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BMW Série 5 E12 : la philosophie maison

Par Aurélien Charle - 03/04/2020

Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, BMW est mal en point et peine à retrouver son faste d’antan. Frôlant de peu la faillite, le constructeur bavarois va finalement reprendre des couleurs dans les années 1960. En lançant, dans un contexte enfin apaisé, la Série 5 E12, la marque allemande va véritablement ancrer cette identité qui fait encore l’âme de ses modèles d’aujourd’hui.

Le prototype de la Série 5 E12 de BMW

De la débâcle au succès. 

En 1945, BMW est, à l’instar de l’Allemagne, au plus mal. Son unité de production de Munich est en ruine et celle fabricant ses modèles automobiles à Eisenach se trouve désormais en zone d’occupation soviétique, ce qui lui en fait perdre le contrôle. Il ne lui est également plus possible de produire de moteurs d’avion. En effet, en guise de soi-disant punition pour avoir collaboré avec le régime nazi, les Anglais se sont emparés des plans des modèles produits avant la guerre. Enfin, les forces alliées interdisent à BMW de produire de nouveau des véhicules pendant trois ans. C’est donc grâce à la fabrication de pièces détachées et d’articles ménagers que la firme survit.

Après avoir repris l’assemblage de ses modèles d’Avant-Guerre, BMW lance la 501 en 1951, une berline à la ligne pataude et rondouillarde qui lui vaudra même le surnom d’Ange Baroque. Malgré ce renouveau, la 501 ne dégage aucune rentabilité. BMW se tourne alors vers la marque italienne Iso-Rivolta afin de se voir céder une licence pour fabriquer sa petite Isetta. Enfin, afin de renouer avec son passé sportif, le constructeur lance le roadster 507 et le coupé 503. Toutefois un prix de vente élevé jouera en leur défaveur et leur production ne durera que quatre ans pour un total respectif de seulement 243 et 413 exemplaires. C’est presque à l’agonie que BMW sort des années 1950 et manque de se faire racheter par Daimler-Benz.

À la suite de cela, la société est réorganisée et un projet de berline, dont la cylindrée sera comprise entre 1 500 et 2 000 cc, est lancé. Ces études donneront naissance aux très modernes berlines « Neue Klasse » (nouvelle classe) qui, à partir de 1962, marquent le renouveau de BMW. Cette nouvelle image va également être dynamisée par de nombreux exploits sportifs retentissants. Revenant de très loin, au début des années 1970, BMW est en pleine forme.

Figer son identité.

BMW a dignement relevé la tête et compte bien asseoir son image de constructeur de modèles bourgeois et dynamiques. À la fin des années 1960 est donc lancée l’étude de la future grande berline de la gamme. Indirectement, un premier jet de l’étude des lignes est présenté au Salon de Francfort en 1970 sous la forme du concept-car BMW 220 TI Garmisch. Ce prototype signé Bertone va en effet influencer le design de la future berline, peaufiné ensuite par le Français Paul Bracq, auteur des lignes des modèles Mercedes apparus depuis le début des années 1960. Au chapitre de la mécanique, on conserve des solutions éprouvées, d’autant que la propulsion arrière s’avère plus adaptée au plaisir d’une conduite sportive.

Munich se souviendra de l’année 1972 ! Outre les épiques Jeux Olympiques, on y construisit le nouveau siège social de BMW connu pour sa forme caractéristique en forme de cylindres. Au milieu de toute cette effervescence apparaît la nouvelle BMW 520. Elle est une héritière logique des Neue Klasse pourvues de plus de dynamisme. La ligne se montre remarquablement équilibrée, la caractéristique proue inclinée comporte désormais quatre phares et fend la bise avec plus de punch et il n’y a rien à redire quant à la qualité perçue. Les finitions de la planche de bord et de l’habitacle sont un sujet avec lequel on ne plaisante visiblement pas et l’ambiance générale brille autant par son sérieux que par son manque de fantaisie.

Notons également la présence d’un petit détail stylistique bien de son époque : l’orifice de remplissage d’essence situé à droite sur le panneau arrière, sous une trappe. Solution que Paul Bracq avait également adaptée sur les Mercedes W114 quelques années auparavant. L’un des principaux changements se trouve dans l’appellation du modèle à trois chiffres ; le premier indiquant son positionnement dans la gamme, les deux autres annonçant la cylindrée. Un élément aujourd’hui indissociable de l’âme de la marque bavaroise. Deux versions sont lancées : la 520, équipée de deux carburateurs Stromberg à double-corps et la 520i, recevant un système d’injection Kügelficher. Chacune développe respectivement 113 et 130 chevaux pour une cylindrée commune de 1 990 CC. Elles sont assemblées dans l’usine de Dingolfing, site de production que BMW a pu récupérer et moderniser après l’achat de la marque Glas en 1966.

Le haut du panier !

La BMW 520 est un excellent résultat des efforts acharnés de la marque depuis le début des années 1960. On en apprécie particulièrement le silence de fonctionnement, la suspension améliorée qui compense la fermeté des assises et l’impression générale de grande robustesse. Malgré cela, on déplore une dotation de série plutôt maigre et des performances, certes honnêtes, mais à peine à la hauteur de l’image que la voiture veut défendre. Le tir est vite corrigé avec l’apparition de la nouvelle 525 en août 1973. Elle reçoit un 6 cylindres en ligne de 2 494 cc affichant 145 chevaux. Cette variante se montre enfin vraiment digne de ses prétentions tout en recevant également une dotation plus fournie. Cependant, comme pour tous les constructeurs automobiles, l’arrivée du Premier Choc Pétrolier redistribue les cartes.

La maison bavaroise n’en garde pas moins les reins solides et peut compter sur une image de marque renommée et une bonne implantation sur les différents marchés mondiaux. Les difficultés n’en restent pas moindres pour autant. Le terrain est donc plus propice à l’apparition d’un modèle au prestige revu à la baisse. La BMW 518 est donc lancée en mai 1974. En conformité avec son appellation, elle reçoit un 4 cylindres de 1 766 cc développant 90 petits chevaux pour atteindre un timide 160 km/h en vitesse de pointe. Qu’importe, elle fait le bonheur d’un public plus modeste, heureux de pouvoir trouver un modèle plus sobre, toujours aussi robuste et l’aura d’une marque que l’on ne désigne pas encore comme « premium ».  L’autre extrémité de la gamme ne sera pas longtemps en reste et, en février 1975, la 528 débarque avec ses 2 788 cc et ses 165 chevaux pour approcher les 200 km/h en pointe !

Plus jeune… et plus méchante ! 

En septembre 1976 intervient un petit relooking : le capot et les pare-chocs sont retouchés, les feux arrières élargis et l’orifice de remplissage de carburant migre sur l’aile arrière droite. Les 525 et 528 en profitent pour se muscler en affichant désormais une puissance respective de 150 et 170 chevaux grâce à l’adoption d’un carburateur Solex à quadruple corps. En août 1977, la 520/6, désormais à 6 cylindres, envoie les versions 4 cylindres au rebut tandis que la 528 devient 528i et décolle carrément grâce à ses nouveaux 184 chevaux.

Cette escalade de puissance arrive à sa consécration lors de la présentation de la M535i au salon de Francfort de 1979. Celle-ci fut passée entre les mains de Motorsport, le service compétition de BMW qui lui greffa le 3 453 cc à injection de la BMW 735i lui permettant de s’envoler à 225 km/h en pointe et d’atteindre les 100 km/h en 7,4 secondes. Reconnaissable seulement à ses jantes en alliage léger et à son spoiler avant, il existait toutefois un kit carrosserie accessoire distribué par BMW répondant au nom de M-technic et qui comprenait notamment une panoplie d’adhésifs bariolés à disposer sur les pourtours de la caisse. L’habitacle était équipé de fauteuils sport Recaro de série et toutes sortes d’options, de l’intérieur cuir au toit ouvrant électrique en passant par un équipement hi-fi terminant de faire de cet avion de chasse un confortable jet privé pour cinq personnes.

Cette envolée de puissance sera la dernière évolution de la Série 5 E12 qui s’éclipse en 1981 pour laisser sa place à la nouvelle Série 5 E28. Cette berline moderne et dynamique rencontra un joli succès puisque ce ne sont pas moins de 722 435 exemplaires qui ont été assemblés, soit plus du double des berlines Neue Klasse qu’elle remplaçait. La E12 fut véritablement celle qui inaugura cette identité chic et choc propre à nos BMW contemporaines. Un mythe discret et efficace… à l’allemande !

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