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Peugeot 405 T16 "Pikes Peak" : quand Ari Vatanen grimpait à toute allure

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 04/08/2022

Dans les années 80, sous la houlette d’un Jean Todt en parfait chef d’orchestre, Peugeot Talbot Sport (PTS) a la lourde tâche de soutenir la politique commerciale d’une marque en plein renouveau depuis le lancement de la 205. Plutôt que d’aller s’enfermer dans la coûteuse et aléatoire Formule 1, l’équipe PTS va habilement sélectionner ses épreuves pour maximiser ses chances de victoires et son exposition médiatique. Ce sera d’abord le rallye, puis le rallye-raid et enfin l’étonnante épreuve de Pikes Peak pour permettre à la 405 fraîchement débarquée sur le marché de briller rapidement et à moindre frais. Avec la 405 Turbo 16 et un Ari Vatanen survolté, Peugeot allait enfin détrôner Audi tout en marquant durablement le sport automobile grâce au film Climb Dance de Jean-Louis Mourey.

Mais revenons un peu en arrière. Pour PTS, la première mission est de mettre sur la bonne orbite la 205. La 205 Turbo 16 est donc engagée dans le Championnat du monde des rallyes en 1984 avec parmi les pilotes Ari Vatanen, qui fera beaucoup pour la légende sochalienne. Dès cette première saison (partielle) en Groupe B, la voiture fait preuve de son potentiel avec trois victoires sur cinq courses pour le Finlandais. L’année suivante, la Peugeot 205 T16 s’impose au championnat mais aux mains de Timo Salonen : Ari, quant à lui, malgré un bon départ, finira la saison à l’hôpital et manquera la suivante, laissant Juha Kankkunen rafler le titre à sa place. Décidément, Ari est maudit.

Pikes Peak pour battre Audi

D’autant que l’arrêt prématuré du Groupe B condamne la 205 à changer d’orientation. Pour accompagner encore et toujours la 205 civile (et notamment ses versions sportives GTI), Jean Todt et PTS vont s’orienter opportunément vers le rallye-raid et son déjà mythique Paris-Dakar. Adaptée aux déserts la 205 Turbo 16 s’engage alors dans une nouvelle carrière début 1987 avec un Ari Vatanen revanchard qui remporte le Dakar haut la main. Malgré ce succès médiatique (et celui du Rallye des Pharaons), on estime chez Peugeot qu’un peu de publicité supplémentaire serait la bienvenue. On décide donc d’accompagner le programme Raid par un autre, l’ascension de Pikes Peak, dans le Colorado : une épreuve jusqu’à présent trustée par l’ennemie jurée, l’Audi Sport Quattro.


Depuis 1982, la marque aux anneaux conserve son trophée grâce notamment à la pilote française Michèle Mouton (cocorico, l’honneur est sauf) et c’est un objectif motivant pour les troupes de Jean Todt qui ont déjà dominé Audi dans l’épreuve reine du rallye. On décide donc d’engager les 205 Turbo 16 dans l’épreuve américaine en 1987. Malheureusement, Audi s’accroche et Walter Rörhl décroche à nouveau le record de l’épreuve. Pour l’équipe PTS, c’est un échec qui ne peut rester sans suite ! On décide donc de retenter sa chance en 1988.

La 405 Turbo 16 Grand Raid remplace la 205

Mais cette fois-ci, la monture change. Car l’année 1987 a vu le lancement de la berline 405, grande soeur de la 205 et qui doit surfer sur la même vague du succès. Elle aussi dispose d’une version sportive, la 405 Mi16 mais surtout, elle est disponible aux États-Unis dans une version “américanisée”. Peugeot, à cette époque, conserve encore quelques ambitions malgré l’échec de Renault qui a dû revendre sa participation dans AMC à Chrysler et qui se retire du marché. Il y a dès lors une place à prendre pour Peugeot qui vend plutôt correctement ses 505 là-bas et dispose d’une image “décalée” à l’instar de Saab ou Volvo. Alors que la 205 Turbo 16 continue en rallye-raid pour l’année 1988, c’est une voiture ressemblant à une 405 qui s’aligne au départ de Pikes Peak (en fait, il y aura deux voitures puisque Kankkunen est aussi de la partie). L’objectif est clair : remporter l’épreuve, mais aussi (surtout ?) décrocher le record mondial.

Avec la 405 Turbo 16, Peugeot n’y est pas allée de main morte : le 4 cylindres est gonflé à 660 chevaux à 7 500 tours par minute, pour un poids descendu sous la tonne, à 950 kg. Dans les mains du désormais légendaire Ari, la 405 va alors s’envoler vers la victoire, grimpant les 19,93 km, les 156 virages et les 1 440 mètres de dénivelé en 10 minutes, 47 secondes et 220 centièmes. Le record d’Audi tombe et restera dans les mains d’Ari Vatanen jusqu’en 1994 pour voir le temps descendre encore un peu avec la Toyota Celica Turbo de Rod Millen. En 1989, Peugeot remporte à nouveau l’épreuve grâce à la 405 de Robby Unser, mais le record n’est pas battu. Avec le rallye, le rallye-raid et désormais Pikes Peak, Peugeot démontre qu’elle domine toutes les épreuves dans lesquelles elle s’engage. Au début des années 90, l’équipe s’orientera vers l’endurance, remportant l’épreuve mancelle avec la désormais célèbre 905.

Un film, Climb Dance, pour immortaliser Vatanen

Certes, Ari Vatanen fait une montée parfaite, mais cela n’explique pas pourquoi ni comment cette victoire est devenue mythique aux yeux des fans. Car en réalité, la course de Pikes Peak est à l’époque peu connue, du moins en Europe. La simple “victoire” de Vatanen n’aurait pas suffi à rendre la course si célèbre, ni même le record de l’épreuve. C’est en fait un film réalisé en 1989 par Jean-Louis Mourey et qui remportera de nombreux prix en 1990. En effet, pour Peugeot, il s’agit certes de sport, mais aussi de promotion, pour la marque en général et son modèle 405, si crucial à l’époque, en particulier.


Durant l’épreuve de 1988, celle du record, de nombreuses caméras sont placées tout le long du tracé, ainsi que dans l’habitacle de la 405. Le réalisateur a été mandaté par Peugeot pour réaliser un film à la gloire de la 405 et de son fidèle pilote, Ari Vatanen. Grâce à tous ces rushs, il va alors produire une vidéo à couper le souffle, mêlant images extérieures et intérieures, immortalisant un Vatanen ébloui par le soleil et obligé de se protéger les yeux tout en gardant le cap. Largement diffusé dès 1989, le film va rencontrer le succès et rendre populaire cette course époustouflante, immortalisant ainsi ce fameux record. Avec l’arrivée d’internet et surtout du haut débit, cette vidéo va ensuite connaître une longue carrière, les passionnés ne se lassant pas de se refaire Climb Dance (c’est son nom).


En 2013, Peugeot décide de revenir à Pikes Peak avec Sébastien Loeb et la 208 Turbo 16. L’épreuve a changé puisque le tracé est désormais entièrement goudronné, mais peu importe. Loeb remporte l’épreuve lui aussi, ainsi que le record mondial. Mais surtout, à cette occasion, Peugeot a la bonne idée de “remasteriser” Climb Dance, redonnant une seconde jeunesse au record de Vatanen. Le record a beau baisser sans cesse, c’est, grâce à Mourey, celui de Vatanen qui reste encore et encore dans les têtes. Il fallait y penser, Peugeot l’a fait !


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