Morris Marina/Ital: la tête de turc de Clarkson !
Avec la diffusion du 3ème épisode de Top Gear France (lire aussi : Top Gear France saison 2) sont apparus aussitôt les sempiternels débats sur « la destruction gratuite de véhicule de collection » (mouais). Bref, pour la saison 1 le Matra Rancho, la Renault Fuego, et la BMW Série 3 E21 prenaient cher, tandis que pour la saison 2, c’est au tour de la Peugeot 204. Cela m’a alors refait penser à une autre voiture martyrisée par Top Gear (mais UK en l’espèce) : la Morris Marina, surnommée par Jérémy Clarkson la « pire voiture de tous les temps ». La dernière ou presque des Morris devint donc dans les années 2000 la vedette d’un running gag, recevant un piano sur la « tronche » à chaque épisode, à la manière d’un Kenny dans South Park (attention, référence culturelle) !
Ce running gag montre combien les particularités culturelles varient selon les pays, et les détracteurs chauvins d’un Top Gear France massacrant des populaires françaises des années 70 et 80 sont parfois les mêmes qui ne jurent que par Clarkson et Top Gear UK. A l’inverse, les Marina Lovers british (surnommés aussi les « Morris extremists ») descendent en flèche Top Gear UK et se contrefichent des voitures détruites dans la version françaises. A leur décharges, sur les 807 000 exemplaires de la Marina vendus en Grande Bretagne, il n’en resterait plus que… 745 selon une étude du magazine Auto Express datant de 2006. Combien en reste-t-il en 2016 ? Bonne question. Mais si la préservation du patrimoine est importante, est-il toujours nécessaire de préserver plus de 700 véhicules du type de la Marina ? That is the question !
Car revenons-y à la Marina, et à sa descendance Ital. Que vaut cette bagnole que s’évertuait à détruire Clarkson ? Pour moi qui aime « l’histoire automobile » avant tout, elle a tout de même l’intérêt d’être la dernière Morris produite (considérant que la Marina et l’Ital sont un même et seul modèle), et rien que pour cela, il faudrait en conserver quelques exemplaires. Lancée en 1971, la Marina, devenue Ital en 1980 à la faveur d’un gros passage sous le bistouri, tirera sa révérence en 1984 après un peu plus d’1,2 millions d’exemplaires produits : succès honorable dans son pays d’origine, échec total à l’exportation, les deux modèles doivent leur quasi-disparition aujourd’hui au fait qu’il s’agit d’une voiture… quasiment sans intérêt.
En effet, on peut considérer la Marina comme un cache misère. Il fallait impérativement lancer un modèle Morris au début des années 70 (la Minor réalisait des ventes… mineures), mais vues les difficultés financières du groupe BLC (British Leyland), sans compter les grèves à répétition tout au long des années 70, et la priorité donnée à d’autres marques que Morris au sein du groupe, il était clair dès le départ que la Marina ne ferait pas des miracles. Propulsion quand la majorité de ses concurrentes étaient passées ou en train de passer à la traction (sauf la Ford Cortina, qu’elle ne réussira pourtant jamais à dépasser dans les charts auto), elle recyclait à peu près tout ce qu’on pouvait trouver comme organes mécaniques dans le groupe BLC : moteurs 1,3 litre de 52 chevaux en entrée de gamme, ou 1,8 litre 72 ch et 95 ch dans la version sportive Marina GT (remplacé plus tard par un 1,7 voire un rare 2 litres sur l’Ital), boîte de vitesse venant de chez Triumph, et j’en passe. Comme elle remplaçait la Morris Minor datant de 1948, il n’était pas dur de paraître plus moderne, mais face à la concurrence, c’était plus compliqué. Cependant, elle avait le mérite de proposer 3 carrosseries : berline 4 portes, break et coupé 3 portes, pick up et fourgonnette.
Dessinée de façon très banale, d’architecture « basique » (et dépassée), sous motorisée, tenant mal la route (particulièrement dans sa version « sportive » GT), et surtout d’une fiabilité et d’une qualité effrayante, pas étonnant qu’après l’engouement des débuts (sans doute par chauvinisme), les ventes se soient écroulées, malgré un lifting très très léger en 1975. Le ravalement de façade de 1980 fut fait plus en profondeur, mais Morris usa d’un petit stratagème pour « dynamiser » les ventes à moindre frais : jouer sur une ambiguïté pour donner l’impression d’un modèle dessiné par Giugiaro.
Il fallait au moins ça pour vendre une Marina (image: AROnline)Car la nouvelle Marina Ital (parfois nommée Ital tout cours), fut dessiné par Harris Mann et non par le designer italien. Italdesign fut simplement chargé par British Leyland d’en étudier l’industrialisation., mais en renommant la voiture Ital, en jouant sur les silences, les on-dits, et les demi-vérités (ou demi-mensonges, c’est au choix), tout laissait croire à une ligne italienne… Cela ne changea malheureusement (ou heureusement?) pas grand chose à l’affaire : l’Ital ne se vendit pas beaucoup plus, et après seulement 4 ans, elle disparaissait (et avec elle la marque Morris), laissant place à l’Austin Montego. L’outillage sera revendu à une filiale de FAW en Chine, Chengdu automobile, qui produira quelques exemplaires du break, du pick up et de la fourgonnette à la fin des années 90 avant de faire faillite. A noter aussi le production de l’Ital à Setubal, au Portugal, avant d’être remplacée définitivement par la Mini Moke (lire aussi: Mini Moke).
Vous l’aurez compris, il sera difficile de rouler avec une Morris Marina : rapidement dépassée, elle est vite devenue une occasion de seconde zone, à la rouille galopante, aux problèmes incessants de fiabilité, pour finir bien souvent à la casse bien avant que Top Gear ne se charge de son cas. Mais aujourd’hui qu’elle devient si rare, il est à mon sens salutaire que quelques fous furieux continuent à la défendre. D’ailleurs, Clarkson avait fini par arrêter de casser de la Marina… Bref, si vous aussi vous voulez vous offrir une anglaise banale comme on adopterait un bébé phoque, rendez-vous sur le site Marina Register (http://www.morrismarina.org.uk/) ou vous trouverez toutes les infos possible pour acheter une Marina.
Si seule l’histoire vous intéresse, et que vous désirez en apprendre un peu plus sur ce drôle de modèle, je ne peux que vous conseiller le toujours excellent site AROline qui explique en détail la genèse du modèle et les raisons de son échec : http://www.aronline.co.uk/blogs/cars/morris/marina-ital/the-cars-morris-marinaital-development-history/