Ford Scorpio Mk2 : batracien de luxe !
Il est de bon ton de se moquer de la Ford Scorpio, deuxième du nom. Autant la première génération pêchait par manque de caractère, autant cette dernière mouture avait un peu trop exagéré l’enthousiasme que sa ligne étonnante provoquerait chez les consommateurs potentiels. Il semblerait qu’il ne fasse jamais bon être trop excentrique sur le segment de marché des grandes berlines, où le notaire de province veut en imposer et imposer sa réussite tout en restant dans le rang de « ce qui se fait ».
Etonnament, Ford ne communiqua jamais sur le nom du responsable du design de cette drôle de bestiole ? Sans doute pour le protéger des quolibets, et pour lui assurer de continuer sa carrière. Bel état d’esprit en tout cas, car la marque, qui avait validé le projet, aurait pu le lâcher complètement et dire : « c’est de sa faute, nous on voulait pas ». Assumant jusqu’au bout, Ford eut l’outrecuidance de croire qu’on pouvait bousculer un peu les codes du haut de gamme. Grave erreur. Cela dit, on aurait tort de se moquer, nous, français, puisqu’en seulement 5 ans de production, il s’en vendra plus que de Renault Vel Satis et de Citroën C6 réunies ! Quatre ans après sa disparition, Lancia tentera même un design approchant (quoique plus réussi, et plus original) avec la Thesis, sans réussir à atteindre les mêmes niveaux de vente !
Alors oui, avec 98 587 exemplaires vendus, la Scorpio Mk2 était un échec… Mais dans la catégorie des berlines qui osent, elle ne s’en était pas trop mal tirée ! La force sans doute d’une marque comme Ford, présente dans toute l’Europe, Angleterre comprise, avec un réseau de distribution performant. Mais sans doute aussi grâce à des qualités insoupçonnables en regardant son look !
Parlons en de cette ligne justement. Si l’arrière n’est pas si raté que cela, avec son bandeau lumineux traversant la poupe lui donnant un air typique des grandes berlines américaines de l’époque, l’avant en revanche… Comment dire ? Spécial serait un peu faible. Moche ? Plus sûrement. La faute sans doute à ces yeux globuleux tombant vers le bas, encastrés dans des ailes mollassonnes tombantes elles-aussi ! Un air tout mou, pour une berline toute molle.
Cette berline propulsion qui se voulait nouvelle en 1994, année de son lancement, n’était en fait qu’un très gros restylage de la précédente Scorpio sortie en 1985. Contrairement à elle, seules deux carrosseries étaient disponibles, 4 portes tricorps, ou break. Sous le capot, les moteurs évoluent peu eux aussi depuis les dernières versions de la Scorpio Mk1 restylée de 1991 : un 2.0 litres de 136 chevaux, un 2.3 de 147 chevaux, et un V6 « Cologne » revu par Cosworth (tout de même) de 2.9 litres et 207 chevaux. Avec ce dernier, cela commence à devenir intéressant ! En diesel, Ford est allé se fournir chez les italiens de VM Motori, avec un 2.5 litres TD de 115 puis 125 chevaux à partir de 97 !
A la lecture de la liste des moteurs, vous commencez à voir où je veux en venir. Oui, si la Scorpio Mk2 est moche, elle est originale, s’est mal vendue, et donc, vous permettra d’acquérir un V6 à 24 soupapes de plus de 200 bourrins pour une bouchée de pain, le tout dans un très grand luxe (pour l’époque). A l’américaine certes, mais de production allemande (ouf).
Bon, of course, ne vous attendez pas à une sportive, malgré le nom de Cosworth accolé à son moteur. La berline est lourde (1,5 tonne), et pas forcément très agile. Cela dit, est-ce vraiment cela que vous chercheriez si d’aventure vous vous laissiez tenter par une acquisition ? Non, ces voitures là son fait pour rouler sur un filet de gaz, profitant du couple quand cela est nécessaire, et permettant de cruiser largement au delà des limites de vitesses sur autoroutes, et pas du tout pour enquiller les virages de petites routes de montagne. Il faut savoir ce que l’on veut.
Cela dit, il vous faudra quand même une bonne dose d’auto-dérision, et un savoir garder son flegme face aux quolibets des sceptiques devant votre batracien dopé aux hormones et aux amphet’ ! Mais d’une certaine manière, c’est aussi cela avoir la classe ! « Pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu’ils disent ». Et puis dites-vous qu’en plus de posséder ce qui deviendra inévitablement un chef d’oeuvre du design des années 90 dans quelques années (mais sans doute lointaines), vous aurez la joie de griller le béotien en Seat mazoutée au feu rouge ! C’est un petit plaisir, mais qui peut suffire à faire passer la pilule d’un look… étrange. Cela dit, bientôt de nombreux hommes de goûts rouleront en Vel Satis, en Thesis, et surtout en C6, la plus belle de toutes les tentatives (et l’un des plus beau bide aussi), rien que pour faire chier les tenant du bon goût à l’allemande. Question de principe !