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Ferrari 12Cilindri : puisque vous partez en voyage

Par Nicolas Fourny - 22/11/2024

« La 12Cilindri vous emporte jusqu’à sa zone rouge dans un rugissement dont la mélodie ne laissera pas votre âme indemne »  

De tout temps, le sommet de la gamme Ferrari a été incarné par une berlinette à moteur V12, celui-ci se trouvant le plus souvent installé à l’avant, si l’on excepte la longue parenthèse des BB et Testarossa. Depuis un quart de siècle et l’apparition de la 550 Maranello, le V12 a retrouvé la place qu’il occupait dans les 250 GT, 275 GTB ou 365 GTB/4, prenant ainsi le contrepied de Lamborghini ou de McLaren, chantres éternels du moteur central mais lancés eux aussi dans une course à la puissance qui, sous cette forme, ne prendra fin que lorsque les dernières automobiles à moteur thermique seront définitivement interdites par nos brillants législateurs… En attendant, contre vents et marées, Ferrari continue d’assembler chaque année quelques centaines d’exemplaires de son coupé de grand tourisme le plus emblématique – et de renouveler régulièrement le modèle. La 12Cilindri, dévoilée au printemps 2024, en est la dernière itération…

La gardienne du temple, c’est elle

Il y a d’abord ce nom, 12Cilindri. Comment l’appréhender ? Certains vous diront que c’est avant tout la preuve d’un manque d’imagination : se borner à évoquer son architecture moteur pour désigner un nouveau modèle, cela peut sembler facile – mais, après tout, les glorieuses Alfa Romeo 6C et 8C d’avant-guerre ne procédaient pas différemment… Au vrai, cette dénomination peut aussi résonner comme un potentiel adieu à une longue tradition de Maranello : celle des berlinettes sommitales à moteur 12-cylindres, trônant depuis des lustres au faîte du catalogue Ferrari – hors supercars construites en série limitée, bien entendu… De la sorte, la 12Cilindri revendique avec force, jusque dans son appellation, la perpétuation d’un concept qui, au fil du temps, s’est mis à ressembler de plus en plus à une survivance. Car, si le retour au moteur avant, en 1996, avait déjà pu surprendre, Ferrari continue, par surcroît, à ne pas céder à certaines injonctions de l’époque. Ainsi, la 12cilindri, tout comme la Daytona dont elle célèbre une partie de la physionomie, est-elle toujours mue par un V12 placé à l’avant, strictement atmosphérique et dépourvu de toute hybridation, même légère !

Vous éteindrez la lumière en sortant

Bien sûr, le cheval cabré raisonne différemment à d’autres échelons de sa gamme et prépare un avenir fatalement électrifié, comme en témoignent les 296 ou SF90, sans parler de la toute fraîche F80, dont la tessiture du V6 n’a d’ailleurs pas reçu que des compliments de la part de ceux qui pu l’entendre tourner, ou du futur SUV électrique (que Dieu nous vienne en aide) dont les prototypes sillonnent les routes de l’Émilie-Romagne depuis quelque temps déjà. À cette aune, la 12Cilindri s’apparente donc volontiers à une sorte de dernier des Mohicans, d’ultime démonstration d’un savoir-faire refusant obstinément d’accepter sa fin. Pourtant l’horloge tourne et de sinistres échéances approchent qui, tôt ou tard, sonneront le glas de ces machines qui, pour beaucoup d’amateurs, correspondent à une forme d’idéal automobile, la quintessence du grand tourisme selon Enzo Ferrari lui-même qui, interviewé dans l’Auto-Journal en 1984, avait eu cette phrase définitive : « La véritable noblesse, c’est le douze-cylindres ».

Le retour de l’élégance

Premier modèle véritablement inédit à ce niveau de gamme depuis la F12berlinetta présentée il y a douze ans, la 12Cilindri ne se contente pas, contrairement à la 812 sortante, d’actualiser un design préexistant. La carrosserie et l’habitacle sont entièrement inédits et, si ce dernier s’inspire largement des dernières réalisations de la marque, le style extérieur n’hésite pas à explorer des voies nouvelles, tout en retrouvant une relative sobriété, notamment par rapport à la 812 Competizione, franchement outrancière à notre goût. Ici, le design est devenu moins chargé, s’est débarrassé des lourdeurs et des accessoires surjoués de sa devancière. L’efficience aérodynamique parvient à progresser encore en dépit d’une carrosserie moins torturée. Tout est mieux intégré, plus harmonieux – l’agressivité demeure, mais elle a retrouvé une bonne partie de l’élégance de feue la 599. Nous n’irons cependant pas jusqu’à parler de dépouillement ; la 12Cilindri, même dans les coloris les plus neutres de son nuancier, n’a pas été conçue pour être discrète. Son mufle hiératique de Daytona contemporanéisée, son capot démesuré, ses énormes pneumatiques (du 315 à l’arrière !) s’entendent merveilleusement bien pour redéfinir le magnétisme unique des Ferrari de ce calibre. Et puis, il y a le bruit…

Le V12 aux mille visages

… enfin, la musique, voulons-nous dire. Sous le capot magistral qui se soulève en entraînant les ailes avant avec lui, l’on retrouve, avec autant de plaisir que de respect, le V12 tipo F140 HD dont les origines remontent à l’Enzo. Comme on s’en doute, cette vieille connaissance a profité de l’occasion pour évoluer encore, mais de façon nettement moins spectaculaire que son nouvel écrin – puissance identique, couple en léger recul mais meilleure disponibilité. À partir d’une cylindrée inchangée, ce moteur de légende développe toujours 830 ch au régime immuable de 9250 tours/minute ; le couple atteint pour sa part la valeur faramineuse de 678 Nm, disponibles dès 2500 tours. À bas régime, en circulation urbaine, l’héritier des douze-cylindres les plus mythiques de l’histoire tourne docilement, sans la moindre irrégularité de marche, comme il sied à un propulseur moderne – mais même les béotiens les plus irrécupérables tourneront la tête en l’entendant approcher. Loin des villes, quand les conditions le permettent – les prérequis, il faut bien l’avouer, sont nombreux : il faut un minimum d’espace vital pour que l’engin puisse s’ébattre correctement –, c’est une autre limonade : la 12Cilindri vous emporte jusqu’à sa zone rouge dans un rugissement dont la mélodie ne laissera pas votre âme indemne.

Message pour l’éternité

« Comparaison n’est pas raison », dit le proverbe. Il n’empêche que quand l’une des plus passionnantes conversations du petit monde des automobiles d’exception, qui se poursuit depuis plus de soixante ans, trouve les ressources d’une énième prolongation, chacun se précipite sur les fiches techniques de Maranello et de Sant’Agata Bolognese, comme au bon vieux temps des Testarossa et des Countach, pour vérifier qui, de Ferrari ou de Lamborghini, domine l’autre. La concordance des calendriers nous y encourage : en moins d’un an, l’Aventador a cédé la place à la Revuelto, puis la 12Cilindri a envoyé la 812 au musée. Sur le papier, et en attendant de les conduire, on serait tenté de conclure à un match nul ; la Lamborghini – toujours à quatre roues motrices, contrairement à la Ferrari – développe certes 1015 ch avec l’aide de ses machines électriques, mais son V12 à soi seul n’atteint « que » 825 ch, soit cinq de moins que la Ferrari ; elle roule officiellement 10 km/h plus vite mais, en définitive, ce match nous semble très théorique, tant les deux autos sont différentes dans leur architecture, leur style et leur approche de la performance – à tel point que, sans doute, celui qui jette son dévolu sur l’une d’elles ne pourrait sans doute pas envisager d’acquérir l’autre. Alors, tradition ou avant-garde ? Quand on détaille son impressionnant package technique, on comprend que l’avantage de la 12Cilindri, c’est que, contrairement à la Daytona face à la Miura, elle ne vous oblige plus à choisir !

6496 cm3Cylindrée
830 chPuissance
340 km/hVmax



Texte : Nicolas Fourny

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