Partager cet article
Osca 1600 GT: l'italienne haute couture !
PAUL CLÉMENT-COLLIN - 25 juin 2015Je ne vais pas vous sortir l’éternel couplet de « La Bohème » chantée par notre Aznavour national, mais c’est pas l’envie qui m’en manque ! Car je vais vous parler d’un temps où un seul modèle de voiture, produit à moins de 150 exemplaires, pouvait recevoir 6 carrosseries différentes, dues à 5 carrossiers-designers différents, le tout en moins de 4 ans de production. Un temps où la haute couture automobile voulait encore dire quelque chose, un temps où les aventures automobiles les plus improbables pouvaient vivre et mourir, accouchant de chefs d’oeuvre valant aujourd’hui largement plus que ce que votre portefeuille le permet.
Dans les années 50, les plus gros ont encore besoin des plus petits, et c’est tant mieux car sans la commande de Fiat d’un moteur 1500cm3 à la petite officine créée en 1947 par les frères Maserati, nous n’aurions jamais connu ni admirer les différentes versions de l’Osca 1600 GT. Rappelez-vous, en 1937, les 3 frères Maserati (Alfieri est mort en 1932) revendent leur marque à Adolfo Orsi et pendant dix ans, ils lui prêteront contractuellement assistance. Mais une fois cette « corvée » achevée, les 3 frangins décident de se relancer en compétition avec une nouvelle marque, Osca, pour Officine Specializate Costruzione Automobili, située en banlieue de Bologne.
Si le dada de Guy Lux, c’était le tiercé, pour les frères Maserati, c’est la course auto. Pendant plus de dix ans, ils vont se consacrer à construire et à faire courir leurs joujous siglés Osca. Mais la course automobile est un exercice d’équilibrisme financier. Sans la demande de Fiat de concevoir un moteur 4 cylindres spécifique pour sa Spider 1500, Osca aurait sans doute mis la clé sous la porte. Les liens créés à l’occasion avec la Fiat, et la disposition d’un beau moteur, donnent des idées au 3 frères : pourquoi ne pas lancer leur propre modèle grand public afin de financer leurs activités de course ?
Banco. Grâce au châssis Fiat du spider 1500, et à leur moteur réalisé à 1598 cm3 (développant 90, 105, 125 voire 140 ch dans sa version GTS Corsa), Osca va donc présenter en 1960 au Salon de Turin leur superbe berlinette, carrossée par Zagato, avec un double bossage qui deviendra caractéristique. Même si parfois le carrossier italien a pu choquer, avec l’Osca, il présente un véritable chef d’oeuvre d’équilibre, de simplicité, et de caractère en même temps : la marque des grands designers, la sobriété étant ce qu’il y a de plus difficile à faire, surtout en matière d’automobile !
La version de Fissore a une vraie gueule !Version « d’origine », la 1600 GT de Zagato est aussi celle qui est la plus répandue, avec 98 exemplaires fabriqués. Mais il faut croire que ce petit coupé donna des idées à bien des carrossiers. Ainsi, Fissore s’attaqua lui aussi à la bête, pour en proposer deux versions, un coupé et un spider. Etrangement, cette version a les airs d’une Zagato Fulvia (mais aussi d’une Fiat/Dino). Au total, 21 coupés et 3 spider seront construits.
La version Fissore sera aussi livrée en version spider (découvrable) aujourd’hui introuvableMais la rimbabelle de version ne s’arrête pas là. Moretti en livrera une interprétation personnelle, plus acérée, et pas forcément la plus belle, offrant une tête de squale bien éloignée des versions Zag ou Fissore. Elle ne sera réalisée qu’à 1 seul exemplaire.
Le drôle de squale proposé par MorettiMais attention, ce n’est pas fini. Un autre carrossier italien s’y collera, le fameux Touring. Il en livre une version très « Ferrari », plutôt élégante mais moins originale que celles de Zagato ou Fissore. Seuls deux exemplaires seront fabriqués.
La version plus classique proposée par TouringBoneschi, un carrossier milanais qui jusqu’alors avait surtout travaillé sur des Lancia, va lui aussi s’attaquer à ce qui semble être devenu un cas d’école pour designer rital. Son interprétation est un peu sage, et affuble le coupé Osca d’une calandre presque américaine, et n’est pas forcément la plus réussie des 5 carrossiers. Pourtant, 3 exemplaires seront fabriqués.
La version proposée par BoneschiAu total donc, ce sont 128 exemplaires qui auront été produits entre 1960 et 1963 (même si ce chiffre est régulièrement contesté par les spécialistes, qui pensent qu’il en sera fabriqué bien moins). De toute façon c’est bien peu, et en tout cas pas assez pour permettre à Osca de sortir la tête de l’eau. Pire, la seule routière fabriquée par la petite marque des frères Maserati qui devait donner de l’oxygène, l’entraînera dans une chute sans fin. Etranglés, les 3 frères durent une fois encore vendre leur marque à un tiers, en la personne du Comte Agusta, fondateur d’un fabricant d’hélicoptère et propriétaire de la marque de moto MV. Le nouveau proprio n’y va pas pas quatre chemin, vendant les derniers modèles en stock avant de stopper la gabegie. La marque survivra 4 ans avant de disparaître sans avoir pu se relancer.
Bon, autant vous le dire tout de suite : à moins de disposer de solides réserves financières, il vous sera difficile de vous faire plaisir en vous offrant un tel joujou. Les versions Zagato les plus répandues tutoient déjà des sommets dans les ventes automobiles, alors imaginez les versions les plus rares ? Bref, il y a fort à parier que cette berlinette restera pour vous qu’un « plaisir des yeux », même si j’espère me tromper : avoir un lecteur de mon blog possesseur d’une telle rareté, ça me rendrait vraiment fier !
En savoir plus sur les créations Zagato : Zagato sur Boîtier Rouge