Lancia Flavia : innovante et méconnue
Il fut un temps où la marque Lancia comptait encore dans le monde de l’automobile. Aujourd’hui, la marque est cantonnée à son marché local et condamnée à terme (à moins que la fusion FCA/PSA ne change la donne ?), mais dans les années 60, rouler en Lancia était une preuve de classe, de distinction, d’avant-gardisme même. Cette réputation, Lancia la doit beaucoup à son nouveau modèle lancé en 1960 et réalisé par le fameux ingénieur Antonio Fessia.
À cette époque, la marque italienne n’était pas encore tombée dans le giron du groupe Fiat. Fondée en 1906, elle s’était forgée une image innovante (première électrification, premier châssis monocoque, première boîte de vitesse à 5 rapports, etc), mais pour passer le cap des années 50 et de l’industrialisation de masse, il fallut s’adosser à plus gros, plus solide car dès 1954, les ventes étaient mauvaises tandis qu’en 1955, la mort du pilote maison Ascari mettait sur la sellette le patron Gianni Lancia. Adieu la compétition et bienvenu à un nouveau propriétaire, Carlo Pessenti, patron du puissant producteur de matériaux de construction, Italcementi.
Il fallait donc, en cette fin des années 50, relancer la machine. Antonio Fessia, qui venait de chez Fiat, était un fervent défenseur de la traction qui se répandait un peu partout en Europe et notamment en France. Avec l’appui de Pessenti, Fessia allait alors pouvoir développer une toute nouvelle voiture reprenant les principes déjà exposés en 1947 sur son prototype F11. Faisant table rase des précédentes productions signées Lancia, il créa une berline au style conventionnel signé Piero Castagnero, mais proposant toute une série d’innovations.
La première traction italienne
Il s’agissait donc d’une traction dotée de joints homocinétiques révolutionnaires, dont la carrosserie était monocoque et autoporteuse tandis qu’un essieu rigide prenait place à l’arrière. Le système de freinage était à double circuit hydraulique, avec des disques à l’avant comme à l’arrière. Enfin, la boîte de vitesse proposait 4 rapports entièrement synchronisés. Autant de caractéristiques qui la rendaient très moderne et désirable.
La grande nouveauté chez Lancia se trouvait aussi sous le capot avant : un 4 cylindres, certes, mais à plat (ou Boxer), avec deux arbres à cames… dans le carter. Le 1 500 s’avérait bien né et très fiable, mais un peu juste avec ses 78 chevaux pour mouvoir la tonne bien tassée de la nouvelle Flavia. Heureusement, dès 1963, une évolution de 1 800 cc viendra renforcer l’offre, avec 92 chevaux (voire 102 chevaux grâce à l’injection mécanique Kugelfischer en 1965). En 1967, pour la deuxième série, un 2 litres enfoncera même le clou avec 131 chevaux.
Mais revenons à l’année 1960. Présentée en décembre, la Flavia venait s’intercaler entre la “petite” Appia et la “grosse” Flaminia, reprenant la tradition d’une voie romaine. Les journalistes invités à essayer la nouveauté furent partagés tant la voiture était prometteuse mais un peu juste en puissance et aussi trop “carrée” et consensuelle. À l’inverse, le public répondit présent dès le début de la commercialisation en janvier 1961, provoquant des délais de livraison de 4 mois !
La Lancia Flavia Coupé dessinée par PininfarinaUn coupé, un cabriolet et une “Sport”
Consciente du manque de sex-appeal de son porte-étendard, malgré son succès, Lancia allait opportunément élargir la gamme en 1962 avec un fabuleux coupé signé Pininfarina, mais aussi un cabriolet plus spécial dû à Vignale (enfin Michelotti pour être précis) et une étrange version Sport venant de chez Zagato : trois carrosseries d’un coup pour affermir l’image de la Flavia qui n’en demandait pas tant. Chacun pouvait alors trouver sa Flavia, celle qui s’approchait le plus de ses goûts et de ses besoins. La berline, quant à elle, pouvait emporter 6 passagers à bon train dans un certain confort, les coupé, Sport et cabriolet s’adressant à une clientèle plus hédoniste !
La Flavia Convertible est signée Michelotti pour VignaleEn 1967, le restylage obligea à restreindre un peu la gamme : adieu Convertible et Sport à la production de toute façon confidentielle (1 601 exemplaires pour la première, 727 pour l’autre), ne restait plus que la berline et le coupé (qui au passage perdit un peu de sa personnalité). En 1969, Italcementi jetait l’éponge et vendait sa participation à Fiat. C’en était fini de l’indépendance et la Flavia finira par s’éteindre en 1971, laissant la place à une évolution nommée sobrement 2 000 (berline comme coupé). Cette dernière ne restera que quatre ans sur le marché avant de céder sa place à une vraie nouveauté : la Gamma !
L’étrange Flavia Sport est due à ZagatoEn plus des Sport et Convertible, la berline se vendra à 63 543 exemplaires et le coupé à 19 293 unités. La 2 000 trouvera quant à elle 17 066 clients (dont 2 628 pour le coupé). Sachez pour la petite histoire que quelques exemplaires (312 pour être précis) furent produits en Afrique du Sud, sans doute en CKD. Aujourd’hui, la Flavia est un choix intéressant en collection. Si évidemment les versions les plus rares (Sport Zagato ou Cabriolet Vignale) commencent à coûter relativement cher, le coupé Pininfarina est beaucoup plus abordable, sans parler de la berline dont le look passe-partout enchante moins le collectionneur. Dommage car à vrai dire, elle a gagné beaucoup de charme avec les années, profitant aussi d’une certaine parenté stylistique avec la Fulvia sortie en 1963.