Messerschmitt KR175 et KR200 : combat pour la survie
Lors de la seconde guerre mondiale, deux avions légendaires auront marqué les esprits : le Supermarine Spitfire côté anglais et le Messerschmitt Bf 109 côté allemand. Ce dernier fut pendant quasiment toute la durée de la guerre l’épine dorsale de la Luftwaffe, produit à 34 852 exemplaires. Mais la capitulation allemande mit un terme à l’activité aéronautique de Messerschmitt qui dut alors se reconvertir. C’est ainsi que naquit un produit d’une toute autre nature que le guerrier Bf109, la Messerschmitt KR175.
La fin de la guerre avait sonné le glas de l’activité aéronautique de Messerschmitt. Pour survivre, la firme fondée par Willy Messerschmitt se diversifia donc tous azimuts : éoliennes, maisons préfabriquées ou machines à coudre. Ce n’était cependant pas suffisant pour retrouver une activité digne de ce nom. De son côté, Fritz Fend, qui travaillait autrefois chez Messerschmitt, notamment sur l’avion à réaction Me262, développait des tricycles destinés aux handicapés ou blessés de guerre, mus soit par la force des bras, soit par de tous petits moteurs. Ces tricycles dénommés Flitzer se vendirent à quelques centaines d’exemplaires, et Fend voit déjà plus grand, s’imaginant remotoriser l’Allemagne.
Fend se rapprocha alors de son ancien patron, Willy Messerschmitt, pour lui proposer une association bénéfique pour les deux parties. Ainsi fut fondée en 1952 la société Regensburger Stahl und Metalbau GmbH, destinée à produire le futur Kabinenroller (KR175), que l’on pourrait traduire par “scooter à cabine”, sous la marque commerciale Messerschmitt, connue de tous les allemands. L’engin à 3 roues devait pouvoir transporter deux personnes avec un petit moteur monocylindre deux temps de 173 cc développant 9 chevaux.
Un « Kabinenroller » pour motoriser l’Allemagne
Le KR175 appliquait le principe cher à Messerschmitt : la légèreté. Avec seulement 240 kg sur la balance, le petit tricycle s’offrait en outre une ligne très “aéronautique” avec sa verrière ressemblant à celle d’un Bf109 justement. D’ailleurs, la légende (jamais contredite par Fend et Messerschmitt) voulait que le KR175 utilisa en partie des pièces du fameux chasseur : à défaut d’être vraie, elle eut le mérite d’offrir une publicité positive bienvenue alors que les débuts industriels, entre février et juin 1953 furent plutôt difficiles. Il fallut ainsi modifier 70 points pour fiabiliser l’engin.
Malgré cela, le KR175 allait rencontrer un certain succès sur le marché allemand. se vendant à environ 15 000 exemplaires jusqu’en 1955. Le fabricant de motos italien Mi-Val acheta même une licence pour produire le KR175 sous le nom de Mivalino avec un moteur deux temps du cru (Mi-Val était la propriété de Beretta qui s’était déjà aventurée dans l’automobile avec la BBC, sans succès). La Mivalino fut produite entre 1953 et 1955 à une centaine d’exemplaires.
Le KR200, un peu plus puissant que le KR175En concurrence avec la BMW Isetta
En 1955, le KR175 allait devoir affronter une nouvelle concurrence. Pour se diversifier et proposer une offre populaire, BMW s’offrait la licence de fabrication d’une voiturette italienne produite par Iso Rivolta, l’Isetta. Plus puissante que le KR175 (avec 12 chevaux tout de même), elle allait obliger Messerschmitt à revoir sa copie : c’est ainsi que fut lancé le KR200 doté d’un moteur à la cylindrée plus importante : 191 cc pour une puissance de 10 chevaux. Bien qu’esthètiquement très proche du KR175 et basé sur le même châssis, le KR200 était en réalité un modèle revu de fond en comble. Grâce à son poids plume et à son moteur légèrement plus puissant, le KR200 s’offrait une vitesse de pointe de 10 km/h supérieure, pointant à 90 km/h.
Un KR200 (en haut) et sa version Roadster (en bas)Le KR200 rencontra dès sa première année de production, en 1955, un véritable succès, avec 12 000 exemplaires vendus. Cela restera la meilleure année pour la marque Messerschmitt. Cependant, en 1956, Willy Messerschmitt, à nouveau autorisé à produire des avions grâce à l’adhésion de l’Allemagne à l’OTAN, s’empressa de revenir à ses premières amours, revendant ses parts à Fend. Une nouvelle société fut créée, la Fahrzeug und Maschinenbau Regensburg (FMR) GmbH. La production du KR200 pouvait continuer, conservant l’usage de la marque Messerschmitt.
Le KR200 dans sa version CabrioletLe lent déclin du KR200
Malgré sa bonne première année, le KR200 vit rapidement sa production baisser. Le boom économique allemand permettait des salaires plus conséquents. Les clients se tournaient de plus en plus vers de vraies automobiles comme la Volkswagen Käfer (la Cox chez nous). Enfin, la concurrence de BMW réduisait encore un marché en récession. On tenta bien de diversifier l’offre avec un “cabriolet” à toit en toile, et même un roadster sans toit appelé KR201. Peine perdue : jamais le KR200 ne retrouva le niveau de vente de 1956 et la production s’acheva en 1964 après 30 286 exemplaires produits. Au total, les KR175 et KR200 furent fabriqués à environ 45 000 unités.
Aujourd’hui, les Messerscmitt Kabinenroller sont particulièrement recherchés par les amateurs du genre, les fanas des cyclecars et autres bizarreries à trois roues. Simple et léger, c’est une façon totalement décalée de voyager, l’entrée dans un autre monde qui vous rendra sympathique auprès de votre entourage et de votre voisinage. Cette voiture aura une place de choix dans une collection auprès d’une BMW ou d’une Velam Isetta, voire d’une Morgan Threewheeler.