Alpine V6 Turbo Mille Miles : le début de la fin
En 1989, l’Alpine que l’on surnomme GTA va sur ses cinq ans et, même si les ventes restent encore honorables, la tendance est à la baisse avec notamment l’arrivée d’une concurrence nationale affûtée nommée MVS, tandis qu’une certaine Porsche 911 se mue en 964 pour dominer encore un peu plus de la tête et des hanches le marché de la sportive européenne. Chez Renault, on décide de coller un sparadrap en attendant mieux, et de proposer au marché une série spéciale de la V6 Turbo, du nom de Mille Miles.
Dans l’absolu, on pourrait se dire qu’une série spéciale n’est pas vraiment une nouveauté et que les V6 GT et V6 Turbo ne sont pas si vieilles. Cependant, sur un marché de ce genre, la rareté n’est pas anodine ; les séries limitées trouvent souvent plus facilement preneur et permettent de doper un peu artificiellement les ventes, surtout lorsqu’une nouveauté se prépare. Justement, il se trouve que la remplaçante de la GTA est déjà dans les cartons, développée pour partie sur la base des GTA USA par le fameux Berex. La nouvelle A610 est attendue pour 1991 et elle reprend une numérotation plus logique, dans la suite des A110 et A310.
Le retour du blason Alpine
Là où cette Mille Miles devient intéressante, c’est qu’elle annonce le retour à une certaine tradition : adieu le losange Vasarely, place à un nouveau blason Alpine. D’ailleurs, la voiture ne porte plus que cette dernière marque, abandonnant les monogrammes Renault. Un signe non négligeable pour les amateurs : celui d’un retour en force de la marque dieppoise. Il semble qu’enfin Renault ait compris quelle pépite se trouve entre ses mains. Ainsi, en avril et en mai 1989, Renault va orchestrer le retour officiel de la marque Alpine avec cette série limitée qui profite d’anniversaires plus ou moins réels et du souvenir des participations de l’A106 à la célèbre course italienne. On fait feu de tout bois.
Au départ, une simple diversion
En réalité, la Mille Miles n’est qu’un prétexte timide à la relance d’Alpine : les yeux sont déjà braqués sur l’A610 qui s’annonce comme une tueuse de Porsche et qui profite des gros investissements consentis au flop de la GTA US. Alpine se rêve de plus en plus en GT en oubliant son passé lié à la berlinette. D’ailleurs, la Mille Miles est dans cette veine-là : reprenant intégralement la base technique de la V6 Turbo, elle s’en distingue uniquement par l’ajout “en série” de ce qui est à l’origine en option sur le modèle standard, notamment l’ABS et même la climatisation sur les 20 derniers exemplaires produits.
Une V6 Turbo toutes options
Côté moteur, on conserve donc le V6 PRV de 2 458 cc développant 200 chevaux, de quoi concurrencer l’entrée de gamme du concurrent MVS (la Venturi Cup 221) mais la marque choletaise présente au même moment la Venturi 2.80 SPC dont le PRV est, lui, porté à 260 chevaux. L’Alpine se retrouve larguée par la nouvelle concurrence, sans même parler de la 911 “964” qui progresse elle aussi à tous points de vue. Mais à Dieppe, il faut tenir coûte que coûte, le temps que l’A610 vienne mettre tout le monde d’accord (croit-on).
La Mille Miles est donc lancée en mai 1989 et sera produite jusqu’en janvier 1990, à hauteur de 100 exemplaires précisément (dont un sera conservé par Renault). À cette date apparaît la V6 Turbo Le Mans qui s’offre un kit carrosserie plus moderne (et assurant la transition vers la nouvelle A610) mais perd des canassons avec la catalysation (185 chevaux), sans chercher à en tirer un meilleur rendement pour ne pas concurrencer la Renault 25 V6 Turbo et ses 205 chevaux. Grave erreur marketing qui ne sera compensée qu’à la fin par la commercialisation d’un kit Danielson permettant de repasser à 210 chevaux.
100 exemplaires seulement
Bref, la Mille Miles était censée annoncer le renouveau d’Alpine mais sans s’en donner vraiment les moyens, la Le Mans parachevant un travail bâclé. Finalement, au lancement de l’A610, il est trop tard : les équipes sont démotivées, la clientèle a fui à droite ou à gauche, et celle qui aurait dû relancer la marque sera la dernière de cette première ère, s’éteignant en 1995. Il faudra attendre 2017 pour voir une nouvelle A110 surgir sur le marché, revenant au concept de la berlinette.
Quelqu’un en veut ?
Vouloir à tout prix une Mille Miles ne sera sans doute pas votre objectif, mais gardez en tête que cette série existe : au milieu des petites annonces, vous pourriez bien tomber sur l’un des 99 exemplaires vendus aux particuliers et présenté sans doute comme une vulgaire V6 Turbo. Si l’on y réfléchit bien, elle n’est intéressante que par l’histoire qu’elle raconte, son équipement complet, ainsi que son logo Alpine et non Renault !