Peugeot Pars : petite histoire de la 405 iranienne !
En 1988, mon père se faisait un petit plaisir : il s’achetait une voiture neuve, une Peugeot 405 SR (lire aussi : La 405 SR de mon père): j’en garde un souvenir ému, tellement j’étais fier de cette nouvelle voiture, dans sa couleur bordeaux (plutôt déroutant comme choix aujourd’hui, mais à l’époque, c’était la classe). Depuis 1996, les 405 ne sont plus fabriquées en France, mais restent encore produites en Iran, contre vents et marées. Mieux, une version « restylée » l’accompagne dans les show Room : la Peugeot Pars !
Qui s’intéresse à l’automobile française (et à l’actualité) connaît bien ces sœurs iraniennes, mais il me semblait intéressant de raconter leur histoire. Car bon sang de bon soir, comment Peugeot s’est-il retrouvé à fabriquer des voitures en Iran (au pays des ayatollahs!). Comme d’habitude, toute cette aventure remonte à fort, fort, longtemps. Revenons dans les années 60 si vous le voulez bien !
La 405 telle qu’elle est encore fabriquée aujourd’hui par Iran KhodroC’est en 1962 qu’est fondée Iran National, nouvelle entreprise bien décidée à développer une industrie automobile dans l’ancienne Perse. Pour la petite histoire, l’Iran était depuis le 19ème siècle un enjeu d’influence pour la Russie et la Grande Bretagne. Un premier traité, en 1907, partageait l’Iran en zones d’influences respectives (au nord pour les Russes, au sud pour le Britanniques), bien que l’Iran restât indépendant. La Grande Bretagne est toujours restée vigilante et influente en Iran (pour des raisons stratégiques, mais aussi pour des raisons bassement terre à terre : le pétrole). Cette influence se ressentira aussi du point de vue économique : c’est donc vers l’Angleterre qu’Iran National va se tourner pour lancer son grand projet automobile. Le partenaire sera donc Hillman, une vénérable marque britannique faisant partie du groupe Rootes depuis 1931.
La Pars s’inspire de la Peugeot 406Pour leur premier modèle, les iraniens jetteront leur dévolu sur la Hunter, qui sortira en 1966 en Angleterre et en 1967 en Iran sous le nom de Paykan, qui deviendra au fil des ans « LE » modèle nationale iranien (elle sera fabriquée jusqu’en 2005, c’est dire si les iraniens sont conservateurs!). Et Peugeot là-dedans me direz-vous ? Première étape : en 1967, justement, Chrysler rachète le groupe Rootes qui vient accompagner Simca au sein de Chrysler Europe. Mais la vraie révolution vient en 1979 : enfin deux révolutions. La première, politique, voit la révolution islamique prendre le pouvoir et évincer un shah devenu impopulaire. La deuxième voit PSA racheter Chrysler Europe (et donc in fine Hillman-Rootes). Voilà comment Peugeot se retrouve lié à l’Iran alors qu’aucune vraie tradition d’échanges industriels n’existait jusqu’alors.
De profil la Pars garde la ligne de la 405Iran National, jusqu’alors société privée, est nationalisée et rebaptisée Iran Khodro (en gros « Automobiles iraniennes »). Le nouveau pouvoir n’est pas mécontent de devoir dealer avec des français plutôt qu’avec les anglais. Et il faut croire que Peugeot, en grande difficulté financière à l’époque, n’est pas mécontent de récupérer du cash de cette licence Hillman obsolète. Mieux, des moteurs de 504 seront désormais montés dans la vénérable Paykan. Dès lors, les liens entre Iran Khodro et Peugeot ne vont jamais cesser de se resserrer. Et la 405 alors me direz-vous ?
L’arrière est retravailléDès la fin des années 80, les dirigeants d’Iran Khodro désirent moderniser leur production, et cherchent un partenaire pour remplacer la Paykan. C’est tout naturellement vers Peugeot que IKCO (Iran Khodro Co) va se tourner. En 1990, l’accord de fabrication de la 405 en Iran est signé. En 1991 apparaissent deux modèles : la 405, mais aussi la 405 RD, dotée des trains roulants de la Paykan (c’est à dire propulsion), et d’une caisse de 405, afin de faire la transition pour les clients « conservateurs » (lire aussi : La 405 RD). Tandis qu’en France la fabrication de la 405 s’arrête en 1996, celle de la 405 iranienne continue (et continue toujours encore aujourd’hui!).
L’intérieur aussi bénéficie d’un petit coup de jeune !Et notre Pars alors ? J’y arrive. En Iran, les disparités sont grandes, et il n’est pas idiot de proposer plusieurs « générations » de véhicules dans une même gamme afin de satisfaire toutes les sensibilités et toutes les bourses. Aussi, en 2001 est présentée la Peugeot Persia, rapidement rebaptisée Pars pour des questions de droits. Il s’agit d’une version restylée de la 405, sorte de remix avec la 406 vendue en France, et à l’intérieur revisité. Elle se dote des deux moteurs « habituels », le 1,8 litres 8 soupapes de 101 chevaux, et le 1,8 litres 16 soupapes de 110 chevaux. Au moment de son lancement, elle côtoie dans la gamme l’antique Paykan, la 405 « classique », la 405 Roa (une RD légèrement restylée), mais aussi la Samand (construite depuis 1996 sur une base de 405). Autant dire qu’il y en a pour tous les goûts, et que la 405 est déclinée à toutes les sauces en Iran !
La Samand est fabriquée depuis 1996 sur la base d’une 405Tout aurait pu continuer dans le meilleur des mondes entre Iran Khodro et Peugeot. Mais il y a un mais : en 2012, Peugeot au plus mal fait rentrer General Motors dans son capital. La société américaine fait pression sur son nouveau partenaire français pour qu’il respecte l’embargo envers l’Iran. Les français cèdent, et coupent tous les ponts avec Iran Khodro… qui continue malgré tout à produire ses 405, Samand ou Pars comme si de rien n’était : d’une part l’intégration de pièces d’origine iraniennes est de plus en plus importante dans ces modèles depuis longtemps, mais pour le reste, il lui suffit d’importer de Chine des pièces de contre-façon, sans plus avoir aucune redevance à payer à Peugeot. Ironie du sort, Peugeot désormais débarrasser de son encombrant partenaire américain, aimerait bien remettre un pieds en Iran. Les négociations sont en cours pour y fabriquer la « voiture mondiale de Peugeot », la 301.
En attendant, Iran Khodro continue à produire de 405 et des Pars, exportant même sa production vers l’Afrique (particulièrement l’Egypte et l’Algérie), l’Asie, la Russie et même au Vénézuela ou la Samand est produite localement. Incroyable histoire non ? En attendant, si vous voulez une 405 neuve, voire une fameuse Pars, c’est vers Iran Khodro qu’il faudra vous tourner. A placer dans votre collection « Boîtier Rouge » en bonne place !
Images: Iran Khodro