Renault 8 : tête au carré et sac à dos
Ah la « R8 », tout un poème ! Reconnaissable entre toutes, avec son moteur au cul (le fameux sac à dos) et son dessin simpliste (deux rectangles à chaque bout d’un autre rectangle) mais plus travaillée qu’il n’y paraît (le maître Charbonneaux se pencha sur son cas, nous le verrons, alors qu’il avait le vent en poupe avec les camions Bernard, lire aussi : Camions Bernard), la Renault 8 laissera un souvenir impérissable aux apprentis pilotes, y compris dans ses versions de base. Pas besoin d’une S ou d’une Gordini pour s’amuser à son volant.
Avec la 8, il s’agit de remplacer tout bonnement la Dauphine lancée en 1956 et qui survivra pourtant quelques années. C’est d’ailleurs sur sa base que la R8 sera conçue, conservant l’architecture « à moteur arrière ». Mais pour le reste, elle reçoit un tout nouveau moteur dit « Sierra » mais plus connu aujourd’hui sous le nom de Cléon-Fonte, un moteur qu’on retrouvera sur les dernières Super Cinq, les Express (lire aussi : Renault Express) et surtout les Twingo (lire aussi : Renault Twingo). Ce moteur de 956 cm3 développait 44 ch DIN dans sa version de base (R1130).
Le dessin avait d’abord été confié à une officine italienne, mais les premières ébauches ne rencontreront pas le succès au sein de la RNUR (Régie Nationale des Usines Renault). C’est donc à Gaston Juchet (styliste maison) et Philippe Charbonneaux (qui travaillait en free lance) que fut confiée la tâche de rattraper le coup. C’est au plus simple qu’ils iront, avec cette voiture très carrée. Mais le simple, le sobre, c’est parfois le plus dur à réaliser. Certains détails (comme le capot avant) montrent d’ailleurs une certaine recherche stylistique. La 8 était en tout cas bien dans son temps, et d’autres voitures contemporaines ou presque se baseront sur les mêmes principes simples (Fiat 124, Simca 1000, lire aussi : Simca 1000 Rallye Basty).
Lancée en 1962, la Renault 8 va monter en gamme en 1964 avec une version de luxe (enfin, on se comprend) dénommée Major, dont le Cléon-fonte est porté à 1108 cm3 et 50 ch (R1132). Cette première version Major ne durera pas longtemps puisqu’en 1965, elle disparaîtra du catalogue pour laisser place à la Renault 10, version plus luxueuse et recarrossée de la 8 (j’en reparlerai). Il faudra attendre 1968 pour revoir l’appellation Major. Cette même année, le 956 cm3 disparaît pour laisser définitivement la place au 1108 cm3.
En octobre 1964, une petite bombe est présentée au Salon de Paris. Passée entre les mains du sorcier Amédée Gordini, la 8 se voit affublée du 1108 cm3, mais dont la puissance est portée à 77,5 ch DIN (à cette époque, ça compte les ½ chevaux) sous le sobriquet de R1134. Avec elle, un mythe est né, que jamais la Renault 12 n’arrivera à effacer (lire aussi : Renault 12 Gordini). Surtout qu’en 1966, le 1108 est remplacé par un 1255 cm3 offrant 88 ch DIN (R1135). Si l’on parle en chevaux SAE, cela nous en fait 103 : la barre symbolique des 100 était franchie. Entre 1964 et 1970, ce sont 11 607 exemplaires « Gordini » qui seront produits (2626 R1134 et 8981 R1135).
Si la Gordini a marqué les esprits et fait fantasmer de nombreux petits ou grands garçons, elle reste relativement chère pour une bonne partie de la population. Renault décide donc en 1968 d’offrir aux sportifs en herbe une version « sportive » plus accessible : la 8 S (S pour sport, vous l’aurez compris). Elle récupère les 4 phares de la Gord’, mais son 1108 cm3 n’offre que 60 ch. C’est toujours plus qu’une 8 de base, mais loin des performances des sportives bleues à bandes blanches. Elle recontrera en tout cas un certain succès puisque près de 61 000 exemplaires de cette R1136 se vendront jusqu’en 1971.
Dès 1963, la Renault 8 sera fabriquée en Espagne, chez Fasa (qui deviendra Fasa-Renault, filiale de la RNUR), et ce jusqu’en 1977, quand sa carrière française s’arrêtera définitivement en 1972. Elle fut aussi fabriquée un peu partout dans le monde sous le logo Renault : Venezuela, Mexique (lire aussi : Dinalpin), Australie, Canada (lire aussi : Soma: quand Renault fabriquait au Canada), Maroc, Algérie, Afrique du Sud (et notamment la sportive Alconi dont je vous reparlerai bientôt), Australie ou Nouvelle Zélande. Elle sera aussi fabriquée sous la marque Dacia pour une courte période, en attendant la R12 (lire aussi : Dacia 1100), et Bulgarrenault en Bulgarie, aux côtés d’étonnantes Bulgaralpines (lire aussi : Bulgarrenault et Bulgaralpine).
Au total, le duo 8 et 10 sera fabriqué à 1 316 134 exemplaires, un chiffre tout à fait honorable bien qu’éloigne des 2 millions de Dauphine. La faute à l’offre élargie de Renault, avec la 4 en dessous (dès 1961) et la 16 au dessus (à partir de 1965). Aujourd’hui, les 8 (plus que les 10 relativement disgracieuses) sont de plus en plus recherchées. Les Gordini commencent à devenir inaccessibles : rabattez vous donc sur une S, ou une belle Major : vous replongerez aussitôt en enfance avec un plaisir non dissimulé.