Alfa Romeo TZ3 Stradale : hérésie à l’italienne
Pour célébrer le centenaire d’Alfa Romeo en 2010, une drôle de voiture était présentée à la Villa d’Este : la TZ3 Corsa, évocation moderne des fameuses TZ et TZ2 des années 60 réalisées par le carrossier Zagato. L’année suivante apparaissait la TZ3 Stradale, série de 9 exemplaires homologués pour la route. Mais entre les deux modèles, tout avait changé. D’une évocation tout à fait réaliste, on passait à un drôle de pastiche illustrant bien les errements du nouveau groupe italo-américain FCA. Retour sur l’Alfa Romeo TZ3 Stradale et ses origines américaines.
Cette histoire commençait pourtant bien. Un collectionneur féru d’Alfa Romeo, l’allemand Martin Kapp (héritier d’une entreprise de machines-outils de Cobourg, en Bavière) désirait rendre hommage à sa marque fétiche et au carrossier Zagato (2010 correspondait aux 100 ans de l’une et aux 90 ans de l’autre). Son cahier des charges était simple : lui réaliser un modèle unique, évocation moderne des Alfa Romeo TZ produites entre 1963 et 1967 à 112 exemplaires. Il fit évidemment appel au carrossier italien et obtint l’adoubement du constructeur milanais.
Pour les 100 ans d’Alfa Romeo
Zagato se mit alors au travail. Pour rendre hommage aux TZ, il fallait revenir aux fondamentaux. On décida donc de créer de toutes pièces un châssis tubulaire (le T de TZ) sur lequel viendrait se greffer une carrosserie typiquement Zagato (le Z de TZ). Les éléments de design typique des TZ étaient bien là : “coda tronca” quasiment repris à l’identique, avant long, phares sous globes, rondeurs pourtant musclées. A cela s’ajoutait un indéniable air de famille avec la fameuse 8C produite entre 2007 et 2010. Du grand art, d’autant que le poids restait contenu à 850 kg seulement.
La TZ3 Stradale, contrairement à la Corsa, est basée sur une Dodge Viper V10Sous le long capot avant, on trouvait un V8 Maserati de 4,2 litres développant 420 chevaux. De quoi donner à cette TZ3 Corsa des performances démoniaques : il ne s’agissait pas de faire un concept car mais bel et bien une voiture roulante et performante, pour le plus grand plaisir de son propriétaire et commanditaire, Martin Kapp. La belle fut présentée au célèbre concours d’élégance de la Villa d’Este, réunissant tous les suffrages.
Du V8 Maserati au V10 de Viper
C’est à ce moment-là que tout est parti en cacahuète. Devant le succès rencontrée par la voiture en Italie, et les gentilles pressions mises par des clients désireux d’avoir eux aussi leurs TZ3, Zagato allait commettre l’irréparable : produire une petite série de TZ3. Cette décision n’était pas, dans l’absolu, condamnable. Ce qui l’était, c’était de dénaturer totalement le projet en créant un non sens historique sur base de Dodge Viper.
D’une part, Martin Kapp avait obtenu de Zagato par contrat l’assurance que son modèle resterait unique. D’autre part, l’idée étant de livrer aux clients une voiture “Stradale” (donc homologuée pour la route), il fallait trouver une base ne nécessitant pas de repasser les coûteux et longs tests d’homologation. Fiat ayant acquis 20 % de Chrysler en 2009, avec la ferme ambition d’en prendre le contrôle (ce sera fait en 2014 avec la création du groupe FCA), il devenait facile d’obtenir le droit d’utiliser la Viper comme “donneuse” tout en conservant l’autorisation d’y apposer le logo Alfa Romeo : du grand n’importe quoi.
La TZ3 “Stradale” recevait donc des soubassements de Viper, mais aussi son incroyable V10 de 8,4 litres développant 620 chevaux. Sa carrosserie réalisée par Zagato était légèrement différente de celle de la TZ3 Corsa, exclusivité oblige, perdant d’ailleurs au passage un bonne dose de son charme. L’intérieur reprenait quasiment celui de l’américaine, tandis que l’auto prenait 600 kg de plus que la Corsa. En perdant son châssis tubulaire, la TZ3 usurpait son T, en prenant de l’embonpoint, elle reniait son Z, tandis que son V10 de camion insultait tout l’Italie.
Une hérésie ?
Entendons-nous bien, l’Alfa Romeo TZ3 Stradale n’est pas ratée : plaisante à regarder, sûrement aussi performante (voire plus) qu’une Dodge Viper, elle n’avait pas à rougir en termes de performances. Cependant, il ne s’agissait plus d’une TZ, ni d’une Alfa Romeo et seule sa gestation et sa fabrication par Zagato lui donnait encore un semblant de légitimité. On se demande encore comment on a pu laisser faire une telle hérésie chez FCA. Et pourtant, la raison était simple : cette TZ3 était un coup de publicité à bon compte, utilisant des composants issus du groupe en cours de construction. Sergio Marchionne était plus un financier qu’un vrai amateur d’automobiles, n’hésitant pas à répéter ce genre d’opération avec la marque Lancia, contrainte à rebadger des Chrysler en Europe au mépris de son histoire.
La plupart des alfistes répudièrent cette TZ3 pas assez catholique à leur goût. Pourtant, la rareté de l’engin, son histoire particulière pour un véhicule récent et ses performances intéressantes, en font une pièce de choix si votre compte en banque est bien garni. L’idéal, bien entendu, serait de convaincre Martin Kapp de céder son unique TZ3 Corsa, mais il vous faudra être sacrément convaincant.