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Volvo 850 : la traction du renouveau

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 06/03/2018

Dans les années 80, Volvo présentait un drôle de profil. La vénérable maison suédoise réussissait l’exploit d’être relativement audacieuse avec son étonnante 480 (lire aussi : Volvo 480), passe-partout avec sa gamme 340/360 issue du constructeur batave Daf (lire aussi : 340/360), consensuelle avec les 740/760 (lire aussi : 740/760) et presque nostalgique avec le maintien dans la gamme de la très carrée 240. Aussi, les arrivées coup sur coup des 440/460, faisant passer le milieu de gamme à la traction en 1988, et des 940/960 en 1990, avec le L6 modulaire (« adieu PRV, on t’aimait bien ») qui donnera naissance à un fameux 5 cylindres, laissaient présager une entrée dans la modernité concrétisée par le lancement de l’excellente 850 en 1991.

La 850 était véritablement stratégique pour Volvo. Il s’agissait de mettre en pré-retraite deux gammes, la 240 d’un côté et la 740 de l’autre (pré-retraite car ces modèles resteront cependant en production quelques temps, jusqu’en 1992 pour la 740 et jusqu’en 1993 pour la 240), d’innover, d’entrer dans la modernité, tout en conservant un ADN très Volvo : la quadrature du cercle en quelque sorte. Pourtant, les équipes suédoises allaient remplir le contrat avec brio. D’abord par son dessin signé Jan Wilsgaard : tout en conservant l’allure très classique et immédiatement reconnaissable des Volvo précédentes, la 850 s’offrait une robe pourtant très moderne. Renouveler un genre sans le dénaturer n’est pas donné à tout le monde, or cette nouvelle berline et surtout sa déclinaison break arrivait à paraître dans la continuité tout en ringardisant ses devancières. Chapeau.

La modernité ne s’exprimait pas que par son design, mais aussi par le passage à la traction avant. Aujourd’hui, on regrette les propulsions (sans doute parce que les progrès de l’électronique les ont rendues plus simples à conduire) mais à l’époque, le must pour une tenue de route plus sûre, c’était bien la traction. Volvo avait inauguré ce passage avec la 480 en 1986, puis avec les 440/460 en 1988, mais n’avait pas encore sauté le pas sur ses grandes berlines. Avec la 850, c’était chose faite, et si l’on excepte les anecdotiques 240/740 en fin de vie, ne restait plus que le haut de gamme 940/960 à conserver la propulsion.

La 850 proposait aussi une suspension des roues arrières indépendante, un système appelé Delta Link, là ou les 740/760 n’offraient qu’un essieu arrière rigide. La traction et une suspension arrière moderne permettaient à la 850 d’améliorer considérablement sa tenue de route, mais la vraie nouveauté se trouvait en fait sous le capot. Le nouveau L6 était réservé au haut de gamme 960, mais sa conception modulaire permit d’en dériver une version 5 cylindres qui deviendra la marque de fabrique de la 850, jusque dans le 5 de sa numérotation. Quelle bonne idée avait eu Volvo. Pas de 4 cylindres d’origine Renault, trop populaires et réservés à la gamme du dessous (440/460), pas de V6 pour ne pas cannibaliser la grande 960, et donc un juste compromis entre noblesse mécanique, agrément de conduite et distinction.

A son lancement, la 850 ne proposait qu’un seul moteur, le 5 cylindres 2.5 litres 20 soupapes de 170 chevaux. Une puissance déjà plus que convenable pour l’époque, d’autant que la voiture était relativement légère (entre 1348 et 1455 kg en fonction des modèles), et surtout une mélodie typique du 5 pattes bien agréable (un moteur que l’on retrouvera quelques années plus tard sous le capot de la Renault Safrane, lire aussi : Renault Safrane). Dans cette configuration, la 850 était clairement haut de gamme, et pour élargir la clientèle, Volvo proposa dès 1992 une nouvelle version du 5 cylindres, toujours à 20 soupapes mais à la cylindrée réduite à 2 litres, pour 143 chevaux.

En 1993, la 850 a déjà redonné des couleurs à Volvo, alors même que la version break pointait tout juste le bout de son nez. Le succès de la dernière berline suédoise rendait alors moins indispensable la fusion en préparation avec le français Renault. Bien des raisons conduisirent à l’échec des négociations entre les français et les suédois, mais le regain de forme de Volvo grâce à la 850 y contribua certainement (lire aussi : l’échec de la fusion Renaul/Volvo). La sortie du break cette année-là ne fit que renforcer ce sentiment.

La T5, en version berline ou break, proposait déjà 225 chevaux

En 1994, Volvo fit sa révolution. Malgré des participations régulières en sport automobile, la marque n’avait jamais été considérée comme véritablement sportive. En présentant la T5, équipée du 5 cylindres Turbo de 2.3 litres et 225 chevaux, et en engageant avec TWR des 850 dans le BTCC, Volvo s’offrait une autre image à moindre coût. La première année de compétition fut symbolique (avec une 13ème place) mais relevait du génie marketing : en engageant une version break, les retombées médiatiques furent retentissante. Pour 1995 et 1996, on préféra pourtant revenir à la berline, qui, équipée du même 5 cylindres 2 litres Turbo porté à 290 chevaux, s’adjugea deux fois de suite une étonnante 3ème place au championnat.

Volvo fit une merveille de com’ en engageant le break en 1994 dans le BTCC, remplacé par la berline dès 1995

La T5 dans sa version civile fit beaucoup pour l’image de la 850. Avec quelques signes distinctifs relativement discrets, elle permettait aux papas pressés de concilier conduite sportive et espace pour sa progéniture, particulièrement en version break. Alors que la gamme s’élargissait vers le bas en 1994 avec le 2.3 20 soupapes atmo de 144 chevaux, et en 1995, avec une version 2 litres à 10 soupapes (126 chevaux) ou 2.5 litres 10 soupapes (144 chevaux), Volvo (avec l’aide de Porsche) lançait en 1995 une série limitée à 2500 exemplaires, la T5-R, version « boostée » de la T5 classique.

La T5-R, dans sa version break et sa livrée jaune spécifique (et osée, pour une Volvo)

La petite différence entre la T5 et la T5-R se jouait sur l’overboost offrant 15 chevaux supplémentaires durant 30 secondes, portant la puissance temporairement à 240 chevaux. Une évolution à moindre coût certes, mais qui contribua à l’aura grandissante du modèle. Surtout, elle n’était proposée qu’en 3 couleurs, jaune, noir ou vert (le jaune est aujourd’hui la couleur la plus recherchée, car exclusive à ce modèle). Mais n’allez pas croire que toutes les T5-R offraient cette délicate attention de l’overboost : les versions automatiques s’en passaient, restant au même niveau (225 ch) qu’une T5 classique. Enfin, la version italienne équipée de la déclinaison 2 litres utilisée en BTCC pour des raisons fiscales, ne développait quand à elle que 225 chevaux (la T5 « classique » italienne, avec le 2 litres, développait déjà une puissance réduite à 211 chevaux).

La T5-R commence à être recherchée, optez donc pour la berline moins courrue

Si la T5-R fut présentée comme une série limitée à 2500 unités, le succès fulgurant de ce modèle entraîna une production réelle plus large, avec un total de 6964 exemplaires sortis des chaînes (dont 914 modèles italiens de 2 litres, et seulement 92 exemplaires vendus en France). Ce fut ce succès qui poussa Volvo à proposer dans la gamme une 850 R dès l’année suivante, en 1996. Cette fois-ci, point d’overboost, mais une puissance maxi de 250 chevaux en boîte manuelle, 240 en boîte automatique (et seulement 225 chevaux pour la version italienne). Environ 7000 exemplaires de la R seront produits jusqu’à la l’automne 1996 et le passage à la dénomination S70/V70.

La R, plus puissante mais moins mythique que la T5-R

Pour cette dernière année de commercialisation sous le nom de 850, on verra apparaître aussi une version diesel, récupérant au passage un 5 cylindres Audi (histoire de rester dans la thématique du 5), un TDI de 2.5 litres et 140 chevaux. Une éphémère 850 AWD (uniquement disponible en break, et produite à 2021 exemplaires) sera disponible fin 96, équipée du nouveau 2.5 Turbo de 193 chevaux lancée en début d’année.

A l’automne 1996, lorsque les S70/V70 remplacèrent les 850 sur les chaînes, 716 903 exemplaires avaient été produits. Pas mal pour un produit relativement cher et plutôt premium. Aussi, aujourd’hui on en trouve plutôt régulièrement, encore considérés comme de l’occasion, sauf dans le cas des T5-R, et des R. Une bonne option serait de se concentrer vers les T5 plus courantes (mais qui commencent aussi à coter) voire sur un 170 chevaux largement suffisant. A vous de voir, mais cette voiture a encore largement sa place dans la circulation moderne, et offre des éléments de sécurité passive tout à fait au niveau.

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