SPORTCARS
ALPINE
FRANÇAISE

Alpine A110 : retour gagnant pour la Berlinette

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 10/12/2017

Assister à la renaissance d’une marque mythique (du moins pour nous, français), faire partie des rares privilégiés à pouvoir conduire le tout nouveau modèle, s’amuser sur les routes et sauter de virage en virage, « taper dedans » sur circuit ? Jamais, en 1995, je n’aurai imaginé que, 22 ans plus tard, je ferai partie des quelques « essayeurs » du modèle du renouveau : l’Alpine A110.

Je me souviens encore de l’annonce de la fin d’Alpine, et de l’échec cuisant de l’A610, dernier rejeton de la lignée dieppoise (lire aussi : Alpine A610). Cela me paraît hier, et c’était pourtant il y a une éternité. J’avais fait une croix sur Alpine, malgré les projets plus ou moins secrets (lire aussi : Alpine A710) et les succédanées comme le Spider Renault (lire aussi : Renault Spider). De toute façon, Venturi à l’époque sortait sa 300 Atlantique qui me semblait à même d’assurer la relève, ce en quoi j’avais tort (lire aussi : Venturi Atlantique 300). Passée l’année 1999, la France n’avait plus à présenter une sportive digne de ce nom, et chaque amateur un peu pointu se sentait orphelin, soit de Venturi, soit d’Alpine, soit (pour la plupart) des deux.

Autant dire que l’annonce du renouveau d’Alpine, rumeur des années 2010 confirmée en 2012, était de nature à m’enthousiasmer. Pourtant, tout commença mal, avec un mariage bancal puis un divorce peu clair avec l’anglais Caterham (un jour on saura le fin mot de l’histoire, j’espère), le départ de Carlos Tavares, promoteur du projet chez Renault devenu PDG du rival PSA, et les difficultés de Renault à communiquer réellement et clairement sur le projet. Sans parler des projets concurrents comme la fameuse Interlagos présentée quelques mois seulement avant les premiers concept-cars officiels (lire aussi : Willys Interlagos AW380). Ce qui devait être une promenade de santé s’annonçait plus compliqué que prévu !

Malgré les doutes (les miens notamment, je l’avoue), malgré le french bashing de rigueur sur le web notamment, malgré le temps qui passait, malgré les difficultés industrielles mais aussi marketing, Renault tint bon pour finir par sortir cette A110 (récupérant le nom de la plus mythique des Alpines), présentée – enfin – au Salon de Genève 2017 dans sa version définitive. Entre temps, la « Première Edition » se vendait en deux temps trois mouvements sur internet : 1955 exemplaires « collectors » vendus auprès des afficionados de la marque obligés de déposer un acompte sans même savoir le prix réel de la bête (1955 étant un clin d’oeil à l’année de lancement d’Alpine, lire aussi : Alpine A106).

Je ne suis pas un énorme fan du « revival » automobile : j’apprécie modérément les Volkswagen New Beetle, Fiat 500, Mini des années 2000, qui ne sont pour moi que des coups marketing, et j’avais donc peur de la direction prise par Alpine avec cette A110. J’aurai préféré plus d’audace, une voiture totalement nouvelle, ou bien faisant référence à d’autres voitures mythiques de la marque, l’A310 4 cylindres par exemple, futuriste à souhait (lire aussi : Alpine A310). J’avais l’impression que prendre l’A110 comme modèle, et en conserver le nom, c’était trop facile. En singer le design aussi.

J’avoue, j’avais tort. Il me fallait la voir en vrai, en situation, mes mains sur son volant, mes bagages dans l’un de ces deux petits coffres, mon cul sur le siège baquet Sabelt de seulement 13 kg, pour vraiment la comprendre, et l’adopter en deux temps trois mouvements. C’est d’ailleurs la principale qualité de cette A110 : une voiture qu’on comprend dès le départ, sans temps d’adaptation. A peine le bouton Start pressé, la voiture fait corps avec vous, comme une vieille maîtresse que vous retrouveriez avec plaisir… Enfin, la fille de votre vieille maîtresse plutôt ! Tout tombe sous le sens, tout paraît logique, et votre esprit efface de lui-même les 25 ans d’absence de la marque, l’A110 récupérant d’un coup une légitimité qu’il était tentant de lui nier !

C’est une Alpine, une vraie. Quelques coups de volants et d’accélérateurs suffisent pour vous mettre dans l’ambiance (une fois le mode sport activé). La caisse pivote autour de vous (le centre de gravité se situe au niveau du bassin, entre les deux sièges), le nez se place au millimètre, et le plaisir prend une autre dimension : vos yeux et votre esprit, concentrés sur la route, commandent la voiture sans effort, le reste n’étant plus que de la mécanique, du cerveau commandant l’action jusqu’à la sortie d’échappement et au frottement des roues sur la route. Faire corps avec la voiture, voilà l’exploit réussi par Alpine, pourtant attendue au tournant.

On pourrait croire qu’il s’agit de chauvinisme, que l’aspect français de l’affaire pousse à l’enthousiasme démesuré. Il est vrai qu’en discutant avec mes confrères francophones, l’unanimité finissait par me paraître louche : n’étions-nous pas influencés par nos origines, notre envie de voir renaître une marque sportive française, et notamment celle-là, si emblématique ? En discutant avec d’autres confrères, suisses ou allemands présents lors de la session d’essai, et anglais sur internet, le sentiment général est le même : « well done ».

Les esprits chagrins, les redresseurs de tort du net, les pourfendeurs du Made in France ou les afficionados de la teutonne trouveront à redire en tentant de classer l’A110 en comparaison d’une Audi TT S ou RS, d’une Porsche 718 Cayman : pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu’ils disent car le tour de force de Renault, c’est de réitérer, à mon sens, l’exploit de l’A110 originelle consistant à n’être en concurrence avec aucune autre qu’elle même. Les Lotus Elise ou Alfa Romeo 4C sont trop radicales, la 718 Cayman trop chère, et beaucoup plus lourde. En fait, l’Alpine vise une clientèle particulière qui n’irait de toute façon pas vers Porsche, ou qui y a déjà gouté, des gens curieux, des gens nostalgiques, des gens décalés : l’A110 vise une niche d’amateurs éclairés plus nombreux qu’il n’y paraît pourvu qu’il y ait un poil de confort. Cette petite voiture française ne taillera donc pas vraiment des croupières à Porsche même si elle lui piquera des clients, mais elle ratissera plus varié (et non plus large) et fera sans doute du mal à de plus petits constructeurs (Lotus) ou plus dilétantes (Alfa Romeo).

De toute façon, les ambitions de volume sont raisonnables : les 1955 premiers exemplaires de la série première édition sont déjà vendus. Suivront ensuite les commandes « normales » en version Pure (radicale, épurée, plus légère avec 1080 kg au lieu de 1100) pour les puristes, ou Légende (dans un esprit plus GT, mieux équipée, avec notamment un cuir brun « havane » du plus bel effet).

Et la conduite alors ?

L’Alpine est une des voitures les plus bluffantes qu’il m’ait été donné de conduire. Position de conduite trouvée d’un seul coup, proportions faciles à appréhender, moteur rageur, central et sonore, qui donne du plaisir malgré seulement 4 cylindres (et sans bruit « fakes » dans les haut-parleurs), 252 chevaux réellement là et largement suffisants, un châssis réactif, une voiture instinctive transmettant toutes les informations, une boîte auto qu’ont aurait voulu critiquer et pourtant totalement raccord avec la voiture, y compris dans ses temps de latence « à l’ancienne », devenant qualité là où une autre voiture en aurait pâti, le plop plop plop à la décélération, la franchise des passages de vitesse en mode manuel, le comportement très sain, joueur mais pas vicieux, facile à comprendre, j’arrête là, vous allez penser que j’exagère.

Pire, tous ces éléments enthousiasmants sur route se révèlent encore plus vrais sur le circuit du Sambuc, exigeant pour le pilote comme pour la voiture. Freinage endurant (Brembo), agilité dans les virages et les épingles, stabilité à haute vitesse, moteur rageur et montant dans les tours (en mode manuel, c’est moins le cas en mode automatique Sport qui limite la montée dans les tours) : il a fallu que je vérifie auprès de mes collègue pour m’assurer que je n’avais pas été le seul à avoir ces impressions.

On pourrait chercher des noises à cette A110, pour de faux prétextes : l’emploi de commodos de la grande série, ou de plastiques parfois moins nobles, fait pour moi partie de l’histoire d’Alpine, d’une part, et ne gâche absolument rien à l’ensemble : il faut vraiment vouloir aller chercher la petite bête et tenter de dézinguer la nouvelle Berlinette…

Berlinette ? Oui assurément !

Ca y est, le mot est lâché : « Berlinette » ! Renault l’emploie peu malgré le nom choisi pour la nouvelle Alpine. Pourtant, c’est un terme qui prouve bien la réussite du projet A110 : ne cherchant à rivaliser avec personne si ce n’est à sa devancière, elle créé à nouveau son propre segment, celui de la Berlinette, créneau réservé à Alpine, se suffisant à lui-même ! En gros, la Berlinette est une voiture agile et performante, légère et accessible, préférant les actes aux chiffres, l’efficacité à l’esbroufe, en fait, une voiture aux antipodes de Porsche !

Avec très peu de défauts (si l’on excepte sa tablette tactile ressemblant à celle de ma fille de 10 ans, en moins performante), ou bien des défauts « voulus » et légitimes (son petit côté joueur, une puissance contenue mais suffisante pour un poids plume grâce à l’utilisation massive d’aluminium et la recherche du moindre gramme jusque dans les sièges et le système audio Focal), l’A110 fait un sans faute et redonne la banane et cela vaut tous les discours marketing (d’ailleurs, la conférence de presse fut un modèle de parler « normal » là où tout le monde use et abuse de termes marketing abscons et pédants). La première pierre de la ressuscitée Alpine est une réussite. Il reste à voir ce que nous réserve la suite, mais en descendant de la voiture je me suis fait cette réflexion « on s’en fout en fait, c’était bon » : quand ces mots sortent spontanément, c’est que la voiture est bonne !

Cet essai a été réalisé avec mon ami Yvaneck, d’Automotivpress (lire l’essai ici), dont voici l’excellente vidéo avec du Boîtier Rouge dedans:


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