Jensen CV8 : elle a les yeux revolver !
Si tout le monde connaît Jensen, c’est en grande partie grâce à la fabuleuse Interceptor deuxième du nom, un premier modèle ayant été lancé dans les années 50, et sa fameuse déclinaison FF (lire aussi : Jensen Interceptor et FF). Pourtant, réduire Jensen à la seule Interceptor serait bien dommage car le petit constructeur anglais, spécialiste des carrosseries en fibre de verre, réalisa d’autres voitures dignes d’intérêt, pour les autres (comme la Volvo P1800 pour sa première série), en partenariat comme les Jensen-Healey et GT, ou pour sa propre marque, notamment la CV8 dont voici la petite histoire.
On considère comme une marque de fabrique l’alliance des caisses Jensen avec des gros moteurs Chrysler, à l’instar de Bristol (lire aussi : Bristol Blenheim). Ce n’est pourtant qu’en 1962, avec l’apparition de la CV8, que cette association est inaugurée. Jusqu’alors, les modèles Jensen, comme la 541 à laquelle la CV8 succédait, ou la première Interceptor, utilisaient des 6 en ligne Austin.
En ce début des années 60, alors qu’on étudie la CV8 destinée à remplacer la 541, Jensen est un tout petit constructeur. Il ne changera de dimension qu’avec l’Interceptor II, qui causera pourtant sa perte. Jusqu’alors, Jensen ne produisait qu’à quelques centaines d’unité par an au maximum (la berline PW se vendra à un vingtaine d’exemplaires, l’Interceptor à 88, et la 541 trouva 546 acheteurs), et gagnait sa vie en produisant des carrosseries pour d’autres (comme l’Austin Gipsy), voire quelques utilitaires (camionnettes, bus).
Depuis la fin de la guerre, tous les modèles lancés par Jensen (sauf la PW) furent dessinés par Eric Neale, un ancien de chez Wolseley. C’est le cas aussi de cette CV8 qui héritera de ce regard si particulier qui fait à mon sens tout son charme. Elle utilise, comme la 541, une carrosserie en fibre de verre et des portes en aluminium. La vraie nouveauté réside dans le choix d’un nouveau moteur, américain, un V8 Chrysler 361ci (5,9 litres, 305 ch) puis 383ci (6,3 litres et 335 ch) à partir d’octobre 63 et la version Mk2. Une version Mk3 dotée du même moteur apparaîtra en juin 1965.
Côté boîte de vitesse, l’essentiel des ventes se feront avec la boîte automatique 3 vitesses d’origine Chrysler, mais 9 exemplaires recevront une boîte manuelle 4 vitesses. Côté modèles « spéciaux », un cabriolet et un modèle type targa seront construits par l’usine, sans suite. Surtout, un modèle de CV8 servit de mulet pour la fameuse Jensen FF, recevant donc en 1965 la fameuse transmission intégrale Ferguson !
La CV8 est plutôt rare, malgré un excellent taux de survie. Seuls 520 exemplaires seront produits entre 1962 et 1966, dont 89 Mk1, 250 Mk2 et 181 Mk3. Sur ces 520 voitures, seules 10 reçurent un volant à gauche, ce qui montre bien qu’à l’époque, une Jensen s’achetait et se conduisait essentiellement en Grande Bretagne. C’est d’ailleurs en cela qu’elle est intéressante, car malgré son moteur américain, elle distille tout le charme des voitures de sport anglaises de ces années 60, le tout avec des performances de premier plan pour une 4 places : 219 km/h en vitesse de pointe, et le 0 à 60 mph (97 km/h) en 6,7 secondes. A l’époque, c’était plutôt pas mal.
Totalement éclipsée par l’Interceptor, la CV8 a pourtant gardé une certaine cote de sympathie en Angleterre, à tel point que pour tenter de faire revivre la marque à la fin des années 90, c’est d’elle qu’on s’inspirera pour lancer la Jensen SV8, qui ne sera construite qu’à 20 unités. Il faut dire que son regard « qui tue » si particulier avait marqué les esprits !
Les CV8 se trouvant essentiellement en Grande Bretagne, n’espérez pas en trouver une facilement en France. Si vraiment ce modèle décalé et étonnant vous tentait, c’est outre-Manche que vous trouverez votre plaisir, notamment en vous mettant en relation avec le JOC, le Jensen Owners’ Club (https://www.joc.org.uk/). Bonne chasse !