Autech Zagato Gavia : retour à la raison
A la fin des années 80, tout semblait possible tant les projets de supercars pullulaient ! L’argent semblait couler à flot chez les golden boys, et chacun voulait sa part du gâteau. Dans la foulée de la Ferrari F40, symbole de la spéculation de l’époque, d’autres constructeurs (Cizetta, Bugatti, Lamborghini, McLaren, Jaguar) préparaient la riposte. Dans l’archipel nippon, la petite filiale spécialisée dans les véhicules de niches (limousines, voitures pour handicapés), Autech, entrevit la possibilité de se faire un nom en proposant aux riches amateurs une série de 10 véhicules exclusifs portant chacun un nom de col italien.
Cependant, dans le cas d’Autech, l’approche était différente des officines sportives européennes. Dans la lignée de la Pike Factory, Nissan voulait faire « différent », et proposer autant des automobiles que des œuvres d’art. L’important n’était pas la puissance ou les performances. D’ailleurs, un gentleman’s agreement limitait, d’un accord commun, les constructeurs dans la course à la puissance : 280 chevaux était un maximum au Japon. Comme Autech, dans un premier temps, voulait se limiter au marché national, la recherche de la démesure n’était pas une priorité, du moins techniquement.
Stylistiquement en revanche, on voulut sortir du lot, sous l’impulsion du CEO d’Autech, Shinichiro Sakurai, en proposant une approche en rupture avec les dessins conventionnels, une manière aussi de se distinguer de la maison mère Nissan, au style relativement sage. Autech voulait se différencier de toute la production automobile d’alors, et pour cela, rien de tel que Zagato. Le carrossier/designer italien avait fait ses preuves avec Aston Martin, livrant une V8 de son cru rompant avec le style en vigueur chez le constructeur anglais. D’ailleurs, business is business, il fallait rapidement trouver de quoi faire tourner les ateliers de fabrication du carrossier : l’Aston tirait sa révérence, tandis que la production du Spyder, version cabriolet de la Maserati Biturbo, ou de la Karif, restait confidentielle. L’italien s’apprêtait certes à produire l’Alfa Romeo SZ, mais on se sent toujours mieux avec un carnet de commande bien rempli.
La première copie rendue par Zagato ne faisait pas dans la dentelle : la Stelvio (rien à voir avec le SUV d’Alfa Romeo) ne ressemblait à rien d’existant, et en cela le cahier des charges avait été respecté. Dans la lignée de ses œuvres contemporaine (Aston Martin V8, Alfa SZ), Zagato signait une œuvre dérangeante lancée en 1989 en pleine euphorie de l’économie japonaise liée à une bulle spéculative qui atteindra son sommet en 1990 … Avant d’exploser.
Officiellement, 204 exemplaires de la Stelvio furent produits, mais en réalité, seuls 104 voitures sortiront réellement des chaînes conjointes de Nissan et Zagato entre 1989 et 1991. Il faut dire qu’elle atteignait un prix considérable (700 000 francs de l’époque). Le couple italo-nippon n’était-il pas allé trop loin, avec un design trop dérangeant, trop clivant ? Les équipes de Zagato se remirent donc à leurs tables à dessin, histoire de corriger le tir sur le 2ème modèle prévu, dénommé Gavia, comme le col éponyme culminant à 2816 mètres d’altitude, en Lombardie.
La base de la voiture est le châssis de la Léopard, légèrement raccourci pour devenir un coupé. Côté moteur, on piocha dans la banque d’organe Nissan : le VG30DETT de la 300 ZX ferait l’affaire, un V6 biturbo de 3 litres développant 286 chevaux (en réalité, un peu plus, vous l’aurez compris). Histoire de rattraper le coup après l’étrange dessin de la Stelvio, on gomma toute aspérité, et pour tout dire tout caractère, de ce nouveau coupé exclusif signé Autech ! Enfin, pas tout à fait Autech, car les quelques Gavia qui sortiront porteront toute le logo Z de Zagato. Le cœur n’y était plus, et la collaboration touchait à sa fin avant même que les roues de la première Gavia touchent le bitume.
Seuls 16 exemplaires de la Gavia seront réellement produits et vendus en 1993. Une année à oublier pour Zagato, puisque le rachat de Maserati par Ferrari lui coûtait son principal contrat (le Spyder) et alors que la production du cabriolet RZ prenait fin. Cependant, le carrossier, qui avait espéré l’accord d’Alfa Romeo pour produire la 155 TI-Z, avait entrevu le potentiel japonais grâce à l’expérience Autech : il réussira à en refourguer quelques-unes avec l’aide de partenaires nippons avant de sombrer dans les difficultés financières !
Images : Zagato, DR