BBC : la bagnole d'un fabricant d'armes flinguée par la Fiat
BBC ? Cette marque vous rappelle sans doute la télévision britannique bien plus qu’une automobile italienne. Et pourtant, l’histoire de cette éphémère voiture populaire est intéressante, et l’une des initiales de l’acronyme vous parlera sans doute : Beretta !
Oui vous avez bien lu, et même si le rapport entre l’automobile et le fabricant italien d’armes à feu n’est pas évident, il s’agit bel et bien de ce Beretta là. Après avoir tourné à plein régime durant la première partie de la guerre pour fournir l’armée fasciste, les usines Beretta se retrouvèrent saisies par les allemands à partir de l’invasion alliée de l’Italie (1943) puis sans beaucoup d’activité après la libération totale du pays. Elles devaient se contenter de la réparation des fusils M1 Garands (et de la production d’une version « ritalisée » pour les nouvelles forces armées italiennes, appelée BM-59).
Bref, le patron de l’entreprise plus que centenaire (Beretta fut fondée au 16ème siècle), Pier-Giuseppe Beretta se voyait contraint de trouver d’autres activités pour faire tourner ses usines. Comme dans beaucoup de pays, l’Italie d’après-guerre était à reconstruire, et les besoins en véhicules étaient importants, tant pour les entreprises que pour les familles. C’est donc ce marché que Beretta tentera de grappiller au nez et à la barbe de la toute puissante Fiat.
Beretta n’était pas fou, et ne voulut pas se lancer seul dans l’aventure. Il va s’associer à l’un de ses amis, Luigi Castelbarco, et à un autre industriel, Giuseppe Benelli (l’un des 6 frères fondateurs de la marque de moto Benelli). L’idée était simple : produire une voiture populaire, économique, disposant de 4 places et au look moderne (pour l’époque).
Pour le moteur, ce fut Benelli qui s’y collait, en dessinant un V-Twin de 750 cm3 refroidi par air développant 20 chevaux ! Sa production devait être assurée par les usines Beretta, tout comme le châssis tubulaire. La carrosserie était quand à elle réalisée par le carrossier turinois spécialisé dans les autobus, Rosso. Il devait en outre assurer le montage final des automobiles.
En 1948, 3 prototypes étaient prêts, dévoilant une ligne assez élégante, relativement moderne, et quel que peu rondouillarde… 2 portes, seulement, 4 places, et une calandre à la façon des fanons des baleines. Surtout, il était prévu qu’elle serait aussi économique à l’achat qu’à l’entretien ou la consommation : une vraie concurrente pour la Fiat Topolino (que Simca produisait aussi en France sous le nom de Simca 5, lire aussi : Simca 5).
Cette concurrence frontale et moderne avec la Fiat ne fut pas sans conséquence. Vittorio Valletta, alors président de la toute puissante société turinoise, demanda un rendez-vous à Giuseppe Beretta. A la fin de l’entretien, le sort de la BBC était scellé ! Elle ne sortira jamais en série. Que s’est-il passé entre les deux hommes ? Une réunion à l’apparence cordiale, polie, mais teintée de menaces sourdes : si Beretta maintenait son projet, ce serait la guerre. On ne se mesure pas impunément à la Fiat. Il valait mieux laisser tomber, d’autant que petit à petit, le fabricant d’arme se redressait.
Giuseppe Beretta n’en oublia pas pourtant de se diversifier dans la « motorisation », mais préféra ne pas rentrer en concurrence avec Fiat. Il investira (ainsi que ses amis Benelli et Castelbarco) en 1950 dans la société Mi-Val, fabricant de machines-outils et de motocyclettes. En 1953, Mi-Val lancera la Mivalino, un « cyclecar » à trois roues donc, sous licence Messerschmitt KR175. Une centaine d’exemplaires seront produits jusqu’en 1955. L’activité moto durera, elle, jusqu’en 1968.
La Mivalino, produite sous licence Messerschmitt par Mi-Val, une société de la galaxie BerettaDes 3 exemplaires de la BBC, ne reste plus qu’un seul aujourd’hui toujours conservé par l’entreprise Beretta. On peut donc, si on est très gentil, toujours voir cette tentative avortée de voiture populaire !