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Alpine GTA Le Mans : une série décriée !

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 27/02/2015

Pour tous ceux qui comme moi regardent l’évolution des gammes de constructeurs année après année, notamment en collectionnant les « Salons » de l’Auto-Journal ou « Toutes les voitures du monde » de l’Automobile Magazine, l’étrange Alpine V6 Turbo (dite GTA, lire aussi : Alpine V6 GT) Le Mans de 1990 est restée un mystère marketing, voire un non sens automobile. Comment peut-on proposer une évolution sportive de son modèle phare, avec un nom mythique et un kit carrosserie agressif, tout en offrant moins de chevaux que le modèle de base ?

L'Alpine GTA et sa carrosserie "classique" !L’Alpine GTA et sa carrosserie « classique » !

En fait, les choses sont un peu plus compliquées qu’une simple erreur marketing. Car comme souvent, Alpine n’a pas eu les moyens de ses ambitions, et a payé cher des erreurs stratégiques qui l’ont empêché ensuite de jouer les premiers rôles. Beaucoup disent que l’erreur principale d’Alpine fut de quitter le rayon du sport de la Berlinette pour s’orienter vers les GT, rentrant en concurrence avec Porsche par exemple. Vue la nostalgie qui règne autour de l’A110 et sa côte devenue excessive, on pourrait l’admettre. Pourtant, en regardant les chiffres de production, l’idée d’une A310 plus GT n’était pas idiote. Il s’était vendu 7176 exemplaires de l’A110 en 16 ans (soit une moyenne de 448 ex par an), contre 11 484 exemplaires de l’A310 en 15 ans (soit 765 exemplaires par an en moyenne). Les chiffres prouvent qu’il existait (à l’époque) un marché plus grand pour une GT que pour une « Berlinette ». Imaginer qu’une vraie descendante de l’A110 eut fait mieux reste de l’uchronie. Persister dans la voie du GT en lançant l’Alpine GTA (V6 et V6 Turbo) restait dans la logique des chiffres.

D’ailleurs, si l’on prend les chiffres de production de la GTA (soit 6494 ex en 8 ans), on trouve une moyenne encore supérieure, avec 811 exemplaires par an en moyenne. Paradoxalement, c’est peut-être ce succès (fut-il raillé) qui perdra Alpine, du moins en partie. Il faut se remettre dans le contexte de l’époque. Renault s’investit pleinement aux Etats-Unis sous la houlette de son brillant PDG Georges Besse. Mais son assassinat, et la situation financière de Renault, changea la donne à partir de 1987. Renault avait beaucoup investi aux USA, mais Alpine aussi, pariant des ressources déjà limitées dans un succès de sa GTA outre-Atlantique (lire aussi : Alpine GTA US), notamment dans le développement d’un moteur catalysé répondant aux normes strictes américaines !

La GTA USA, un bide qui coûta une blinde à Alpine !La GTA USA, un bide qui coûta une blinde à Alpine !

Ce V6 PRV catalysé vida les caisses de l’entreprise plus sûrement que l’échec tout relatif d’une GTA finalement pas si mal placée sur le marché (le développement de la GTA US avait coûté la bagatelle de 180 millions de francs à l’époque, une somme pour Alpine). C’est dans ce contexte financier délicat (plus de budgets pour se développer et un actionnaire à sec) qu’arrive la fin de la carrière de la GTA, et le développement de l’A610 (lire aussi : A610). Pour continuer à faire vivre la GTA le temps que l’A610 soit prête, il faut trouver des astuces !

Le Mans 04

L’idée de départ était de proposer un modèle plus sportif, virilisant la ligne de la GTA. C’est en découvrant les produits de l’un de ses concessionnaires allemands, Kleinemer, que l’idée vient de lui ajouter un kit carrosserie. Le kit « Kleinemer » est acheté, puis amélioré pour cette GTA sportive déjà dénommée Le Mans. Avec un tel nom, plus de doute possible : elle sera sportive. Se pose alors la question du moteur. A partir de 1990, tous les moteurs doivent être catalysés. Impossible de conserver le V6 2,5 litres turbo de 200 ch équipant jusqu’à présent la GTA. Il y a bien le moteur de la Renault 25 V6 Turbo, qui propose 205 chevaux, mais il ne s’agit pas du même modèle PRV que celui de l’Alpine, et les modifications seraient trop coûteuses (lire aussi: Renault 25 V6 Turbo). Enfin, le futur V6 3 litres de 250 ch de l’A610 n’est pas encore prêt, ou bien se réserve au futur avion de chasse de la marque. Pour passer les normes, pas d’autre choix que d’utiliser ce que l’on a déjà, le PRV décatalysé de feue l’Alpine GTA US, qui atteindra tout de même 185 ch (contre 180 pour la version US).

Le Mans 02

Cela donne une version sportive, au look assez plaisant et modernisant vraiment la ligne de la GTA (bien qu’un poil « tuning » à l’allemande pour moi, mais c’est vraiment très léger), possédant un moteur de 20 chevaux de moins. Il est usuel de se moquer de cette GTA Le Mans à la puissance ridicule, mais prévue pour 300 exemplaires, elle se vendra finalement à 325 exemplaires jusqu’en 1991. Rappelons qu’à l’époque, Venturi est un concurrent national direct et que la marque au Gerfaut propose des modèles catalysés développant entre 200 et 260 ch, et qu’elle n’en vend pas autant (lire aussi: Venturi 260) ! Pas si mal pour la mamie en fin de carrière de 185 ch seulement ! Surtout, pour compenser le manque de puissance, un kit moteur proposé par Danielson, et faisant monter la puissance à 210 ch, était proposé par le service après-vente Renault. In fine, on pouvait disposer d’une voiture plus puissante tout en restant dans les normes. Enfin, même sans le kit Danielson, il faut vraiment être très pointu pour voir la différence au volant entre une GTA V6 Turbo et une GTA Le Mans moins puissante.

Le Mans 03

Finalement, la GTA Le Mans n’est pas une mauvaise voiture, même si on pouvait lire dans le hors-série Salon de l’Auto-Journal de 1990 : « Il suffit de jeter un coup d’oeil à l’évolution de la gamme (…) pour constater l’incapacité des hommes de la Régie qui président aux destinées du patrimoine Alpine. La V6 Le Mans, malgré l’évolution de sa carrosserie à la portée de n’importe quel accessoiriste, se voit affubler d’un V6 Turbo aux normes américaines (…). Aucune circonstance atténuante ». Pourtant, aujourd’hui, la V6 Le Mans est recherchée par les collectionneurs pour sa rareté, et son histoire un peu malheureuse. Il vous faudra plus de 25 000 euros pour dégoter la perle rare, en évitant soigneusement les fausses « Le Mans ».

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