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BMW M3 E36 : celle qui savait tout faire

Par Nicolas Fourny - 28/11/2023

« Le pilotage d’une M3 poussée dans ses retranchements exige des compétences dont le conducteur d’une 316i n’a probablement qu’une idée très vague mais, aux allures usuelles, la voiture sait faire preuve d’une docilité surprenante »

Quelle est la meilleure voiture du monde ? De ce débat vieux comme l’automobile, aucune réponse définitive ne surgira car, au vrai, l’objet peut se présenter sous des formes si diverses et répondre à des besoins si éloignés les uns des autres que la synthèse idéale n’existera probablement jamais, l’amateur de Toyota Land Cruiser n’ayant par exemple peu de préoccupations en commun avec le conducteur d’une Lotus Elise… Pourtant, il arrive que certains modèles cochent suffisamment de cases pour se rapprocher sérieusement d’une forme de perfection. Ainsi en va-t-il de la BMW M3 de deuxième génération, unanimement saluée lors de son apparition puis tout au long de sa carrière et dont les successeurs, en dépit de leurs qualités objectives, ne sont jamais parvenus à égaler la dévotion dont leur aînée fait l’objet aujourd’hui encore. Trois décennies ont passé mais, alors que l’auto relève désormais du monde de la collection, l’âge l’a rendue encore plus désirable !

Un siècle en Bavière

Il y a un peu plus de trente ans, dans un numéro datant du mois d’avril 1993, l’hebdomadaire grand public Auto Plus titrait : « BMW M3, la voiture du siècle », avant d’enfoncer le clou par une longue anaphore résumant à elle seule à quel point le coupé munichois dominait alors les débats. « Plus passionnante qu’une Ferrari 348 tb, plus sûre qu’une Audi coupé S2, plus efficace qu’une Honda NSX, plus polyvalente qu’une Nissan 300 ZX, plus performante qu’une Porsche Carrera, plus confortable qu’une Mercedes 500 E, plus homogène qu’une BMW 850 CSi », assenait ainsi le journal qui affirmait « se mettre à la place du conducteur ». Bien sûr, avec le recul du temps certaines de ces assertions peuvent sembler contestables car ne relevant pas forcément d’une objectivité à toute épreuve mais, dans l’ensemble, force est de constater que les auteurs de cette couverture avaient visé juste en opposant la plus puissante des Série 3 E36 à des machines dont, auparavant, personne n’aurait cru qu’elles seraient à ce point malmenées par une automobile certes très performante, mais relevant tout de même de la grande série. Et, vous l’aurez noté, à l’exception de l’Audi, la totalité des voitures évoquées étaient alors bien plus onéreuses que la M3 qui, son appellation mise à part, ne reprenait à peu près rien de sa glorieuse devancière, laquelle relevait d’une philosophie sensiblement différente…

Le fantôme de la E24

Dans l’absolu, la M3 E36 n’avait cependant rien de particulièrement innovant ou de révolutionnaire pour qui connaissait bien la gamme et l’histoire de BMW. Un coupé élaboré par la filiale M, élégamment dessiné dans le respect de codes esthétique de la maison et animé par un six-cylindres 24 soupapes de 286 ch : voilà qui correspondait très précisément à la fiche d’identité d’une certaine M 635 CSi, disparue trois ans auparavant et qui, jusqu’alors, n’avait pas connu de descendance, la Série 8 E31 ayant – pour son malheur – choisi d’investir le segment des coupés de grand tourisme plus luxueux que sportifs. À cette aune, il n’est pas excessif d’affirmer que la M3 présentée en novembre 1992 a brillamment pris le relais de la plus performante des E24, en s’appuyant toutefois sur une profonde réactualisation du concept. En premier lieu, à la place du « gros » M88, c’est le S50 que l’on trouvait sous le capot ; un moteur dont les variantes les moins entreprenantes avaient précédemment animé les Série 3 et Série 5 six-cylindres. Par rapport au S14 à quatre cylindres qui avait fait les beaux jours de la M3 E30, les progrès s’avéraient très significatifs, que l’on s’intéresse à la puissance (+ 20 % par rapport à la M3 Sport Evolution de 238 ch) ou au couple (321 versus 240 Nm, atteints de surcroît 1150 tours/minute plus tôt).

Du sport au grand tourisme

Néanmoins, les données chiffrées ne sont pas tout et, d’une M3 à l’autre, l’évolution ne s’est pas bornée à l’impavidité des constats que délivrent les chronomètres. Plus puissante et plus rapide, l’auto n’avait plus grand-chose à voir avec le modèle sortant lorsque l’on examinait ses liaisons au sol, dont la modernité permettait à l’engin de gagner tout à la fois en efficacité et en polyvalence d’usage, le contrôle de la voiture se révélant plus accessible aux conducteurs moyens dans la majorité des circonstances. Naturellement, malgré une physionomie si proche qu’un profane pourrait presque les confondre – la relative discrétion de la voiture n’étant d’ailleurs pas la moindre de ses qualités –, le pilotage d’une M3 poussée dans ses retranchements exige des compétences dont le conducteur d’une 316i contemporaine n’a probablement qu’une idée très vague mais, aux allures usuelles, la voiture sait faire preuve d’une docilité surprenante et accepte de bonne grâce tous les styles de conduite, qu’il s’agisse de musarder à 130 km/h sur l’autoroute, de subir l’enfer de la circulation parisienne ou de négocier les virages d’un col alpin. De la sorte, l’abondance du couple (disponible dès 3250 tours) détermine un typage très éloigné du 4 cylindres de la E30, qui demandait à être cravaché pour donner le meilleur de lui-même ; à l’inverse, la E36 sait jouer sur tous les registres, du velours bien élevé à la stridence la plus échevelée, le régime maximal du S50 étant fixé à 7600 tours versus, par exemple, 6800 pour une Porsche 993 Carrera…

Sus aux Porsche !

Nos lecteurs l’auront compris, l’allusion à la 911 n’est pas fortuite car, non seulement la M3 E36 a précipité la fin des « PMA » à quatre cylindres – la 968 et ses 240 ch, pourtant vendue 10 % plus cher que la BMW, n’a pas survécu longtemps à l’apparition d’icelle – mais, dans certains comptes-rendus d’essais, Sa Majesté la 911 elle-même a pu être menacée. Ainsi, le Moniteur Automobile, sous la plume de Jean-Jacques Cornaert, publia en juin 1997 un comparatif opposant la M3 (dorénavant nantie d’un moteur de 3,2 litres délivrant 321 ch) à la 993 Carrera S, certes moins puissante de 36 ch mais aussi plus légère que la voiture de Munich. Indéniablement plus véloce que la BMW mais aussi moins facile à contrôler à grande vitesse et moins habitable, la Porsche faisait payer très cher un écart de performances sans doute plus difficile à déceler volant en mains qu’à la lecture d’une fiche de chronométrage. Vendue au prix de 565 000 francs (environ 124 000 euros d’aujourd’hui), la 911 était ainsi 60 % plus onéreuse que la M3 et, hormis bien entendu aux yeux des porschistes invétérés, cet écart tarifaire apparut très vite surévalué aux yeux d’une bonne part de la clientèle, qui réserva un véritable triomphe commercial à la BMW (plus de 71 000 exemplaires vendus en sept ans, ce qui constitue un authentique exploit pour une GT de ce calibre).

 

Faites des économies, roulez en M3

Ce rapport prix/performances n’aura échappé à personne et, quand la M3 est devenue une voiture de deuxième, puis troisième main – nous n’irons pas plus loin afin de ne pas choquer les âmes sensibles –, le modèle a attiré toute une faune hypnotisée par la puissance de l’engin mais plus douée pour écraser l’accélérateur en ligne droite que pour exploiter correctement son potentiel sur des tracés plus exigeants. Très répandue et sans doute trop accessible financièrement compte tenu de son niveau de performances, la E36 a, comme bien d’autres, porté sa croix des années durant, tombant fréquemment entre les mains peu recommandables d’amateurs de tuning ou d’individus peu soucieux de l’entretenir comme elle le méritait. Car si l’auto est solide et jouit d’organes mécaniques conçus et assemblés avec soin, il ne faut pas s’attendre à une maintenance aussi fruste que celle d’une Toyota Starlet, le VANOS (double VANOS sur la 3,2 litres) – système de calage variable de l’admission – pouvant à lui seul engendrer des problèmes coûteux si son entretien a été négligé. Cela étant, les factures de révision sont tout de même assez éloignées de celle d’une Ferrari et, proclamons-le sans ambages, de nos jours comme il y a trente ans, la M3 E36 demeure une affaire exceptionnelle en termes de rapport prix/plaisir. Surtout à une époque où même les plus modestement motorisées des Porsche à moteur arrière ont vu leur cote exploser, la « voiture du siècle » étonne toujours par la modicité des transactions qui la concernent. Pas sûr que ça dure éternellement…

2990 cm3Cylindrée
286 chPuissance
250 km/hVmax



Texte : Nicolas Fourny

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