Austin-Healey Sprite Mk1 « Frogeye » : le plaisir avant tout
Avec la Sprite première du nom, Austin-Healey poussait encore plus loin le concept de la petite sportive abordable « à l’anglaise ». Légère, dépouillée à l’extrême et équipée d’un petit moteur, elle serait aujourd’hui cataloguée « low cost ». A l’époque, c’était une façon de proposer les joies du roadster à petit prix et de démocratiser le sport automobile, tout en augmentant les volumes de production. En effet, la petite firme fondée par Donald Healey et Leonard Lord, alors patron de BMC et d’Austin, produisait depuis 1953 une Austin-Healey 100 plutôt exclusive, à la diffusion plus limitée. Mission accomplie pour la Sprite dont le physique controversé contribua à la maintenir dans l’imaginaire coll
L’idée d’une sportive abordable n’était pas nouvelle. Panhard avait lancé au début des années 50 sa Junior sur le même principe minimaliste, mais un moteur trop pointu demandant un entretien méticuleux en avait limité le succès. C’était en tout cas la même idée que Leonard Lord proposa à Donald Healey : concevoir un roadster rustique, bon marché et compact. Justement, Gerry Coker, le designer des Austin-Healey 100 venait de quitter la marque pour travailler chez Chrysler outre-Atlantique en laissant derrière lui une esquisse de petite sportive à la bouille rigolote. C’est ce dessin qui servira de base pour réaliser la Sprite.
Avec sa ligne sensuelle et son regard de braise, l’Austin-Healey Sprite visait aussi une clientèle jeune et féminineRien que le nom choisi pour la future petite voiture suffisait à en comprendre l’esprit : Sprite veut dire lutin en anglais et comme chacun sait, le lutin est petit, espiègle et joueur. Effectivement, ses concepteurs se l’imaginaient comme un jouet pour adulte, donnant du plaisir à petit prix. Le dessin très compact de Coker se prêtait bien à cette idée. Aujourd’hui, chacun connaît ce regard qui lui a valu les surnoms de Frogeye (« yeux de grenouille ») en Europe et Bugeye (« yeux de punaise ») aux Etats-Unis. Il n’était pourtant pas prévu comme tel par Coker qui avait imaginé un système de phares rétractables, à la manière d’une Porsche 928 plus tard. Chez Austin-Healey, on travailla au début sur une telle configuration avant de se rendre compte du surcoût que cela engendrerait. Finalement, on laissa les phares fixes dans une position haute, lui donnant ce regard si particulier et évocateur (un regard que la TR3 possédait aussi, mais en moins marqué).
Une telle face avant contribuait à renforcer ce côté joueur, sans compter sa calandre basse dessinée comme un sourire. Cet avant très rieur séduisait autant qu’il déplaisait, certains lui trouvant un manque de virilité pour une sportive. Autre subtilité du dessin : des ailes avant intégrées au capot moteur, facilitant l’accès à toute la mécanique et permettant des rondeurs sensuelles. Pour abaisser les coûts, pas de poignées de porte, ni même d’ouverture du coffre, accessible uniquement par une trappe à l’intérieur de la voiture, un intérieur fort dépouillé par ailleurs, sans moquette ni chauffage (disponibles en option). Pas de vitres non plus, juste une sorte de rideau latéral pour protéger de la pluie ainsi qu’une capote (un hard top était proposé en option).
Concernant la mécanique, on alla aussi au plus simple et au plus rentable en utilisant un bloc amorti et éprouvé depuis longtemps, un « A-Series » qu’on trouvait aussi sur les Austin A35 et Morris Minor 1000, d’une cylindrée de 948 cc et développant 46 chevaux, de quoi affoler les compteurs a priori, mais la voiture ne pesait en tout et pour tout que 664 kg. La vitesse maximum dépassait tout juste les 130km/h mais la position de conduite basse, l’absence de fenêtres et la possibilité de bidouiller le moteur pour en augmenter les performances (selon la tradition anglaise) suffisaient au bonheur des conducteurs.
Sur l’Austin-Healey Sprite Mk1, même le pare-chocs était en option : de nombreux modèles en sont donc dépourvus.Présentée à la presse le 20 mai 1958 à Monaco, elle rencontra rapidement le succès, tant en Europe qu’aux Etats-Unis et se vendit jusqu’en 1961 à 48 987 exemplaires grâce à sa plastique craquante et surtout à son prix (moins de 700 livres). Quelques exemplaires seront montés en CKD (kit de production) en Australie durant l’année 1962. Malgré ce succès commercial, l’Austin-Healey Sprite fut totalement revue en 1961. Lancée en mai, la Sprite Mk2 abandonnait le style Frogeye, jugé trop clivant, pour une ligne beaucoup plus traditionnelle. Cette deuxième Sprite, fabriquée chez MG, avait aussi une sœur jumelle, la MG Midget : les deux voitures reçurent le nom de Spridget.
Aujourd’hui, la Sprite Mk1 fait toujours tourner les têtes. Elle a en revanche perdu son côté « bon marché » : sa cote est estimée à 20 000 euros en 2018 (selon LVA), la plus chère des Sprite. Un succès dû certes à son design, mais aussi à son minimalisme qui, de nos jours, s’avère tout à fait adapté pour procurer du plaisir malgré les limitations de vitesses. Et si le vrai luxe, c’était de ne pas avoir besoin de plus ?
Liens de l’article :
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Le club dédié à l’Austin-Healey Sprite :
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES AUSTIN-HEALEY SPRITE MK1 (58-61) | |
Motorisation | |
Moteur | 4 cylindres en ligne, 8 soupapes |
Cylindrée | 948 cc |
Alimentation | 2 carburateurs SU |
Puissance | 46 ch à 5 500 trs/min |
Couple | 71 Nm à 5 500 trs/min |
Transmission | |
Roues motrices | Arrière |
Boîte de vitesses | Manuelle à 4 rapports |
Dimensions | |
Longueur | 3 493 mm |
Largeur | 1 346 mm |
Hauteur | 1 264 mm |
Poids | 664 kg |
Performances | |
Vitesse maxi | 130 km/h |
Production totale | 48 987 exemplaires (1958-1961) |
Tarif | |
Cote moyenne 2018 (LVA) | 20 000 euros |