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Mazda MX-5 NA : japonaise à l’anglaise

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 05/08/2022

Parfois, le courage, l’ambition, la « vista » ou tout simplement l’écoute du marché permet à un petit constructeur de créer un marché, ou de le relancer. On croyait l’époque du roadster à l’anglaise terminée, enterrée avec les années 70. Et pourtant, une marque automobile japonaise, sise à Hiroshima (une preuve de résilience), n’hésita pas à jeter un pavé dans la mare en lançant en 1989, à contre courant, l’étonnante et ravissante Mazda MX-5 !

La proposition d’Hiroshima, moteur avant et traction

Il y a peu passait à la télévision « Stupeur et tremblement », une adaptation du roman d’Amélie Nothomb décrivant l’extrême rigidité de la société japonaise en générale, et de la hiérarchie dans l’entreprise. L’expérience (vécue) de l’auteur vaut ce qu’elle vaut : une chose est sûre, Mazda n’entrait pas, dans les années 80, dans ce cadre là. Il fallait une grande ouverture d’esprit et une extrême compréhension du monde occidental pour lancer la MX-5, connue aussi sous les noms de Miata, ou d’Eunos Roadster, ou tout simplement, dans la bouches de passionnés, de « Mimix ».

La proposition de Tokyo, avec moteur central et propulsion

Tout commença pourtant par hasard : un journaliste automobile américain, Bob Hall, visitant les usines Mazda en 1979, et assurant de la réussite d’un tel modèle (alors même que le marché desdits roadsters anglais déclinait, sans doute parce que MG ou Triumph avaient perdu la vista qui les caractérisait dans les années 60 plus qu’une désaffection pour le produit). Le même Bob Hall rencontrant à Pebble Beach Shigenori Fukuda, ingénieur pour Mazda pour s’apercevoir que tous les deux rêvaient d’un roadster à l’anglaise, mais moderne, et fiable !

La proposition californienne, nommée Duo 101, qui sera finalement choisi par la direction de Mazda

Voilà comment, à l’aube des années 80, se prépara le lancement d’une voiture mythique : par hasard, par passion, et par ouverture d’esprit. Ainsi, Mazda n’hésitait pas à embaucher Bob Hall, pourtant dépourvu de toute expérience d’ingénieur ou de designer : juste parce qu’il avait la bonne idée au bon moment, avec les bonnes personnes. Il fallait quand même du courage à la direction de Mazda pour se dire : « ce mec a des idées, faisons le plancher là-dessus ».

Le Duo 101 en 1986

En 1981, voici donc notre ami Bob au sein de l’entreprise nippone, avec une idée en tête : convaincre la direction du bien fondé de son intuition ! Pour lui, si le marché du « roadster à l’anglaise » s’est effondré, c’est surtout parce que l’industrie automobile anglaise s’est effondrée aussi, à force de mauvaise organisation, de manque d’investissements, de grèves à répétition, et de qualité de fabrication parfois déplorable. Au contraire, durant les années 70, les japonais avaient prouvé leur capacité à répondre à la demande de façon efficace, avec une qualité de fabrication sans égal en Occident malgré la condescendance affichée par beaucoup.

L’un des 14 prototypes de 1988

Il va donc phosphorer, l’ami Bob, en mettant à profit ses compétences journalistiques, en rédigeant un rapport comme peu de marketeurs seraient capables de le faire : un pavé décrivant une par une les voitures les plus emblématiques du créneau, avec l’explication rationnelle des raisons de la réussite ou de l’échec. Ainsi sont passées au crible les MG TD, MG B, la Lotus Elan, les Triumph de la TR3 à la récente TR7, en passant par les « autres », genre Opel GT ou Matra 530. Des coupés, des cabriolets, avec tous un point commun : le plaisir, et une cible jeune, aisée, et désireuse d’évasion plus que de sportivité pure.

En fait, Hall et ses collègues de chez Mazda anticipaient dès 1981 ce qui allait se passer dans les années à venir : les acheteurs « jeunes et dynamiques » allaient se scinder en deux courants. Ceux qui voulaient du sport, et du sport pur, issu en France de la tendance R8 Gordini, se dirigeraient vers les petites sportives qu’on appelait déjà GTI depuis la sortie de la Golf éponyme ; et ceux plus hédonistes, moins puristes sans doute, mais plus sages, désireux de revenir au roadster à l’ancienne. Or, ce marché avait quasiment disparu au début des années 80, alors que celui des GTI explosait, notamment avec le lancement de la 205 GTI !

La MX-5 (ou Miata, voire Eunos Roadster) réunira rapidement de nombreux afficionados

L’idée de Mazda, et de Bob Hall, mais aussi de Fukuda ou de Kenishi Yamamoto, ingénieur en chef chez Mazda, c’est qu’il existait un terreau fertile, relativement aisé, et porteur en terme d’image (professions libérales, cadres dirigeants) prêt à se laisser tenter par d’autres plaisirs solitaires. L’idée maîtresse de ce que deviendra la MX-5, c’était sans doute ce côté plaisir sans aller chercher la limite de la voiture. Un moteur à l’avant, plutôt sympa, une ligne basse et sexy, tendance kart, une propulsion : de quoi se faire plaisir dans les virages dès 60 km/h ! C’était évident, mais encore fallait-il y (re)penser. Si j’insiste sur la présence de Hall, Fukuda ou Yamamoto, c’est que ce mythe automobile qu’est et restera la MX-5 ne doit son existence qu’à l’intelligence de quelques hommes persuadés d’avoir raison en dépit des études marketing qui commençaient à fleurir chez tous les constructeurs.

Mais tout ne fut pas aussi simple, et si Mazda fut convaincu du bien fondé du concept (un petit roadster), la marque n’en oublia pas de tâter le terrain en explorant diverses pistes. En 1983, il devenait acquis que cette direction était là bonne, restait à en déterminer les contours. Sous la direction de Masakatsu Kato, le centre de design de Tokyo, celui d’Hiroshima, et celui de Californie allaient devoir se surpasser pour remporter l’affaire. Du côté de Tokyo, on allait s’attaquer à un coupé à moteur central, à la manière d’une Toyota MR plus tard, ou d’une Pontiac Fiero qui donnera naissance à de nombreuses répliques !

A Hiroshima, la tendance allait vers un roadster à moteur avant et traction avant, permettant notamment de nombreuses économies d’échelle : il suffisait de reprendre la plate-forme existante d’une traction de la gamme. En Californie en revanche, sous l’impulsion toujours de ce même Bob Hall, on restait puriste, avec une architecture proche de celle des roadsters anglais justement : moteur avant et propulsion. Certes, le projet d’Hiroshima était plus économique, tandis que celui de Tokyo était plus radical, mais celui de Californie reflétait mieux la tendance du moment : d’ailleurs, la clientèle envisagée n’était-elle pas justement californienne ? La facilité aurait été de choisir le projet Hiroshima. La réalité, c’était que, pour bouleverser le marché, il fallait rester focus sur ce que représentaient les MG ou Triumph de l’époque : ni ordinaires, ni sportives, juste elles-mêmes !

Choix cornélien pour les dirigeants de Mazda : allait-on choisir la facilité ? Préférer la radicalité ? Ou prendre le risque d’avoir raison seul contre tous ? Ce sera finalement l’option californienne qui sera retenue : un petit cabriolet, devenant coupé grâce à un hard top, avec le moteur à l’avant et les roues motrices à l’arrière. Un condensé de liberté procurant du plaisir malgré les limitations de vitesses américaines. Encore aujourd’hui, la MX-5 prouve sa pertinence malgré les 80 km/h devenus « top speed » !

Rien n’aura été facile pourtant : la direction de Mazda penchait pour l’option « tout à l’avant », et en 1984, rien n’était joué. Mais entre les sketchs séduisants et la réalité de la maquette, il y a un pas que franchira aisément le projet Duo101 (le projet californien). Des trois propositions, c’est celle qui était la plus aboutie, et la plus séduisante. En outre, les équipes avaient tenu compte des questions économiques, en se basant sur une vieille 313 propu ! La Duo 101 deviendra ensuite V705 en passant chez IAD, en Angleterre : un châssis poutre sera réalisé sur mesure, tandis que moteur et transmission provenaient de la 323. De quoi donner des sueurs froides à la Fiat X1/9 encore en production chez Bertone malgré son grand âge ou à la toute nouvelle Reliant Scimitar SS1 qui voulait justement, avec peu de moyens, prendre la place de MG et Triumph en Angleterre.

Finalement, c’est en 1986 que le projet sera validé, et retravaillé ensuite par le styliste Tom Matano. Cela donnera cette bouille rigolote, rondouillarde mais pourtant musculeuse : tout est dans la nuance, et la MX-5 dite « NA », la première de la série, fait bien les choses en arrivant à concilier sportivité et sympathie. En bonne voiture née dans les années 80, les phares escamotables lui donnent ce petit plus que les suivantes (NB notamment) n’auront plus. A son lancement en 1989, la MX-5 NA ne proposait qu’une seule motorisation : le 1.6 litres de 115 chevaux de la 323 couplé à une BVM 5 vitesses. De quoi largement se faire plaisir !

D’ailleurs, l’atout principal de cette voiture était bien là : le plaisir même avec peu de chevaux (mais bon, la MX-5 ne pèse que 940 kg), l’agilité, et bien entendu les cheveux au vent… Elle fleurait bon les années 60, rappelait vaguement la Lotus Elan première du nom, et franchement, envoyait une vague de fraîcheur sur la production automobile. Le public ne s’y trompa pas, et pour la première année de production (AM 90), la MX-5 (ou Miata aux USA) se vendit à 51 636 exemplaires : pas mal pour un créneau soi-disant moribond. Certes, les ventes tombèrent en 1991 à « seulement » 38 287 unités, puis stagnèrent aux alentours de 20 000 ex par an jusqu’en 1997 et son remplacement par la NB, mais avec un total de 215 364 MX-5 NA produites, la démonstration était faite.

Les autres constructeurs ne pouvaient que constater : il existait un marché pour les petites voitures hédonistes. Piquée au vif, la marque MG (propriété du groupe Rover à l’époque, encore indépendant) s’empressa de réfléchir à une concurrente : pour faire patienter, on présenta la RV8 (essentiellement destinée au Japon, tiens tiens), une resucée moderne de la MG B, avant de se lancer dans le grand bain en 1995 avec la MG F à l’architecture paradoxalement moins anglaise, moteur dans le dos ! Chez BMW, on réagit avec la Z3 la même année, mais l’anglaise comme l’allemande était déjà à la bourre, n’apparaissant que 6 années après l’apparition de la Mimix ! Entre temps, la japonaise avait réussi à se créer une communauté de fanatiques ne jurant que par la MX-5.

Bob Hall et « l’esprit » MX-5 au tableau

En 1994, la MX-5 changeait son offre moteur : adieu le bloc unique, place à deux moteurs, un 1.6 de 90 chevaux et un 1.8 de 130. Déjà en 1991, BBR (Brodie Britain Racing) avait « musclé » la Miata (750 exemplaires environ dont 22 seront des très rares mais officiels MX-5 NA Le Mans) grâce à un Turbo, portant le 1.6 à 150 chevaux, mais avouons-le, la MX-5 se déguste en atmosphérique. Une chose est sûre : tous les possesseurs de MX-5 NA sont unanimes, quel que soit leur moteur. En 90, 115 ou 130 chevaux, tous vous diront « c’est de la balle ». Certes, les 90 chevaux du « petit » 1.6i pourront sembler a priori justes, mais en réalité, peu importe, puisque l’essentiel subsiste : une voiture marrante à conduire, facile à vivre, dont le seul défaut reste d’être un plaisir égoïste. Souvent, la MX-5 sera la voiture plaisir avant mariage, ou, a contrario, la voiture plaisir après le départ des enfants de la maison ! Je ne compte plus les copains qui possèdent, ou possédèrent, une MX-5.

Découvrir l’histoire passionnante de la MX-5 en détail sur l’excellent site Automobiles Japonaises

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