Ford Ranger : le bon petit soldat !
En juin dernier, les bien pensants toujours en retard d’un train s’offusquaient du choix qu’avait pu faire l’armée de Terre Française en commandant 1000 exemplaires du Ford Ranger « sur étagère ». Cela avait été l’occasion pour moi de remettre un peu les choses dans leur contexte et de tordre le coup aux facilités électorales ou journalistiques pour rappeler certaines vérités (lire aussi : Le Ford Ranger commandé par l’Armée Française). Pour résumer, certains petits malins s’excitèrent à l’époque en criant au scandale d’un choix « étranger » (il est vrai que le Ford Ranger destiné aux marchés européens comme à l’armée française est fabriqué en Afrique du Sud) pour remplacer l’antique Peugeot P4 (lire aussi : Peugeot P4), voiture de conception allemande (Mercedes Class G), dont les carrosseries et les trains roulants étaient fabriqués en Autriche, pour ne recevoir que leur moteur, leur boîte de vitesse et leur peinture en France !
On a tout dit et surtout n’importe quoi à ce moment là, oubliant que les équipements d’aujourd’hui ne sont plus comparables aux équipements d’hier. Aujourd’hui, à chaque mission son véhicule, et finalement, le vénérable P4 est remplacé par une multitude de véhicules adaptés, parfois français (Panhard PVP, Renault Sherpa), parfois un peu des deux façon P4 (lire aussi : Panhard VPS), voire carrément étrangers comme le Land Rover Defender. Etrange d’ailleurs de voir que les Defender n’ont jamais été pourfendus, contrairement au Ford Ranger : sans doute parce qu’il est plus difficile d’égratigner une icône !
Ford Ranger au garde à vous !Bref, ne revenons pas là-dessus, l’affaire est on ne peut plus claire : pour des missions de liaisons (et non pour les opérations extérieures), et notamment dans le cadre d’un Vigipirate renforcé qui obligeait l’armée à louer à prix d’or des véhicules plus urbains que les P4, il a été décidé de prendre une décision d’urgence en achetant le meilleur 4×4 au meilleur prix, référencé par l’UGAP, disponible quasiment de suite à 1000 exemplaires (pour partie des anciens modèles, ce qui explique aussi le tarif préférentiel qui permettait à Ford d’écouler ses stocks avec l’arrivée du nouveau Ranger) : le Ford Ranger Pick up, qui en outre répondait point par point aux exigeances de l’armée en terme de places (5 passagers), de capacité d’emport sur la benne, de capacité de traction et bien entendu de capacité tout terrain, tout en préservant la polyvalence.
Suite à ce premier article, il était évident pour Ford de me proposer de venir tester ce nouveau Pick Up 4×4, afin de donner une suite à tout cela. Je me rappelle notamment avoir lu dans les commentaires, ou sur les forums automobiles, un paquet d’affirmations du genre : « le Ranger est nul en tout terrain » ou « il aurait fallu prendre des Nissan Navara, ou des Toyota Hilux ». Pour la partie tout terrain, j’y reviendrai. Quant au choix du Ranger, face à ses concurrents, il convient de remarquer qu’il a pris la tête du segment 4×4 Pick up en Europe comme en France au nez et à la barbe des deux japonais qui, je le rappelle, n’étaient pas référencés par l’UGAP. Affaire classée.
Pour cette petite escapade en Ranger (sans mes rangers, mais j’aurai peut-être du vu la gadoue que nous avons affronté), j’étais accompagné par l’estimé et estimable Renaud Roubaudi, de l’excellent site « Petites Observations Automobiles » (http://petites-observations-automobile.com/). Autant vous dire qu’avec deux lascars bavards l’un comme l’autre, et qui se connaissent par cœur, la discussion a été longue, riche et passionnante. Si nous convenions que les 50 km d’autoroute auraient été plus agréables l’un avec sa Saab 9-5, l’autre avec sa Jaguar XJ40, une chose nous est apparue évidente : avec le Ranger (surtout dans la finition Wildtrack que nous avions, le haut de la gamme), on sort de l’utilitaire tape cul et inconfortable (du vieux Pick up rincé des années 80 aux Peugeot P4 du trouffion) pour rentrer dans le domaine de la berline. Surtout dans cette version double cabine (il existe 3 versions, simple cabine 2 places, Supercab 4 places avec portes antagonistes, et double cabine 5 places).
Avec son 5 cylindres 3.2 litres TDCi 200 chevaux, on était pas mal tous les deux, dans notre beau 4×4 en livrée orange ! Côté gueule, on dira ce qu’on voudra, le Ranger en a, avec sa nouvelle calandre rappelant l’Amérique ! Mais tout le monde n’aura pas la chance (ou les moyens) de s’offrir cette version haut de gamme : le moteur le plus petit n’offre « que » 130 ch (2.2 TDCI), tandis que le milieu de gamme monte à 160 ch (2.2 TDCi aussi). D’ailleurs, le marché des pick up s’ouvre à une nouvelle clientèle, celle des particuliers, même si la majorité des clients reste encore issue du monde de l’artisanat ou de l’agriculture. Si en tant que particulier, la TVA n’est pas récupérable, ce type de 4×4 « utilitaire » dispense du malus (ce n’est pas négligeable, notamment avec le 3.2 litres). D’ailleurs, la version Wildtrack que nous conduisions, avec son équipement complet (digne d’une berline) et ses surpiqûres oranges, s’adresse bel et bien à cette clientèle de particuliers moins « rustiques ».
Le Wildtrack s’adresse plus particulièrement aux particuliers, avec son intérieur soigné !Mais parlons de choses sérieuses : le tout terrain ! Après avoir fait joujou dans la benne pour les besoins des images de POA, direction la forêt et la carrière, afin d’exploiter toutes les possibilités de ce Ranger en utilisation 4×4. D’ailleurs, 3 positions possibles sur la boîte de vitesse : 4×2 (id est propulsion), 4×4 Longue et 4×4 Courte en condition « difficile ». Je ne suis pas un pro du tout terrain, c’était même la première fois que j’en faisais réellement, et j’avoue avoir été bluffé par les capacité de notre Ranger entre mes mains inexpérimentées. A aucun moment, et malgré la difficulté du terrain, je ne me suis senti coincé. Monter, descendre, traverser les flaques d’eau de 50 cm ou les ornières boueuses, tout cela m’a semblé d’une facilité déconcertante. Alors bien entendu, je n’ai pas beaucoup de points de comparaisons, mais une chose est restée gravée dans ma petite tête : ceux qui disaient le Ranger « nul » dans ses conditions ne l’avaient sans doute jamais conduit. Pire, je ne suis pas sûr que le Duster (fabriqué je le rappelle en Roumanie) ou le Berlingo (fabriqué en Espagne), qu’on lui mettait en concurrence, auraient pu passer là où nous sommes passés.
Et puis il faut bien l’admettre : conduire le Ford Ranger, c’est en quelque sorte devenir américain, même sans sortir des sentiers battus. C’est sans doute cela qu’on lui reprochait le plus en juin dernier : son image yankee incompatible avec notre « indépendance » militaire rêvée ou fantasmée depuis la sortie de l’OTAN par le général de Gaulle en 1965. Un Land Rover, passe encore, ça fait très SAS et surtout, c’est une légende. Tandis qu’un Ranger nous rappelle directement l’Amérique envahissante imposant ses matériels aux armées alliées (vassales?). C’est oublier rapidement que nous avons préféré concentrer (à tort ou à raison) nos efforts et nos budgets sur des matériels sensibles (Rafale, Tigre, Leclerc, Charles de Gaulle, arme nucléaire) en délaissant les productions difficiles à rentabiliser et peu stratégiques (les véhicules légers). Si le marché était si appétissant que cela, cela ferait belle lurette que PSA ou Renault auraient proposé un véhicule adapté. Ils ne le faisaient déjà pas dans les années 70 alors que le marché du remplacement des Willys-Hotchkiss concernait plus de 10 000 véhicules à l’époque, alors aujourd’hui, on peut dire qu’ils ont d’autres chats à fouetter !
Bref, je ne suis pas forcément compétent pour juger le Ranger face à ses concurrents, mais j’ai pu constater qu’il s’agissait d’une machine tout à fait digne en tout terrain, bien équipée (j’imagine que l’Armée de Terre n’aura cependant pas la version Wildtrack), avec pour le double cabine entre 1030 et 1190 kg de charge utile selon les versions, et une capacité de traction de 1800 à 3500 kg . A le conduire, je me dis que, sans concurrence française véritable, ce Ford Ranger n’est pas un choix idiot. Et pour les particuliers non plus ! Toujours disponible, prêt à l’effort, élégant à la ville, et besogneux à la campagne, efficace: un vrai bon petit soldat au garde à vous !
Le Ford Ranger n’était pas le seul au garde à vous ce jour là !PS : le remplacement des P4 était prévu jusqu’en 2020 dans la loi de programmation militaire. Cependant, l’utilisation intensive du matériel dans le cadre d’opérations extérieures de plus en plus longues, multiples, avec de réels engagements militaires (Afghanistant, Mali, République Centrafricaine entre autre), mais aussi dans le cadre d’opérations intérieures (Vigipirate) ont obligé à réagir rapidement. Pas par manque de préparation donc, mais parce que la LPM ne prévoyait pas tous ces engagements. Plus on l’utilise, plus un matériel s’use vite et coûte cher en entretien : CQFD !
Images: Ford France JEAN-MICHEL LE MEUR / DPPI