Maserati Quattroporte II : la scoumoune française du haut de gamme
A l’occasion d’un événement organisé par Pirelli, j’ai pu faire une petite balade en Champagne à bord, notamment, d’une Maserati Ghibli S Q4. Car si certains constructeurs de voiture de sport sont venus assez tard aux berlines 4 portes (Porsche Panamera, Aston Martin Rapide), le constructeur au trident, lui, produit des berlines depuis 1963. Et si la Ghibli III usurpe un peu son nom (les Ghibli I et II étaient des coupés), elle reste dans la tradition de la maison modénaise ! Bref, au volant de mon italienne, je me disais qu’il me serait difficile d’en faire un vrai compte rendu, ne l’ayant conduit qu’une petite heure… Mais en voyant défiler la campagne française, elle me fit penser à une autre Maserati, bien plus rare, avec 4 portes elle aussi, et aux accents particulièrement français justement : la Quattroporte II.
A ceux qui trouvaient la DS sous-motorisée, ou qu’il manquait à la SM deux portes supplémentaires (si l’on oublie l’Opéra, lire aussi : Citroën SM Opéra), et qui voulaient si possible rouler dans une voiture haut de gamme française, la Maserati Quattroporte II est (presque) faite pour vous ! J’entends déjà les murmures dans la salle : « quoi, une Maserati, une voiture haut de gamme française ? ». Oui je sais j’exagère un peu, mais pas tant que cela, car cette voiture, cette deuxième génération de berline en provenance de Modène, est bien plus française qu’on ne le croit.
Avec Citroën, la Quattroporte rentre dans la modernité: style signé Gandini, traction avant, suspensions hydrauliques !Pourtant, celle qui devait succéder à la Quattroporte I n’avait rien de français à l’origine. Le projet AM121 est en effet basée sur le châssis de l’Indy, dispose du V8 4.9 de la gamme, et dessinée par Pietro Frua. Cette élégante berline ne passera pourtant pas le stade du prototype, car entre temps, en 1968, la firme française Citroën, désireuse d’obtenir à moindre coût un moteur pour sa future SM (lire aussi : Citroën SM), rachetait à la famille Orsi le fameux constructeur de Modène. Si le but premier était bien de s’offrir une motorisation digne du future coupé aux chevrons, l’idée d’une marque de luxe complétant la gamme Citroën par le haut n’était pas idiot. Personne ne pouvait prévoir la crise pétrolière de 1973 (du moins à l’époque) et les recherches dans les moteurs rotatifs n’avaient pas encore grignoté la trésorerie !
Aussi lorsque Citroën prend le contrôle de Maserati, elle n’oubliera pas de « tenter » de développer ou renouveler la gamme. La période « française » donnera naissance notamment à la Khamsin (lire aussi : Maserati Khamsin) et donc à cette fameuse Quattroporte II. Aux oubliettes le projet 121, place au projet 123, avec un tout nouveau concept importé de France : traction avant, suspension hydraulique, et châssis de SM, rien que cela ! Je vous l’avais dit qu’elle était un peu française.
Avec la crise pétrolière de 1973, le choix d’utiliser le fameux V6 de la SM, conçu par Maserati, s’avérait une bonne idée, car bien moins gourmands que les V8 maison, tandis que les avancées techniques Citroën conférait à cette voiture un confort inégalable. D’une certaine manière, et sur le papier, la Quattroporte II avait tout pour elle. Sauf peut-être le style : dessinée par Gandini pour Bertone, elle se voulait moderne, en rupture avec la Quattroporte I, mais gardait un profil un peu sage, qui d’une certaine manière a plutôt mal vieilli aujourd’hui (quoique mieux que la Quattroporte III qui lui succèdera).
Surtout, Citroën avait sous-estimé l’attachement à la propulsion des clients potentiels. Avec une traction, la puissance à passer sur les roues avant est forcément limitée : avec son V6 3 litres, la Quattroporte II ne pouvait offrir plus que 190 ch, soit déjà 20 de plus que la SM. Pas suffisant cependant : une version 3,2 litres sera proposée dès 1975, avec 200 ch, puis au moins un exemplaire recevra une version poussée à 210 ou 220 ch selon les sources (avec une boîte automatique, la boîte Citroën ayant du mal à passer cette puissance!).
L’intérieur reste quant à lui très… Maserati !C’est au salon de Paris 1974 qu’est présentée la Maserati Quattroporte II (une voiture française je vous dis!), mais sa carrière semble déjà démarrer sous de mauvais auspices. Le torchon brûle entre Citroën et Maserati, la trésorerie est vide, et la marque française proche de la faillite. Le rachat par Peugeot sonne le glas de l’aventure italienne, Maserati est mise en faillite, puis rachetée par Alejandro de Tomaso qui s’empressera de mettre en chantier le projet AM330 pour remplacer cette berline invendable. Officiellement, la Quattroporte II restera au catalogue jusqu’à son remplacement par la Quattroporte III en 1978. Mais la production restera toujours confidentielle, puisque seuls 13 exemplaires seront construits, dont un prototype.
En mouvement, la Quattroporte II devient plus dynamique à l’oeil !Cette naissance cahotique au pire moment de l’aventure Citroën/Maserati aura réduit à néant les chances de cette grande berline. Peut-être doit-on y voir la scoumoune française côté haut de gamme exportéeen Italie ? De toute façon l’environnement n’était pas favorable à un tel lancement, et la tourmente de la maison mère empêcha sans doute une diffusion plus large. Reste qu’aujourd’hui, la Quattroporte est une voiture terriblement BR : (très) rare, au dessin atypique, malchanceuse, historique, franco-italienne pour le meilleur et surtout pour le pire, un bel exemple de coopération ratée, et rien que pour cela, j’en veux une !