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Renault Supercinq (Super 5) : quand Renault faisait du BMW

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 31/10/2020

Comment ça, du BMW ? Oui Môssieur, et encore aurais-je pu dire de l’Audi puisque la Supercinq se la jouait finaude, améliorant le dessin presque parfait de la Renault 5 première du nom (qui restera son nom officiel, quelle que soit la génération). Supercinq, Super 5, R5 ? Renault n’a jamais été définitif sur l’appellation réelle de cette Renault 5 améliorée et subtilement redessinée par Gandini. Une chose est sûre : comme les marques allemandes un peu plus tard, il s’agissait de capitaliser sur le passé tout en entrant discrètement dans la modernité. Force est de constater que le travail feutré du carrossier/styliste italien s’avéra payant puisque l’identité de la R5 de 1972 resta bien présente sous une robe plus moderne : la Supercinq (ou Super 5, voire Renault 5 de deuxième génération).

Je sais d’avance que les obtus de la bagnole objecteront tout de suite que la Supercinq (appelons-la comme cela, ce sera plus pratique) n’a aucun intérêt hormis sa déclinaison vitaminée GT Turbo : “Père, pardonne leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ” (Luc 23,34) — ou ce qu’ils disent en réalité, ce serait plus juste. Ceux qui pensent que ne se collectionnent que les versions sportives oublient (volontairement ou non) les déclinaisons “spécifiques” de la Supercing : Supercabrio de chez EBS, Belle-Île de chez Gruau (ex Car Sytème), Baccara (un amour de concept), et même, tout bêtement, GTX. Et quand bien même, ils oublient aussi la force de cette voiture qui, contrairement à la 205 défonçant tout sur son passage en faisant table rase du passé et d’une 104 finalement fade (sauf peut-être dans ses versions ZS et ZS2), revisitait son histoire récente pour offrir une nouvelle mouture avec la force tranquille (copyright Mitterrand 88) d’une marque fière de son passé.

Renault Supercinq vs Peugeot 205

En réalité, faire la Supercinq était la meilleure voie à suivre pour Renault à cette époque-là. En 1983, Peugeot sortait l’as de sa manche avec la 205, tandis que la Renault 5 affichait ses 11 ans de carrière. Qui aurait pu prévoir un tel séisme sur ce segment ? Il faut croire qu’acculé, on réagit mieux. Toujours est-il que Renault n’a, à mon sens, pas vu venir le coup et vouloir “rénover” la 5 plutôt que de sortir un vrai nouveau modèle était très risqué. Avec le recul (et les chiffres devant les yeux), autant dire qu’ils ont sauvé leurs miches in extremis. L’erreur ne sera plus commise : la Clio sera par la suite une voiture entièrement nouvelle, reniant tout héritage (du moins direct) avec la 5 — rien que son nom, plutôt qu’un chiffre, permet de comprendre le virage pris par Renault… 

Revenons à notre Supercinq. Malgré ce que je viens de dire, la politique de Renault n’est pas totalement idiote : l’arrivée de la 205 est certes compliquée. La 104, jusqu’alors (pas plus que la LN/LNA) n’avait pas réussi à tailler des croupières sérieuses à la 5. La 205 s’annonçait (on le savait chez Renault) mais il semblait — à raison — que la 5 avait de l’avance et qu’une refonte moderne suffirait. Gandini à la baguette réussira à transformer une bouille des années 70 en une gueule des années 80. Croyez-moi, ce qui semble le plus simple est en général le plus compliqué. Avec la Supercinq, on reconnaît immédiatement la 5 mais on est directement dans une autre décennie ! Chapeau.

Entre les quatre constructeurs français (Peugeot, Citroën, Talbot et Renault), les stratégies divergent : chez PSA, on joue d’abord la continuité avec la Talbot Samba qui modernise (à la manière de la Supercinq ?) le concept des 104 et LNA avant de jouer son va-tout avec la 205 (1983) puis l’AX (1986), la Peugeot se concentrant sur le statut social (et la variété de sa gamme, de la GTI à la Cabriolet, en passant plus tard par les séries spéciales Indiana ou Roland Garros, entre autres) tandis que l’AX jouait sur un autre tableau (légèreté, économie et tarifs bon marché). Chez Renault, on décide de capitaliser sur l’image encore très forte de la 5 (rappelez-vous, à la fin des années 80, personne ne s’offusquait d’être récupéré à l’école avec une 5 pourtant dépassée).

Une stratégie différente

Lancée en 1984 (soit une année après la 205), la Supercinq s’offre tout de même la couronne de voiture la plus vendue en France en 1986, 1987, 1988 et 1989 (sachant que la Clio arrive en 1990). Chez Peugeot, on a dû l’avoir mauvaise alors qu’en cette fin des années 80, l’offensive contre la Renault 25, avec la 605 d’un côté et la XM de l’autre, ressemble à un pétard mouillé. Heureusement, la 405 s’avère plus séduisante que la 21 (même si l’écart est minime) et, à l’export, tout va bien. PSA s’est sorti de la galère due au rachat de Chrysler Europe et à la crise pétrolière de 1979 grâce à des modèles innovants (BX, 205, 405 essentiellement) tandis que Renault, dans une mouise aussi importante au milieu des années 80 (pertes démentielles, fiasco américain, assassinat de Georges Besse) consolidera sa gamme avec une 9 et une 11 très consensuelles et une Supercinq très “classique”. Dans le même temps, deux petits miracles arrivent : une Renault 25 sans concurrence ou presque (la 604 et la Solara en fin de carrière, tout comme la 505, les 605 et XM n’arrivant que tardivement) et Supercinq “superrésistante” (“pas de chichi, appelez moi Super”).

Parlons donc de cette Supercinq : du recyclage à bon escient… Du Cléon-fonte (datant de la Floride et de la Renault 8) en veux-tu en voilà, et le moteur F aussi, en diesel essentiellement, mais aussi sur les “haut de gamme” GTX et Baccara en essence (90 chevaux) ; une GT Turbo jouant du décalage avec son “turbal” plutôt que 16 soupapes (les Clio 16s puis Williams abandonneront le truc au moment où la Safrane s’offrait un Biturbo, bizarre). On pourrait croire que la Supercinq n’est qu’un restylage de la Renault 5 : et pourtant, la plateforme dérive de celle des R9 et R11 tandis que la 5 s’offrait le fabuleux châssis de Renault 4. 

Vendre 3 463 550 exemplaires entre 1984 et 1996 (oui, la Supercinq resta en entrée de gamme longtemps après la sortie de la Clio) d’une voiture singeant la 5 mais s’offrant les soubassements des 9 et 11, jouant la continuité stylistique grâce à Gandini, faisant un pas de côté avec le turbo, innovant avec le luxe accessible (Baccara), autant de raisons de s’intéresser à la Supercinq qui, à mon sens, a autant à voir avec les années 80/90 que la 205 !


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