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Peugeot 504 Cabriolet : la classe éternelle

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 22/07/2022

A quoi reconnaît-on une voiture qui marque les esprits ? Un style reconnaissable entre tous, élégant, fluide, certes, mais aussi au fait que, 50 ans après son lancement, on n’ait jamais cessé d’en voir circuler dans les rues, tout en glissant progressivement vers la collection au point de voir, année après année, sa cote monter. Mais surtout, sans doute, à la fausse impression d’une immense réussite commerciale alors qu’elle fut en réalité plus limitée. C’est le cas de la Peugeot 504 Cabriolet qui nous intéresse aujourd’hui.

Le positionnement de Peugeot

Depuis 1951 et la 203, Peugeot avait instauré, vu son positionnement plutôt bourgeois et statutaire, la déclinaison de son modèle phare en version cabriolet et coupé. Il s’agissait, au début, d’une production très marginale : la 203 ne fut produite qu’à 2 567 exemplaires en version cabriolet (et 977 en coupé) tandis que sa descendante, la Peugeot 403 Cabriolet à seulement 2 043 exemplaires (malgré l’arrivée de Pininfarina au dessin, lire aussi : ). Il faut dire que ces dérivés « spéciaux » coûtaient relativement cher à une époque, les années 50, où l’heure était à l’accession à l’automobile de masse : le marché pour ce type de voiture était encore assez limité et la classe moyenne supérieure encore trop désargentée pour s’offrir des caprices de ce genre.

Avec la croissance économique, le pouvoir d'achat des français augmentaient

Les années 60 vont un peu changer la donne. Avec la croissance économique, le pouvoir d’achat des français en général et de la clientèle « naturelle » pour des coupés ou cabriolets allait augmenter. La continuation d’une gamme coupé/cabriolet 4 places devenaient toujours plus logique, d’autant que ces modèles, avec le fort développement des médias (et notamment de la presse magazine) permettaient aussi de faire de l’image. La 404 eut donc elle aussi droit à son coupé et son cabriolet. Et enfin, le duo représentait, malgré un tarif toujours salé, des ventes respectables, avec 10 389 cabriolets (lire aussi : Peugeot 404 Cabriolet) et 6 837 coupés. Malgré les échecs commerciaux des 203 et 403 cabriolets ou coupés, Peugeot persévérait donc, offrant même à la gamme inférieure, la nouvelle 204, de telles déclinaisons (lire aussi : 204 et 304 Cabriolet).

La 504 Cabriolet « phase 1 » se distingue par ses feux avant doubles et ses feux arrières « triples »

Modifier la stratégie

Dès l’étude de la future 504, qui apparaîtra en 1968 (lire aussi : Peugeot 504), il fut donc décidé qu’elle aussi disposerait dans sa gamme d’un coupé et d’un cabriolet. La 404 n’avait pas démérité dans ce domaine là, tandis que la 204 confirmait le nouvel engouement pour ce type de carrosserie tout à fait dans l’air du temps des années 60. Mais pour la première fois, Peugeot décida d’en faire des modèles tout à fait à part, au style totalement différents de la berline dont ils dérivaient techniquement. Là encore, on fit appel à Pininfarina, tant pour une partie de la production (carrosserie, accastillage, intérieurs, étaient assemblés en Italie tandis que les moteurs, transmissions et suspensions étaient montés à Sochaux), mais aussi et surtout pour le style. Comme pour les précédentes depuis la 403 me direz-vous : oui, mais cette fois-ci, rien de commun avec la berline éponyme.

Le duo de 504 Coupé (lire aussi : 504 Coupé) et cabriolet eut donc droit à son propre style. Et ce style fut particulièrement réussi. Ce qu’il y a de plus dur, en général, c’est de rester sobre : c’est ce qui, au final, donne de la classe au modèle. Le dessin des 504 coupé ou cabriolet est de cette trempe là : tout est réussi. Au dessin plus élancé du coupé, le cabriolet répond par un parfait équilibre qui lui donne un air un peu différent mais tout aussi séduisant. Surtout, avec cette ligne, les deux modèles amorçaient une rupture avec les années 60, entrant dignement dans les années 70.

La « phase 2 » obtient de nouveaux feux pleins, à l’avant comme à l’arrière

Evidemment, malgré le travail apporté pour rigidifier le cabriolet, il n’était en rien sportif. De toute façon, à son lancement, et quelle que soit la carrosserie, le duo n’offrait qu’un 4 cylindres 1.8 litres de 97 chevaux : pas de quoi exciter les ardeurs sportives des conducteurs. Quand au cabriolet en lui-même, il incitait de toute façon plus à cruiser qu’autre chose. Le passage à un moteur 2 litres de 104 chevaux en 1970 ne changeait pas fondamentalement la donne ! En revanche, posséder un cabriolet 504, vu son tarif rapporté à celui de la berline, permettait d’afficher un certain statut social. La 504 injection (haut de gamme de l’époque en berline) coûtait 15 256 Francs en 1969, tandis que le cabriolet grimpait à 23 000 Francs environ, soit un surcoût de près de 50 % !

En 1970 toujours, la 504 Cabriolet (comme le coupé) pouvait désormais s’équiper d’une boîte automatique à 3 vitesses en option au lieu de la boîte manuelle 4 vitesses (une option qui disparaîtra du catalogue du cab’ en 1973 tout en restant disponible sur le coupé, seuls 292 clients l’ayant choisie pour leur cabriolet), option qui ne sera jamais proposée sur les versions V6. Car voilà, devant le succès certain des 504 Coupé et Cabriolet, Peugeot, qui travaillait sur un nouveau moteur V6 en collaboration avec Renault et Volvo (le fameux PRV), eut envie de faire monter en gamme son duo magique, tout en étrennant son V6.


En septembre 1974, la gamme était donc remaniée, avec un restylage (phares avant et arrières d’un seul tenant), ainsi que la disparition du moteur 2 litres XN et un choix unique : le V6 à carburateur développant 136 chevaux pour une cylindrée de 2.7 litres. Un choix pas forcément judicieux alors que la crise pétrolière de 1973 et la hausse faramineuse du prix du pétrole pénalisaient fortement ces moteurs plutôt gloutons. Et ce qui devait arriver arriva : les ventes s’écroulèrent, retombant à des niveaux anecdotiques. Plus encore que le coupé, le cabriolet dont la vocation n’était pas vraiment adaptée au V6 souffrit le martyr : entre fin 1974 et 1978, date du retour du 4 cylindres et de l’abandon du 6 cylindres sur cette carrosserie, seuls 977 exemplaires trouvèrent preneur !

En 1978, Peugeot faisait donc machine arrière : les deux modèles récupéraient un 4 cylindres 2 litres à injection, développant 106 chevaux. Le V6 passait lui aussi à l’injection, augmentant sa puissance à 144 chevaux, réservé désormais au seul coupé. En 1980, les deux modèles passaient une deuxième fois chez le chirurgien esthétique pour affronter la nouvelle décennie : comme de nombreuses autres automobiles, elle en perdirent essentiellement leurs chromes et leurs pare-chocs fins pour des plastiques plus enveloppant. Mais si beaucoup préfèrent les « anciennes versions » plus authentiques, il faut saluer la réussite de cet habile restylage qui permettait à la 504 de rester totalement dans le coup dans ses derniers moments de vie. En plus, elle récupérait enfin une boîte 5 vitesses sur les 4 cylindres, une nécessité à ce niveau de gamme (pour seulement 1 071 exemplaires produits dans cette configuration).

En juillet 1983, l’ensemble de la 504 à l’exception du pick-up disparaissait du catalogue, laissant seule la 505 sur le marché. Malheureusement, et malgré le potentiel américain de tels dérivés, cette dernière ne connut jamais de version coupé ni cabriolet. Il y eut pourtant un projet destiné aux USA (lire aussi : Peugeot 505 Coupé et Cabriolet), finalement refusé : Peugeot avait d’autres chats à fouetter pour digérer Chrysler Europe (lire aussi : le rachat de Chrysler Europe) et la crise qui lui fit frôler la faillite, gérer la fin annoncée de Talbot, et se redresser tout bêtement avec le lancement de la 205 salvatrice puis de la 405 consolidatrice. Dans la même veine, Peugeot refusera une proposition d’Heuliez pour une version coupé de la 405 (lire aussi : Peugeot 405 Coupé) : malgré des finances redressées, la marque ne croyait plus vraiment à ce type de carrosserie.

La 504 Cabriolet restylée de 1980, avec ses boucliers noirs moins réussis que ceux peints couleur carrosserie

La 504 Cabriolet n’eut donc jamais de descendance directe ! Seul le coupé eut une héritière de même standing et de gamme, avec la 406 Coupé. Du côté du cabriolet, on peut éventuellement assimiler, pour son côté 4 places, la 306 Cabriolet comme une nièce plus qu’une fille du Cab 504 : elle était volontairement beaucoup plus accessible et populaire, et donnera la série des 307 et 308 CC par la suite.

La version restylée de 1980 passe mieux avec les boucliers peints…

 


Au total, seuls 8 188 exemplaires du cabriolet 504 sortiront de chaînes de Turin et Sochaux, et pour l’essentiel en 4 cylindres, on l’a vu (contre 22 375 coupés). Etrange tant on aurait juré qu’il y en eut plus ! Mais un tarif assez élevé, l’erreur stratégique de l’arrêt du 4 cylindres au cœur de sa carrière, puis, une fois le tir rectifié un certaine obsolescence la privèrent d’un volume plus important. Cela ne l’empêchera pas de rester dans les mémoires de nombreux « observateurs » de cette époque qui développèrent assez rapidement une certaine nostalgie pour ce modèle. Dès la fin des années 80, on la recherchait à la façon d’une youngtimer de l’époque : elle permettait de rouler cheveux au vent pour pas cher. Aujourd’hui, elle est collectionnée avec ferveur, ce qui explique une cote galopante allant de 20 000 à 40 000 euros, surtout quand un modèle a été préservé de la rouille (l’ennemi naturel des 504 coupé et cabriolet). Et puis Nestor Burma, hein !

Une 504 Cabriolet 2 litres de 1971 sera la monture de Guy Marchand alias Nestor Burma, dans l’adaptation télévisée des romans de Léo Mallet

Enfin, sachez qu’il existe des versions dotées d’un hard top signé De Conninck (de plus en plus prisée pour leur élégance) et aussi une rare version Chapron qui ne vaut surtout pas son équipement et son exclusivité (lire aussi : 504 Cabriolet Chapron)



Texte : PAUL CLÉMENT-COLLIN

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