Peugeot 505 « Production »: une autre époque du sport automobile
J’ai toujours eu un faible pour les Peugeot 505. Pendant longtemps, je n’ai pas su pourquoi, mais je le sais aujourd’hui : cette berline statutaire (j’aime bien les berlines statutaires) faisait impeccablement le lien entre l’ancien Peugeot (avant les années 80) et le nouveau Peugeot (celui qui sort ses griffes, pendant les années 80) ; à l’ancienne (propulsion), sérieuse (descendante de la 504), classe (V6), sportive (Turbo injection, lire aussi : 505 Turbo Injection), 4×4 s’il le faut (lire aussi : Peugeot 505 4×4 Dangel), américaine (lire aussi : 505 USA) ou chinoise (lire aussi : La 505 en Chine); voiture mondiale quoi qu’il en soit, moderne mais traditionnelle, que bien des amateurs du Lion regrettent aujourd’hui.
Et puis il y eut Michel Vaillant, dessiné par Jean Graton. Dans quelques albums, on pouvait voir des 505 de course luttant contre les Vaillante Commando, ou autres… Avec cette particularité qui me marqua : des phares avant teint en blanc. Il n’en fallait pas plus pour que le gamin que j’étais tombe amoureux de la 505, et de ses déclinaisons les plus puissantes ou sportives, GTI, V6, Turbo Injection, et bien entendu les versions « Production », « Trophée » et « Superproduction ».
Parlons-en, tiens, de ces versions. Tout commence en 1976, lorsque la FFSA lance le Championnat de France de Production (poussé par le pilote Claude Ballot-Léna). Jean-Pierre Beltoise se greffe au projet, et pilote des BMW avec lesquelles il gagnera les deux premiers championnats (1976 et 1977). En fin de carrière en F1, Beltoise devient un ardent défenseur de ce championnat, mettant en piste des voitures finalement très proches de la série (d’où le nom, mais le règlement évoluera ensuite pour proposer plus de puissance et de spectaculaire). Pour promouvoir la série, il va tout d’abord créer une agence avec Philippe Gurdjian (qui ne laissera pas que des bons souvenirs) entre autres, NOSCAR. Contrairement à ce que l’on a pu dire, NOSCAR s’occupait de la promotion, mais le Championnat restait sous l’égide de la FFSA. Il va ensuite tenter d’intéresser les constructeurs français. Pour appâter le chaland, il va lui-même engager en 1980 une 505 préparée par Danielson, une 2 litres poussée à 188 ch (grâce à deux carbus double corps Weber au lieu de l’injection), et allégée à 870 kg.
Cette 505 ne fera pas tout de suite des étincelles, mais aura le mérite d’attirer l’attention sur ce championnat, avec de nombreuses participations pas toujours officielles (BMW 635, Alfa GTV6, Renault Fuego, et même une Tablot Tagora dont je reparlerai). Il faudra pourtant atteindre 1982 pour que la 505 de Beltoise gagne enfin : Magny-Cours et Montlhéry). Les courses sont en tout cas spectaculaires, à touche-touche, hargneuse jusqu’à la fin, et rassemble un public de passionné relativement nombreux. Une sorte de DTM à la française.
Pourtant, Peugeot ne s’engage pas vraiment, malgré un soutien amical. C’est grâce au Groupement des Concessionnaires des Automobiles Peugeot (GCAP) que les 505 sont engagés. En 1983, Peugeot sort enfin la version Turbo de sa 505, et offre une nouvelle base pour les 505 de Production. Dès lors on change de dimension : la nouvelle 505 dite Superproduction offre pas moins de 440 chevaux. La première année, les problème d’électronique n’aideront pas les concurrents, Beltoise en tête, mais aussi Jean-Pierre Jarrier, Jean-Pierre Malcher (pourtant vainqueur en 1981 sur BMW 320), ou Anne-Charlotte Verney. L’année suivante, la 505 passe à 550 chevaux tout de même… Entre 1984 et 1987, les 505 Turbo de production glaneront 8 victoires, 4 pour Beltoise, 4 pour Jarrier.
Si Peugeot ne s’engagea pas directement dans le championnat « production » (qui deviendra Supertourisme en 1994) avec la 505, la démonstration donnera des idées : remplacer la coupe monotype Talbot Samba, formule de promotion, par le Trophée 505 en 1985. Histoire d’accompagner des ventes stagnantes, voire descendantes pour la grande berline. Les 505 Turbo de série perdent 40 kilos, et gagne presque autant de chevaux pour atteindre 200 canassons. On est loin de la puissance des 505 « Production » ou « Superproduction », mais il y a de quoi s’amuser sur circuit avec une propulsion. Surtout qu’ensuite, un kit permettra de faire passer la voiture à 230 ch. Le Trophée durera 3 saisons, jusqu’en 1987.
Si la 505 ne fut jamais championne de France en Production, elle marquera à jamais une génération d’ado par son look agressif naturel (voire bodybuildée en « Superproduction »). Nous ne le savions pas à l’époque, mais il s’agissait de la dernière propulsion française, presque incongrue dans le paysage national, et c’est sans doute ce qui, inconsciemment, nous titillait. Ce fut aussi la dernière « grande berline française » à courir, si l’on considère que les 405, 406 et Laguna de Supertourisme étaient plus petites… Bref, toute une époque. Et puis les souvenirs ça déforme tout, ça rend beau ce qui était moche, ça rend puissant ce qui ne l’était pas toujours, ça rend victorieux tout le temps (alors qu’en réalité…). La 505 Production ? Une belle madeleine de Proust !
Au coeur du Championnat de France de Production, avec Jean-Pierre Beltoise:
En savoir plus sur les 505: Club 505