiment nécessaire d’offrir une décapotable sur ce segment là ? Toute séduisante qu’elle soit, l’E34 est-elle indispensable sous cette forme ? La mort dans l’âme, les dirigeants tranchent : il n’y aura pas de M5 Cabriolet.
Ordre est alors donné de remiser le prototype dans les réserves. Personne ne doit parler de ce cabriolet devenu encombrant malgré les espoirs et la fierté des hommes qui l’avaient conçue. Il n’y aura pas d’E34 M5 Cab’ à Genève, où l’on comblera le vide par d’autres modèles de la gamme. On n’entendra plus jamais parler d’elle jusqu’en 2009 où, pour célébrer les 20 ans de la M5, on ressortira le proto pour enfin l’exhiber à un parterre de journalistes médusés : et dire qu’on aurait pu l’avoir en série !