Renault-Saviem VAB : le vieux chameau fête ses 40 ans en 2016 !
Si la première expérience motorisée du troufion arrivant pour la première fois à la gare, son invitation à servir sous les drapeaux à la main, se faisait la plupart du temps à bord d’un TRM 2000 sommairement bâché (ce qui, par un mois d’octobre pluvieux, donne un avant goût des mois à venir, lire aussi : TRM 2000), et si la vie de tout les jours le faisait fréquenter plus sûrement la Peugeot P4 (lire aussi : Peugeot P4), il lui arrivait pourtant souvent, tout au long de ses douze mois de service, de monter dans les entrailles de la bête de somme de l’armée française, j’ai nommé le VAB.
Pour quelqu’un de familier de la chose militaire, il n’est pas nécessaire d’expliquer ce qu’est un VAB. Tout de suite, les souvenirs visuels remontent : sa gueule de bouledogue, sa ligne trapue, ses flancs biseautés et ses gros pneumatiques. Ca y est, vous le remettez tout de suite. L’odeur, et la chaleur reviennent aussi, le mal de dos sur ces sièges solidaires au plancher qui vous font remonter toutes les nids de poule, ce bruit du 6 en ligne diesel… En quelques secondes, vous vous retrouvez en treillis cam’, le Famas au ventre, le casque lourd à la tête et la musette au dos, contraint à aller crapahuter par un temps de cochon !
Un autre prototype du VABSi le VAB (Véhicule de l’Avant Blindé) a marqué autant de générations d’appelés et de militaires de carrière, c’est qu’il s’agit d’un véhicule à l’étonnante longévité (il fêtera ses 40 ans de carrière en 2016), multitâche, rustique, autant détesté que vénéré, et qui aura connu toutes les OPEX (Opérations extérieures), tous les climats et tous les dangers (Irak, Yougoslavie, Afghanistan, Mali, Centrafrique).
Le VAB est né de la volonté de l’Etat Major de doter l’Armée de Terre d’un engin assurant une protection nouvelle aux troupes censées se trouver « au contact ». Jusqu’alors, logistique, soutien, transport de troupe, transmission ou infirmerie étaient assurés par des camionnettes dites « tactiques » peu protégées pour les zones de combats. Il fut décidé de commander un véhicule blindé à roue, apte à toutes ces missions, et dotée d’une protection NBC (Nucléaire, Bactériologique et Chimique). L’appel d’offre fut lancé en 1970, et deux constructeurs français se lancèrent dans la compétitions : Saviem (filiale de Renault, associée à Creusot Loire) et Panhard. La proposition M4 de Panhard fut refusé, et Saviem se vit confié le marché.
Un VAB dans l’hiver de SarajevoLe VAB de Saviem fut présenté à l’armée française avec 5 prototypes, 3 en version 4×4 et 2 en version 6×6. Le choix fut validé en 1974. La particularité du VAB était qu’il réutilisait un maximum de pièces issus des poids lourds Saviem, simplifiant la maintenance et la formation des personnels, et qu’il disposait de capacité amphibie (grâce à deux hydrojets). Il commencera à équiper l’armée française à partir de 1976. En tout 3975 exemplaires seront livrés, en de multiples versions et améliorations (23 versions différentes équipent l’Armée de Terre encore aujourd’hui, toutes en version 4×4), prolongeant la fabrication jusqu’en 2015, puisque les 20 derniers VAB Ultima ont été livré cette année. Equipé à l’origine d’un 6 cylindres en ligne diesel Renault de 220 ch, il recevra dans ses versions les plus récentes un nouveau L6 de 320 ch : il faut dire que les améliorations de blindage successives lui ont fait sévèrement prendre du poids, à ce Chameau (petit nom affectueux du VAB).
Des VAB dans la chaleur de l’AfghanistanA partir de 1984, l’exportation commença à se développer (essentiellement en version 6×6), et plus de 800 exemplaires du VAB furent livrés au Maroc (le plus gros client avec 300 exemplaires), mais aussi au Sultanat d’Oman, au Liban, au Congo, à la Côte d’Ivoir, à la Centrafrique, à Chypre, au Sultanat de Brunei, à l’Albanie, à l’Indonésie, au Qatar, à la Mauritanie et aux Emirats Arabes Unis. Un vrai succès commercial !
Une version 6×6 du Sultanat d’Oman !Malgré son grand âge, le VAB est resté dans le coup (surtout grâce aux différentes remises à niveau). D’ailleurs, à le voir, on ne lui donnerait pas 40 piges. Bien sûr il a des défauts, et du matériel plus moderne serait le bienvenu (son remplaçant, le VBMR, connu sous le nom de Scorpion, doit rentrer en service en 2018), mais certaines qualités insoupçonnés se sont révélées lors des engagements notamment en Afghanistan : sa carrosserie «concave » dessinée pour améliorer ses capacités amphibies l’ont rendu moins sensible aux IED (engins explosifs artisanaux posés sur la routes par les insurgés), tout comme sa légèreté (faisant s’envoler l’engin plutôt que d’exploser sous le souffle de la bombe).
Un VAB dans sa livrée ONU !Bref, notre bon vieux VAB, qui aura tout connu des guerres de la France de ces 40 dernières années va tirer sa révérence en 2020 (si tout se passe comme prévu, ce qui n’est pas gagné). C’était donc l’occasion de lui rendre un petit hommage, lui rappeler qu’on l’a bien aimé quand même, avec sa gueule renfrognée. Et si l’envie vous prend de vous payer un peu de votre jeunesse, sachez qu’il commence déjà à se trouver sur le marché de l’occasion : j’ai trouvé pour vous une version 6×6 à vendre pour 50 000 euros. Alors tentés ?
Images: Chars-francais.net (www.chars-francais.net) pour les prototypes, Ministère de la Défense, ECPA-D.