Volvo 960 et S/V90 : construites pour durer
Grand volume de chargement, 6 cylindres, une suspension évoluée, une certaine idée bourgeoise du luxe, un look bien carré et une fiabilité toute suédoise : telles sont les qualités de la Volvo 960, perchée en haut de la gamme du constructeur de Göteborg dans cette époque troublée d’une fusion ratée avec Renault. Une voiture idéale pour être un daily driver aujourd’hui, encore dans les limbes de l’occasion malgré son étiquette de youngtimer. Retour sur cette grande berline oubliée à peine 20 ans après sa retraite.
Dans les années 80, Volvo a transformé l’essai, conservant les qualités intrinsèques de ses “chars d’assaut” de la série 200 (notamment la célèbre 240) mais en montant discrètement en gamme avec la confidentielle mais remarquée 262C dessinée et produite chez Bertone, puis le duo 740/760 et leur dérivé coupé, la 780. Depuis les années 70, Volvo s’est associé à Peugeot et Renault pour disposer d’un V6 dit PRV, mais les années 80 voient l’étude d’un nouveau moteur, un 6 cylindres en ligne spécifique.
Un nouveau haut de gamme
Comme avec la série 700, la série 900 sera double : plus accessible, plus populaire et moins sophistiquée, la 940 se contente de 4 cylindres (comme sa dizaine le laisse imaginer) sauf en diesel (avec le 6 cylindres 2,4 litres turbo d’origine Volkswagen) ; la 960, elle, s’offre la crème de la crème avec le nouveau L6, tout alu, 4 soupapes par cylindre, double arbre à cames en tête, 2,9 litres de cylindrée et 204 chevaux, rien que ça (ce moteur sera aussi la base des 5 cylindres que l’on trouvera sur la 850 mais aussi sur la Safrane de Renault). Tandis que Peugeot et Renault se traînent encore le vieux PRV (certes passé en 24 soupapes sur la Peugeot 605 SV-24 et la Citroën V6-24, ou au Turbo sur la Renault 25 puis la future Safrane, mais relativement ancien).
En réalité, le nouveau haut de gamme 960 usurpe un peu son titre : elle s’offrira des 4 cylindres sur certains marchés hostiles aux grosses cylindrées, comme le Portugal ou l’Italie (ce qui nous donnera chez BMW une étonnante et rarissime 320iS, et chez Volvo, des 960 2 litres turbocompressés de 190 chevaux). Globalement pourtant, la 960 n’est disponible qu’en 6 cylindres à sa sortie en 1990. Mieux, l’offre moteur s’agrandira en 1994 à l’heure d’un premier restylage avec une nouvelle version de 2,5 litres de cylindrée et 170 chevaux.
Succès américain
N’allons pas trop vite cependant, et revenons à sa ligne. On peut dire avec la 960 (et son pendant 940) que Volvo appliquait déjà la recette BMW (une ligne évoluant par petites touches) et qu’Audi s’appropriera par la suite. Plus consensuelle que les 740/760, elle n’en garde pas moins le style si caractéristique des Volvo depuis le succès de la série 200. Mais entre temps, la bête de somme s’est transformée : avec le succès sur le marché américain du style “déménageurs suédois”, la marque suédoise s’est inscrite dans une montée en gamme obligatoire. La 960, fleuron de la gamme, s’offre donc tous les raffinements de l’époque.
Elle reste bien entendu une propulsion (ce sera la dernière cependant) mais elle reçoit une suspension évoluée à l’arrière : essieu arrière multibras et correcteur d’assiette font le job là où la 940 se contente d’un essieu arrière rigide. A l’intérieur, noblesse oblige, le cuir, la clim ou les fauteuils électriques chauffants complètent la panoplie, comme sa rivale suédoise de l’époque, la Saab 9000.
En 1996, le nom change (S90 pour la berline, V90 pour le break) mais la voiture reste relativement identique.Une carrière honnête et discrète
Tranquillement, et malgré l’échec de la fusion avec Renault, la 960 poursuit sa petite carrière. Certes, l’heure n’est plus aux grandes berlines, et les ventes sont forcément moins importantes que les 760, mais la 960 rencontre discrètement son public, notamment suédois et nord-américain, mais aussi chez les européens anti-conformistes et sans doute rebutés par l’image parfois “m’as-tu-vu” des allemandes à l’étoile ou à l’hélice. Seule Audi à l’époque rivalise de discrétion bourgeoise avec sa très réussie A8 (avant de tomber dans les travers des marques teutonnes).
En 1996, Volvo décide de réorganiser sa nomenclature parfois incompréhensible : exit les 460 (évolution de la série 300), 850 et 940/960, place aux S/V40, S/V70 et S/V90. Vous imaginez bien que la S/V90 n’est autre que notre 960 simplement reliftée pour deux ans, le temps qu’une nouvelle grande berline, la S/V80, ne prenne la place en haut de la gamme.
Aujourd’hui, une 960 se négocie comme une occasion, en fonction du kilométrage et de l’état, mais sans cote ni surcote. Végètent avec elle d’autres grandes berlines comme la Saab 9-5, futurs collectors pour l’instant délaissés. Pour le prix d’une citadine d’occasion, vous pouvez vous offrir le grand luxe, l’espace, le multicylindre et l’impression de sauver la planète en luttant contre l’obsolescence programmée.