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Venturi : Monsieur l'Ambassadeur Sacha Lakic !

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 06/10/2014

C’est en discutant la veille avec le responsable de la communication de Venturi (lire aussi : Venturi lance la production de l’America) que j’ai pu obtenir un rendez-vous avec le designer attitré de la marque monégasque, Sacha Lakic. Je n’espérai pas obtenir plus de quelques minutes d’entretien, Boîtier Rouge n’est pas l’Auto Journal, mais j’y ai passé finalement plus d’une heure, l’homme se prêtant de bonne grâce à la discussion.

Votre serviteur, avec Sacha Lakic, et la Cup221 en fond d'écran (photo @Tomas de Saulieu)Votre serviteur, avec Sacha Lakic, et la Cup221 en fond d’écran (photo @Tomas de Saulieu)

Il faut dire que Sacha Lakic n’est pas sauvage, il aime parler, discuter, cela se sent. Il est surtout simple et accessible, puisque le précédent visiteur n’était autre que Jean Todt venu remettre un prix de la FIA à Venturi. C’est ce qu’on appelle faire le grand écart. En plus d’être agréable, il n’est pas avare de petites anecdotes et d’infos croustillantes. Je ne connais pas Gildo Pastor personnellement, mais j’imagine que les deux hommes s’entendent comme larrons en foire.

La MBK Black Cristal, qui révéla Sacha !La MBK Black Cristal, qui révéla Sacha !

Sacha Lakic commence sa carrière dans l’automobile, chez Peugeot, au design intérieur, avec comme boss le fameux Paul Bracq. Mais la lourdeur hiérarchique du Lion lui pèse rapidement. Après un temps en agence de design, c’est chez MBK que Sacha s’épanouit et prend plaisir à devoir expliquer son travail à des ingénieurs, à faire du beau qui soit utile : être au cœur de l’industrie quoi. Son trip ? Inventer le futur, et c’est avec des créations telle que la Black Cristal ou la Bzzz que le designer se fait un nom et une réputation. Ses créations de 1993 paraissent encore vraiment modernes. Il bosse aussi pour Bimota (lire aussi : Bimota) avec la Mantra.

La Bimota MantraLa Bimota Mantra

C’est pourtant chez Renault que Sacha Lakic arrive finalement, dans l’équipe de Christian Contzen (celle qui oeuvra sur l’incroyable Espace F1, doté du V10 de compétition). Lorsque Gildo Pastor rachète la marque Venturi en 2000, il contacte bien entendu Gérard Godefroy pour s’occuper du design de la marque qu’il compte bien relancer, mais le créateur des premières Venturi ne s’engagera pas dans la nouvelle aventure. Il contacte aussi Renault et Christian Contzen dans l’espoir d’utiliser un châssis Renault. C’est alors qu’il rencontre Sacha Lakic, et repartira avec un « package » : le jeune et talentueux designer et un châssis en alu destiné à la remplaçante du Spider qui ne sortira jamais. Pendant que Sacha carbure, et produit une « tripotée de dessins » comme il dit, Gildo courre après un moteur, et cherche l’appui d’un grand constructeur. De nombreux contacts auront lieu, avec Renault mais aussi à l’étranger, en Allemagne et même en Suède avec Saab (avouez que c’est fort). Lakic présente à Pastor 3 propositions : l’une sage, l’autre futuriste et la troisième entre les deux. C’est cette dernière qui sera choisie et qui donnera naissance à la Fetish.

La Fetish première du nom, qui aurait du être thermique !La Fetish première du nom, qui aurait du être thermique !

A cette époque, il n’est pas question d’électricité, mais d’un moteur thermique pour ce petit roadster séduisant présenté en 2002. Rapidement cependant, Gildo Pastor se rend à l’évidence : il sera difficile d’émerger et de venir concurrencer des constructeurs plus établis comme Lotus et que pour être concurrentiel, il fallait rester dans une gamme de prix de 30 à 40 000 euros : impossible à tenir sans un certain volume de production. Il demande alors à Lakic de concevoir une deuxième Fetish présentée en 2004, et oriente Venturi vers le tout électrique. Sacré pari.

L'intérieur de l'America (photo @Thomas de Saulieu)L’intérieur de l’America (photo @Thomas de Saulieu)

C’est à partir de là que Venturi va se transformer en une sorte de bureau d’étude dédié à l’électricité, dont les voitures seront la preuve vivante de sa maîtrise technique et technologique. C’est à ce moment là que la cassure se fera avec certains amateurs des Venturi originelles. Pourtant, à l’heure où tout le monde se met à l’électricité, c’était à l’époque faire preuve d’un esprit visionnaire : Tesla n’en était alors qu’à ses balbutiements, avec un roadster électrique dérivé d’une Lotus Elise. Une quinzaine de Fetish auraient été vendues malgré tout, ce qui est peu, mais vu leur prix c’est déjà une performance en soi !

Quand on discute avec Sacha, c'est d'arrache pieds (ou à bâtons rompus en tout cas, on est entre passionnés, c'est sûr).Quand on discute avec Sacha, c’est d’arrache pieds (ou à bâtons rompus en tout cas, on est entre passionnés, c’est sûr).

Désormais, c’est l’America qui représente commercialement la marque. Il s’agit en quelque sorte de l’aboutissement du concept Fetish, une sorte de « dune buggy » sportif au look proche de sa devancière, mais subtilement modifié et rééquilibré. Si certains y verront une preuve de plus de l’éloignement de Venturi d’avec ses origines, j’y vois moi un retour aux sources puisqu’un prototype de Venturi Rallye Raid avait été présenté en 1992. C’est ce modèle qu’il aurait fallu exposer aux côtés de l’America, puisqu’elle est encore en possession de la marque et visible à Monaco.

La Venturi Rallye Raid, sur une base Cup221, discret proto du début des années 90La Venturi Rallye Raid, sur une base Cup511, discret proto du début des années 90 (photo Dingo)

D’ailleurs, Sacha Lakic rêverait d’une coupe monotype mêlant goudron et terre pour son America, une sorte de Gentleman Trophy comme à la grande époque, mais à 370 000 euros HT, il sait que cette idée aurait bien peu de chance de voir le jour. Au sujet du prix, il nous révèle d’ailleurs qu’il est dû non seulement à la technologie, mais aussi au nombre de pièces spécifiques, faisant grimper l’addition. La qualité et le design ont un prix.

Sacha me parle design ! (photo @Thomas de Saulieu)Sacha me parle design ! (photo @Thomas de Saulieu)

Quand on évoque le futur, Sacha rigole : bien sûr qu’il est en marche depuis longtemps, qu’il y travaille avec sérieux, sans vouloir en dire plus. Tout juste en dit-il quelques mots : le design de Venturi sera de plus en plus radical ! Et restera sur le créneau de la sportivité. Pas question en tout cas de revenir au moteur thermique, même si la question s’est posée pour ce Mondial de l’Auto. C’est finalement un hommage au passé et au talent de Gérard Godefroy que Venturi aura préféré faire. Et puis était présentée aussi la Formule E de l’équipe Venturi : là encore, on peut y voir un clin d’oeil à la désastreuse aventure en F1 (lire aussi : Venturi et la Formule 1).

L'America, la vitrine commerciale de Venturi (pour 370 000 euros HT) (photo @Thomas de Saulieu)L’America, la vitrine commerciale de Venturi (pour 370 000 euros HT) (photo @Thomas de Saulieu)

Si le stand Venturi était dédié à l’automobile, on pouvait aussi y voir une autre œuvre de Sacha Lakic : la Voxan Wattman. Gildo Pastor avait racheté Venturi dans l’idée de faire perdurer la marque, mais pour Voxan il n’avait pas d’objectif particulier. C’est d’ailleurs Sacha Lakic qui l’y a encouragé, lui qui avait dessiné 2 motos pour la marque auvergnate et qui roule à moto. La marque restera cependant quelques temps en sommeil, jusqu’à ce que les deux compères décident de faire un coup pour le Mondial de la Moto l’année dernière. Et puisque Venturi marchait à l’électricité, pourquoi ne pas faire de Voxan son pendant à deux roues ? Le challenge était intéressant, car « avec une moto, on ne peut pas tricher » dit Sacha. Si sur une voiture on peut planquer ce qui est disgracieux sous une carrosserie, sur une moto, c’est quasiment impossible : tous les éléments doivent donc être esthétiques.

La Voxan Wattman, oeuvre de Lakic.La Voxan Wattman, oeuvre de Lakic.

Le résultat est bluffant, et Sacha ne cache pas son plaisir devant cette moto construite autour de ses batteries insérées dans un bloc d’alu. Il confesse avoir été inspiré par Tron, comme en témoigne les jeux de lumière sur la moto. Elle n’est pas sensée rentrer un jour en production, mais Lakic confirme que déjà des acheteurs potentiels se seraient manifestés. On aurait pu continuer encore longtemps à discuter comme cela, mais le rendez-vous suivant patiente déjà depuis quelques temps. On fait quand même quelques photos autour de l’America et de la Cup221, mais il faut bien s’arrêter : j’ai un train à prendre et lui une pelletée de rendez-vous. On se quitte en se tutoyant, et mon idée de Venturi a déjà un peu évolué. Comme quoi, y’a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis !

Pour en savoir plus:

www.venturi.fr

www.lakic.com

Texte: Paul Clément-Collin

Photos: DR & Thomas de Saulieu


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