Renault 4 Bertin : une Smart avant l'heure
Ah Jean Bertin… un inventeur comme on en fait plus aujourd’hui, sorte de Géo Trouvetou français, la gueule de canard en moins ! Tout ce qui touchait à la mécanique et aux transports l’intéressait, sans exclusive. Et malgré son implication dans LA grande invention qui porte encore son nom, l’Aérotrain (lire aussi : Bertin Aérotrain), l’homme ne cessait de réfléchir à la mobilité, avec les moyens de son temps. Avec à la clé la Smart des sixties, la Renault 4 Bertin, qui ne verra jamais le jour autrement qu’en prototype unique, immatriculé s’il vous plaît.
Si Bertin s’occupait de grande vitesse, persuadé que l’Aérotrain rapprocherait les villes de façon incroyable (ce qui aujourd’hui, nous paraît évident, avec cependant une autre technologie, celle du TGV, son concurrent), et servirait même de transport en commun péri-urbain, il n’en oubliait pas moins la mobilité personnelle. Son constat était simple : le développement de l’automobile entraînait une augmentation des embouteillages, une pénurie de place de stationnement, alors que la majorité des véhicules n’emportaient pas plus de deux personnes.
Son idée ? Offrir un petit véhicule pratique à deux places conservant les qualités dynamiques et de performance d’un véhicule plus volumineux, sans tomber dans la « minicar » façon Comtesse par exemple (lire aussi : Mini Comtesse).
Pour cela, Bertin va se servir d’une base bien à la mode en cette fin des années 60 : une Renault 4 L, dans une version d’occasion de 1965 ! Sous le capot, le 4 cylindres d’origine, de 743 cm3 et 32 chevaux (SAE) faisait toujours le job, mais cette fois-ci accolé à une boîte 3 vitesses seulement (adaptée à la ville, son terrain de prédilection) permettant tout de même un 110 km/h pas négligeable alors que les voies sur berge, le périphérique et les autoroutes commençaient ou allaient voir le jour : un véhicule urbain donc, mais pas ridicule sur route non plus.
A moteur identique, capot moteur de même longueur que l’originale, mais à partir du pare-brise, gros changement puisque la voiture perdait en tout 62 cm ! Ce rabotage à l’arrière, éliminant les deux places et deux portes arrières, explique l’impression de déséquilibre de la voiture devenue très « cartoon » !
A l’origine, la Bertin reprenait l’accastillage intérieur (et quelques détails extérieurs) d’une Renault 4 La Parisienne, anticipant le côté un peu luxueux et bourgeois des petites citadines chics d’aujourd’hui. En fait, en y réfléchissant bien, il s’agit ni plus ni moins que d’une Smart avec 30 ans d’avance. Présentée en 1969 au salon de Paris, elle fera sensation sans connaître de descendance de série.
Il aurait sans doute fallu améliorer le concept, le travailler un peu plus qu’un simple dérivé de R4, pour convaincre un grand constructeur comme Renault (ou d’autres). Or à cette époque, Jean Bertin était en plein dans son activité d’Aérotrain, soutenu par un Pompidou récemment élu président de la République. Le tronçon test près d’Orléans (celui que nous connaissons tous) sortait de terre, et notre ami ingénieur avait trop à faire pour s’occuper de sa petite 4L !
L’Aérotrain sera un échec, et Bertin atteint d’un cancer, s’éteindra en 1975. La Renault 4 qui portait son nom sera conservée par sa veuve. Elle sera finalement restaurée grâce à Renault Patrimoine (devenu Renault Classic) et au Lycée Bugatti de Mulhouse, puis exposée à la Cité de l’Automobile au milieu de la Collection Schlumpf où j’ai pu l’apercevoir récemment. Elle est désormais roulante, et d’autant plus qu’avec son immatriculation obtenue en 1969, elle peut sortir sur route ouverte ! Elle n’est malheureusement pas à vendre, mais il existe quelques doux dingues qui tentent ou ont tenté d’en faire des répliques : à vos disqueuses !