CLASSICS
FIAT
ITALIENNE

Moretti 850 Sportiva : une Fiat en tenue de gala

Par Maxime Mouliney - 01/09/2020

Fiat n’a pas toujours une bonne réputation, à tort sans doute. Il faut dire que la vénérable marque turinoise a souvent fait le grand écart entre production populaire (Fiat 500 ou 600) et modèles d’exception (Fiat Dino par exemple). Ainsi, malgré d’excellentes automobiles, des moteurs pétillants et des designs sympathiques, Fiat reste pour beaucoup une marque un peu trop roturière. Pourtant, bien de ses modèles sont à découvrir (ou re-découvrir) tandis que quelques sorciers (comme Abarth) se sont souvent penchés sur leur cas. En l’espèce, c’est l’artisan Moretti qui s’est attaqué à la 850, livrant un séduisant modèle dénommé Sportiva.

Au moment où j’ai commencé à écrire cet article, Moretti devait être un nom assez méconnu du lecteur français. Du moins d’un point de vue automobile. Pour certains, il évoque vaguement un avocat de notoriété public, ou plus joyeusement une bière italienne. Mais récemment, j’ai vu beaucoup de publications au sujet des petites italiennes. Est-ce dû à la nomination de l’avocat susnommé au poste de ministre de la justice ? 

Moretti : une rareté au look de Dino

 Toujours est-il que croiser une Moretti en France reste rare, notamment la 850 Sportiva qui vous donnera l’impression de croiser un concurrent perdu du Mans. Avec son look de Dino (Fiat Dino Spider à l’avant et Dino 206 GT pour le reste), on se demande ce que fait ce micro prototype au milieu de la circulation ! Si sa petite taille (3,7 mètre de long et moins d’1,5 mètre de large !) laisse présager qu’elle jouerait une victoire de classe plutôt qu’une victoire au scratch, niveau tronche, la petite berlinette de Moretti remporte bien des suffrages. Mais pour les curieux qui regardent sous la robe de l’italienne, les dessous seront un peu moins affriolants : c’est une Fiat 850 Coupé

 Pour comprendre la raison d’être de cette auto, il faut connaître la riche histoire de sa marque. Fondée en 1926 par Giovanni Moretti, Moretti Spa connaît plusieurs phases jusqu’à la fin des années 1980. Véritable touche-à-tout, Moretti commence par des motocycles avant de s’essayer aux microcars ou aux camions électriques ! À la fin de la seconde guerre mondiale, Moretti essayera lui aussi de motoriser l’Italie avec des autos de petites cylindrées. Mais la sortie des 500 et 600 du voisin Fiat oblige Moretti à opérer un tournant. Ces voitures, produites en grandes séries, supplantent en prix les productions artisanales du petit constructeur.  Au lieu de s’entêter à concurrencer le géant Turinois, et grâce à ses relations avec Gianni Agnelli (le big boss de Fiat), Giovanni décide de proposer des déclinaisons luxueuses ou des carrosseries spécifiques sur base de Fiat de grandes séries, principalement des petits coupé et spider. Ainsi naîtront les Sportiva, après plusieurs modèles joliment recarrossés.

Un style classique mais élégant

Dès 1964 et la sortie de la Fiat 850, Moretti s’attèle donc à sortir une version spider et coupé de la berline. Basées sur les versions Super de 37ch, elles présentent un style classique mais élégant. On notera que le coupé ressemble à s’y méprendre au Simca 1000 Bertone, et seul un œil averti saurait les différencier. La version spider s’avère quant à elle plus sage que la version Fiat (surprenant pour un carrossier cherchant à se démarquer).

La version restylée paraît moins moderne

Pour la Sportiva 850, c’est l’inverse ! Lancée en 1966 et basée ce coup-ci sur la 850 coupé sortie en 1965, son style tranche avec les précédentes Moretti. Mais il s’inspire de la nouvelle Dino, bien que l’avant diffère avec ses ailes gonflées. Cet avant sera presque copié un an plus tard pour la Fiat Dino Spider ! Il est en tout cas assez frappant de comparer ces trois voitures, en particulier la ligne de toit est la même que la baby-Ferrari. C’est cette ligne singulière, signée Dany Brawand (passé chez Michelotti avant de rejoindre Moretti), qui fait de cette mini Dino une des Moretti les plus illustres. Définissant pendant cinq ans le style des modèles sportifs de l’artisan, ce design sera adapté avec moins de réussite sur les 124 et 125, plus longues et hautes sur pattes, qui s’éloignent du style fluet de la 850. À l’intérieur, le dépaysement est moindre. Assez simple, il apporte quand même un supplément d’âme et de sportivité par rapport à la 850 Sport coupé : plus de compteurs, et une barre de maintien pour le passager ! 

La Moretti 850 Sportiva dans son étrange version S4

L’aérodynamique plus que les chevaux

 Avec sa base populaire, la Sportiva n’a rien du foudre de guerre que son style laisse croire. Elle récupère néanmoins le moteur le plus puissant de la gamme, monté sur la Fiat Coupé, culminant à 51 chevaux. À peine plus légère (35 kg de moins, soit 690 kg), elle profite cependant d’une démultiplication raccourcie lui permettant de mieux exploiter la puissance haut perchée : 6 000 trs/min pour la puissance maximale et plus de 4 000 tours pour aller chercher le couple ! C’est surtout l’aérodynamique qui permet de gagner 15 km/h supplémentaires (d’après le fabriquant) par rapport au modèle qui lui sert de base, culminant donc à… 150 km/h ! Cela étant dit, la 850 n’est pas la seule déclinaison de la Sportiva, qui récupère sous le nom 850SS, un plus alléchant moteur de 61ch en provenance… de la déclinaison 1000 OT de la 850 par Abarth. Les accélérations en profitent pour devenir décentes, mais ne vous attendez toujours pas à être collé au siège, puisqu’elle réclame plus de treize secondes pour atteindre la barre des 100km/h. Du côté des liaisons au sol, en revanche, rien ne change si ce n’est l’abaissement de l’auto. La Moretti se révèle malgré tout neutre pour une auto « tout à l’arrière ».

Vous l’aurez compris, l’intérêt de la Moretti réside dans son style. Cela reste vrai sur la seconde version qui apparaît dès 1969 pour se rapprocher encore plus de celle que l’on appelle désormais 246GT Dino. L’avant prend des airs d’Alfa Spider, mais en gardant des phares assez hauts, ce qui lui donne un regard de batracien… L’ensemble reste élégant mais perd l’originalité du dessin initial. Peut-être est-ce pour la démarquer de la nouvelle Sportiva S4, reprenant la même base et l’avant des premières phases, mais avec un toit réhaussé pour accueillir quatre personnes. 

La fin d’une époque

 1971 sonnera le glas de cette élégante berlinette, dont la carrière me fait un peu penser, en plus brève, à celle d’une célèbre berlinette française, avec ses multiples déclinaisons. Moretti continuera sur sa lancée en s’orientant vers un dessin plus moderne et plus proche des Fiat Dino coupé, pour finir avec des véhicules de loisirs (comme le Campagnola Sporting 2000) ou des Uno richement optionnées, jusqu’au décès de la marque, en 1989.

Voilà donc quelques informations sur cette sportive méconnue et relativement peu diffusée (on parle d’environ 300 exemplaires), issue d’une marque à l’histoire attachante. Il y a encore cinq ans, certaines se trouvaient dans les petites annonces autour de 20 000€. Ce temps semble révolu car il faudra compter deux à trois fois plus aujourd’hui. Mais vu l’originalité, la rareté, et le style Dino de l’ensemble, peut-on crier au scandale ? D’autant que l’auto se trouve éligible dans plusieurs épreuves historiques (on a notamment pu la voir au Tour Auto 2020), et apporterait de la variété au plateau déjà bien établi. 

 

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